Mémoire de Casanova partie 2

Au commencement du mois de Mars j’ai vu paraître devant moi un beau jeune homme en redingote, l’air gai, honnête, et noble avec une lettre à la main. Il me la remet cependant d’une façon que je m’aperçois qu’il est vénitien. Je l’ouvre, et je me réjouis. Elle était de ma chère, et respectable madame Manzoni. Elle me recommandait le porteur comte de Tireta de Treviso1 qui me conterait lui-mêmec sa triste histoire. Elle m’envoyait une petite caisse, dans laquelle elle me disait que je trouverais tous mes manuscrits, étant sûre qu’elle ne me reverrait plus.

Je me suis d’abord levé pour lui dire que voulant quelque chose de moi il ne pouvait pas avoir une recommandation plus puissante.

— Dites-moi donc, monsieur le comte, en quoi je pourrais vous être utile.

— J’ai besoin de votre amitié. Le conseil de ma patrie m’a élu l’année passée à couvrir un poste2 dangereux. On m’a fait conservateur au Mont de piété3 en compagnie de deux autres nobles de mon âge. Les plaisirs du carnaval nous ayant mis en besoin d’argent nous nous servîmes d’une partie de celui que nous avions dans la caisse, espérant de le remettre avant le temps dans lequel nous devions en rendre compte. Nous l’espérâmes en vain. Les pères de mes deux collègues plus riches que le mien les sauvèrent payant d’abord, et moi, dans l’impossibilité de payer, je me suis déterminé à la fuite. Madame Manzoni m’a conseillé à venir me jeter entre vos bras, me chargeant de vous porter une petite caisse que vous aurez dans ce même jour. Je suis arrivé hier avec la Diligence de Lyon : il ne me reste que deux louis ; j’ai des chemises ; [25v] mais je n’ai d’autre habit que celui-ci. J’ai vingt-cinq ans, une santé de fer, et une volonté déterminée à faire tout pour vivre en honnête homme ; mais je ne sais rien faire, et je n’ai aucun talent : je ne joue que de la flûte traversière pour mon plaisir : je ne parle, et je n’écris que dans ma seule langue, et je ne suis pas homme de lettres. Que pensez-vous pouvoir faire de moi ? Je dois vous dire aussi que je ne peux me flatter de recevoir le moindre secours de personne, et encore moins de mon père, qui pour sauver l’honneur de la famille disposera de ma légitime4 à laquelle je dois renoncer pour toute ma vie.

Cette courte narration me surprit ; mais la sincérité me plut. Je lui ai dit de porter ses paquets d’abord dans une chambre près de la mienne qui était à louer, et de se faire porter à manger dans sa chambre.

— Tout cela, mon cher comte, ne vous coûtera rien, et en attendant je penserai à vous. Nous parlerons demain. Je ne mange jamais chez moi. Laissez-moi, car je dois travailler, et si vous allez vous promener, gardez-vous de mauvaises connaissances, et surtout ne dites vos affaires à personne. Vous aimez le jeu ? je pense.

— Je le déteste, car il est la cause de la moitié de ma ruine.

— Et de l’autre moitié ?

— Les femmes.

— Les femmes ? Elles sont faites pour vous payer.

— Dieu fasse que j’en trouve. Chez nous il n’y a que des gueuses.

— Si vous n’êtes pas délicat sur cet article, vous trouverez fortune à Paris.

— Qu’entendez-vous par délicat ? Je ne pourrai jamais être maq……5

— Vous avez raison. J’entends par délicat un homme qui ne saurait être tendre qu’étant amoureux ; qui ne saurait souffrir entre ses bras une vieille carcasse.

— Si ce n’est que cela, je ne suis pas délicat. Je sens qu’une femme riche me trouverait [26r] amoureux quand elle serait tout ce qu’il y a de plus abominable.

— Bravo. Vous ferez6. Irez-vous chez l’ambassadeur ?

— Dieu m’en préserve.

— Tout Paris est actuellement en deuil7. Montez au second : vous trouverez un tailleur. Faites-vous faire un habit noir, et dites-lui de ma part que vous le voulez pour demain matin. Adieu.

Rentrant à minuit, j’ai trouvé dans ma chambre la caisse où j’avais toutes mes correspondances, et les portraits en miniatures qui m’intéressaient. Je n’ai jamais de ma vie mis en gage une tabatière sans ôter le portrait qu’elle contenait. J’ai vu le lendemain Tireta tout vêtu de noir. — Voyez-vous, lui dis-je, comme on fait vite à Paris ?

Dans le même moment on m’annonce l’abbé de la Coste8. Je ne me souvenais pas de ce nom ; mais je le fais entrer. Je vois le même abbé qui m’avait vu chez l’abbé de Laville. Je lui demande excuse si faute de temps je ne lui ai pas fait une visite. Il me fait compliment sur ma loterie. Il me dit qu’il avait su que j’avais distribué pour plus de deux mille écus9 de billets à l’hôtel de Koelen.

— Oui : j’en ai toujours pour huit à dix mille francs10 dans ma poche.

— J’en prendrai aussi pour mille écus.

— Quand il vous plaira. À mon bureau vous pourrez choisir les nombres.

— Je ne m’en soucie pas. Donnez-les-moi vous-même tels qu’ils sont.

— Volontiers. En voici. Choisissez.

Après les avoir choisis, il me demande à écrire pour me faire quittance.

— Il n’y a pas question de quittance, lui dis-je en riant, et retirant mes billets ; je ne les livre qu’argent comptant.

— Je vous le porterai demain.

— Et vous aurez demain les billets : ils sont registrés11 au bureau, et je ne peux pas faire autrement.

— Donnez-m’en qui ne [26v] soient pas registrés.

— Je n’en fais pas, car s’ils gagnaient, je me verrais obligé à les payer de ma poche.

— Je crois que vous pourriez en courir les risques.

— Je ne crois pas cela.

Il parle alors à Tireta en italien, et il lui propose de le présenter à madame de Lambertini veuve d’un neveu du pape12. Je lui dis que j’irai aussi ; et nous y allons.

Nous descendons à sa porte dans la rue Christine. Je vois une femme à laquelle, malgré son air de jeunesse, je donne quarante ans : maigre, avec des yeux noirs, vive, étourdie, grande rieuse, telle enfin qu’elle pouvait faire naître un caprice. Je la fais jaser ; et je trouve qu’elle n’était ni veuve, ni nièce du pape : elle était modénaise, et franche aventurière. Je vois Tireta qui en devient curieux. Elle veut nous engager à dîner, mais nous nous excusons. Le seul Tireta reste. Je descends l’abbé sur le quai de la ferraille13 ; et je vais dîner chez Calsabigi.

Après dîner, il me prend tête-à-tête, et il me dit que M. du Vernai lui avait ordonné de m’avertir qu’il ne m’était pas permis de distribuer des billets pour mon compte.

— Il me prend donc pour sot, ou pour fripon. Je m’en plaindrai à M. de Boulogne.

— Vous ferez mal ; car avertir n’est pas une offense.

— Vous m’offensez vous-même me donnant cet avis. Mais on ne me donnera pas le second de cette espèce14.

Il me calme, et il me persuade d’aller avec lui parler à M. du Vernai. Le brave vieillard me voyant en colère, me demande excuse, et me dit qu’un soi-disant abbé de la Coste lui avait dit que je prenais cette liberté. Je n’ai plus vu nulle part cet abbé, qui était le même que trois ans après on a condamné aux galères, où il a fini ses jours pour avoir vendu à Paris des billets d’une loterie de Trévoux15 qui n’existait pas.

[27r] Le lendemain de la visite que me fit cet abbé j’ai vu Tireta dans ma chambre qui venait de rentrer. Il me dit qu’il avait passé la nuit avec la nièce du pape, et qu’il la croyait contente de sa personne, puisqu’elle voulait le loger, et l’entretenir, s’il voulait dire à M. le Noir16, qui était son amant, qu’il était son cousin.

— Elle prétend, me dit-il, que ce monsieur me donnera un emploi dans les fermes17. Je lui ai répondu qu’en qualité d’ami intime je ne pouvais me déterminer à rien sans vous consulter. Elle m’a conjuré de vous engager à aller dîner avec elle dimanche.

— J’y irai avec plaisir.

J’ai trouvé cette femme amoureuse folle de mon ami qu’elle appela comte de Six coups, nom qu’il n’a plus perdu à Paris tant qu’il y resta. Elle l’avait reconnu pour seigneur de ce fief qui en France passe pour fabuleux ; et elle voulait en devenir la dame. Après m’avoir conté ses prouesses nocturnes comme si j’avais été son plus ancien ami, elle me dit qu’elle voulait le loger, qu’elle avait déjà le consentement de M. le Noir, qui était même enchanté de voir logé chez elle son cousin. Elle l’attendait l’après dîner, et il lui tardait de le lui présenter.

Après table, me parlant de nouveau de la valeur de mon compatriote, elle l’agaça18, et lui ambitieux de me convaincre de sa bravoured lui fit raison à ma présence. Cette vision ne me fit la moindre sensation ;e mais voyant la conformation extraordinaire de mon ami, j’ai reconnu qu’il pouvait prétendre à faire fortune partout où il pourrait trouver des femmes à leur aise.f

[27v] À trois heures deux femmes surannées arrivèrent. C’étaient des joueuses. La Lambertini leur présenta M. de Six coups son cousin. À ce nom imposant il devint un objet fort intéressant à l’examen, et encore plus lorsqu’on trouva son baragouing inintelligible. L’héroïne ne manqua pas de confier aux oreilles de ses amies le commentaire de ce beau nom, et de leur vanter la richesse extraordinaire du feudataire19. C’est incroyable, disaient les matrones le lorgnant ; et Tireta paraissait leur dire : Mesdames n’en doutez pas.

Voilà un fiacre qui arrive. Je vois une grosse femme plus que sur son retour, une nièce jolie à croquer, et un homme pâle habillé de noir en perruque ronde. Après les embrassades, la Lambertini présente son cousin Six coups : on s’étonne du nom, mais on passe sous silence le commentaire : on ne s’arrête qu’à la rareté d’un homme qui osait être à Paris sans savoir un mot de français, et qui malgré cela baragouinait à toute la compagnie, qui n’y comprenant rien ne faisait que rire. La Lambertini prépara un brelan20, et elle n’insista pas pour me faire jouer ; mais elle voulut que son cher cousinh jouât près d’elle, et de moitié. Il ne connaît pas lesi cartes ; mais cela ne fait rien ; il apprendra : elle veut l’élever. La charmante demoiselle ne connaissant aucun jeu, je m’offre à lui tenir compagnie devant le feu. La tante me dit en riant que j’aurai de la peine à trouver des matières assez intéressantes pour la faire [28r] causer ; mais que je l’excuserais, car elle n’étaitj sortie du couvent que depuis un mois.

Je vais donc m’asseoir avec elle devant le feu d’abord que j’ai vu le jeu en train. Ce fut elle qui rompit le silence me demandant qui était ce beau monsieur qui ne savait pas parler.

— C’est un seigneur de mon pays, qui à cause d’une affaire d’honneur en est sorti. Il parlera français quand il l’aura appris, et pour lors on ne se moquera plus de lui. Je suis fâché de l’avoir conduit ici ; car en moins de vingt-quatre heures on me l’a gâté.

— De quelle façon ?

— Je n’ose pas vous le dire, car votre tante le trouverait peut-être mauvais.

— Je ne pense pas à faire des rapports ; mais il se peut que ma curiosité mérite une correction.

— Mademoiselle, je reconnais mon tort ; mais je vais faire amende honorable vous disant tout. Madame Lambertini l’a fait coucher avec elle ; et elle lui a donné le nom ridicule de Six coups. Voilà tout. J’en suis fâché parce qu’il n’était pas libertin avant ce fait.

Aurais-je pu croire de parler à une fille de condition, à une fille honnête, et toute neuve dans la maison de la Lambertini ? Je fus surpris de voir sa figure enflammée par la pudeur. Je n’ai pas voulu le croire. Deux minutes après elle m’étonne avec une question à laquelle je ne me serais jamais attendu.

— Qu’y a-t-il de commun, me dit-elle, entre Six coups, et avoir couché avec madame ?

— Il lui a fait six fois de suite ce qu’un honnête mari ne fait à sa femme qu’une fois par semaine.

— Et vous me croyez assez bête pour aller rapporter à ma tante ce que vous venez de me dire ?

— Mais je suis encore fâché d’une autre chose.

— Je m’en vais revenir dans l’instant.

Après être allée fairek le petit tour que la jolie histoire lui avait fait apparemment devenir nécessaire, elle rentra, et elle se mit derrière la chaise de sa tante examinant la figure [28v]l du héros : puis elle vint se remettre à sa place toute flamboyante.

— Quelle est donc l’autre chose dont vous me disiez d’être fâché ?

— Oserai-je vous dire tout ?

— Vous m’avez tant dit qu’il me semble que vous ne pouvez plus avoir des scrupules.

— Sachez donc qu’aujourd’hui, à la fin du dîner, elle l’a obligé à lui faire cela à ma présence.

— Et si cela vous a déplu, il est évident que vous en avez été jaloux.

— Ce n’est pas ça. Je me suis trouvé humilié à cause d’une circonstance dont je n’ose pas vous parler.

— Je crois que vous vous moquez de moi avec votre je n’ose.

— Dieu m’en garde, mademoiselle. Elle me fit voir que mon ami m’était supérieur de deux pouces21.

— Je crois au contraire que c’est vous qui avez une taille supérieure de deux pouces à la sienne.

— Il ne s’agit pas de la taille ; mais d’une autre grandeur, que vous pouvez vous figurer, dans laquelle mon ami est monstrueux.

— Monstrueux ! Et qu’est-ce que cela vous fait ? Ne vaut-il pas mieux de n’être pas monstrueux ?

— C’est vrai, et juste ; mais sur cet article certaines femmes, qui ne vous ressemblent pas, aiment la monstruosité.

—mJe n’ai pas une idée assez nette de la chose pour me figurer quelle est la grandeur qui peut être appelée monstrueuse. Je trouve aussi singulier que cela ait pu vous humilier.

— L’auriez-vous cru me voyant ?

— En vous voyant quand je suis entrée ici, je n’ai pas pensé à cela. Vous avez l’air d’un homme bien proportionné ; mais si vous savez de ne l’être pas, je vous plains.n

— Voyez, je vous prie.

—oJe crois que c’est vous le monstre ; car vous me faites peur.

Elle alla alors se mettre derrière la chaise de sa tante ; mais je ne doutais pas qu’elle ne revînt, car il s’en fallait bien que je la crusse bête, ou innocente. Je croyais qu’elle voulait en jouer le rôle, et ne voulant pas savoir si elle l’avait bien ou mal joué, j’étais enchanté d’en avoir profité. Je l’avais punie d’avoir voulu m’en imposer, et comme je la trouvais charmante, j’étais enchanté que ma punition n’avait certainement pas pu lui déplaire. Pouvais-je douter de son esprit ? Tout notre dialogue avait été soutenu par elle, et tout ce que j’avais dit, et fait n’avait été qu’en conséquence de ses spécieuses objections.

Quatre ou cinq minutes après, sa grosse tante ayant perdu un brelan, dit à sa nièce qu’elle lui portait malheur, et qu’elle manquait de savoir-vivre me laissant seul. Elle ne lui réponditp [29r] rien, et elle revint à moi en souriant.

— Si ma tante, me dit-elle, savait ce que vous avez fait, elle ne m’aurait pas accusée d’impolitesse.

— Si vous saviez comme j’en suis mortifié actuellement ! La marque que je peux vous donner de mon repentir est de m’en aller. Mais le prendrez-vous en bonne part ?

— Si vous partez, ma tante dira que je suis bête, que je vous ai ennuyé.

— Je resterai donc. Vous n’aviez donc pas d’idée avant ce moment de ce que j’ai cru pouvoir vous montrer ?

— Je n’en avais qu’une idée confuse. Il n’y a qu’un mois que ma tante me fit venir de Melun, où j’étais au couvent depuis l’âge de huit ans, en ayant actuellement dix-sept. On voulait me persuader à prendre le voile ; mais je ne me suis pas laisséq séduire22.

— Êtes-vous fâchée de ce que j’ai fait ? Si j’ai péché ce fut de bonne foi.

— Je ne dois pas vous en vouloir, carr ce fut ma faute. Je vous prie seulement d’être discrets.

— Ne doutez pas de ma discrétion, car j’en serais le premier puni.

— Vous m’avez donné une leçon qui me sera utile à l’avenir. Mais vous poursuivez. Cessez, ou je m’en vais tout de bon.

— Restez : c’est fini. Voyez sur ce mouchoir le sûr indice de mon plaisir.

— Qu’est-ce que cela ?t

— C’est la matière qui placée dans le fourneau qui lui est propre en sort après neuf mois mâleu ou femelle.

— J’entends. Vous êtes un excellent maître. Vous me contez cela d’un air d’instituteur. Dois-je vous remercier de votre zèle ?

— Non. Vous devez me pardonner, car je n’aurais jamais fait ce que j’ai fait, si je n’étais devenu amoureux de vous au premier moment que je vous ai vuev.

— Je dois donc prendre cela comme une déclaration d’amour ?

— Oui mon ange. Elle est audacieuse ; mais elle n’est pas douteuse. Si elle ne venait pas d’un amour très fort, je serais un scélérat qui mériterait la mort. Puis-je espérer que vous m’aimerez ?

— Je n’en sais rien. Tout ce que je sais actuellementw c’est que je dois vous détester. Vous m’avez fait faire en moins d’une heure un voyage que je ne croyais possible de finir qu’après le mariage. Vous m’avez rendue on ne peut pas plus savante dans une matière à laquelle je n’ai jamais osé arrêter ma pensée, et je me trouve coupable parce quex je me suis laisséy séduire. D’où vient qu’à présent vous êtes devenu tranquille, et honnête ?

— C’est que nous parlons raison. C’est qu’après l’excès du plaisir l’amour se repose. Voyez.

— Encore ! Est-ce le reste de la leçon ? [29v] Tel que je vous vois actuellement, vous ne me faites pas peur. Le feu va s’éteindre.

Elle met un fagot, et pour arranger le feu, elle se met à genoux. Dans cette posture, comme elle était courbée, j’allonge une main déterminée par-dessous sa robe, et je trouve dans l’instant une porte parfaitement fermée qui ne pouvait me conduire au bonheur qu’étant abattue. Mais dans le même instant elle se lève, elle s’assit, et elle me dit avec une douceur sentimentale23 qu’elle était fille de condition, et qu’elle croyait de pouvoir24 exiger du respect. Je lui demande alors un million d’excuses, et la conclusion de mon discours la calme. Je lui ai dit que ma main hardie m’avait mis dans la certitude qu’elle ne s’était pas encore rendue heureuse avec aucun homme. Elle me répondit quez l’homme qui la rendra heureuse ne pourra être que celui qui l’épousera, et la marque de pardon qu’elle me donna fut de laisser que j’inonde sa main de baisers. J’aurais poursuivi si quelqu’un n’était pas arrivé. Ce fut M. Le-noir, qui en conséquence du billet venait voir ce que Madame Lambertini avait à lui dire.

Je vois un homme d’un certain âge, simple, et modeste, qui très poliment prie tout le monde de ne pas bouger, et de ne pas interrompre le jeu. La Lambertini me présenta, et après avoir entendu mon nom il me demanda si j’étais l’artiste25. Quand il sut que j’étais l’aîné il me fit compliment sur la loterie, et sur le cas que M. du Vernai faisait de ma personne ; mais ce qui l’intéressa davantage fut le cousin que pour le coup elle lui présenta sous le nom du comte de Tiretaaa. Ce fut moi qui lui ai dit qu’il m’était recommandé, et qu’il avait dû s’éloigner de sa patrie à cause d’une affaire d’honneur. La Lambertini ajouta alors qu’elle désirait de le loger, et qu’elle n’avait voulu faire cela avant deab savoir s’il le trouverait bon. Il lui répondit qu’elle était souveraine maîtresse chez elle, et qu’il serait enchanté de le voir dans sa société. Comme il parlait très bien italien Tireta respira. Il quitta leac jeu, et nous nous mîmes tous les quatre devant [30r] le feu, où lorsque son tour vint la jolie demoiselle causa avec M. Le Noir avec beaucoup de bon sens. Il la fit parler de son couvent, et quand elle lui dit son nom, il lui parla de M. son père qu’il avait connu. C’était un conseiller au parlement de Rouen. Cette charmante fille était de la grande taille26, d’un blond non suspect, d’une physionomie très régulière qui caractérisait la candeur, et la modestie. Des grands yeux bleus à fleur de tête27 dont rien n’était plus tendre étaient les témoins des vifs désirs de son âme. Sa robe faite à sa taille, et boutonnée en faisait voir l’élégance,ad et faisait juger de la beauté de sa gorge. J’ai vu M. Le Noir, qui sans le lui dire lui rendait la même justice que je lui avais déjà rendue. Mais il n’était pas dans le cas de la lui témoigner comme moi. À huit heures il partit. Une demi-heure après Madame XXX partit aussi avec sa nièce qu’elle appelait de la M..re, et avec l’homme blême qui était venu avec elles28. Je suis aussi parti avec Tireta, qui lui promit d’aller loger chez elle le lendemain, et il lui tint parole.

Trois ou quatre jours après cet arrangement on m’envoya une lettre qu’on m’avait adressée au bureau. Cette lettre était de Mlle de la M…re. Voici la copie. « Madame XXX ma tante sœur de feu ma mère est dévote, joueuse, riche, avare, et injuste. Elle ne m’aime pas, et n’ayant pu réussir à me faire prendre le voile, elle veut me marier à un marchand de Dunkerke que je ne connais pas. Notez qu’elle ne le connaît pas non plus. Le courtier de ce mariage29 en fait l’éloge. Il est content qu’elle lui assure 1 200 # par an pour toute sa vie dans la certitude où il est qu’à sa mort je suis l’héritière de cinquante mille écus30. Mais notez qu’en force du testament31 de ma mère elle devrait m’en donner en me mariant 25 m. aeSi ce qui est arrivé entre vous et moi [ne]af m’a pas rendueag à votre esprit un objet méprisable, je vous offre ma main avec 25 m. écus, et autres 25 m.32 à la mort de ma tante. Ne me répondez pas, car je ne saurais ni comment, ni par qui, ni où recevoir votre lettre. Vous me répondrez de bouche Dimanche chez Mad. Lambertini. Vous avez ainsi quatre jours devant vous pour penser à la chose. Je ne sais pas, si je vous aime ; mais je sais que je dois vous préférer à tout autreah pour l’amour de moi-même. Je me trouve en devoir de gagner votre estime, etai de [30v] vous mettre à même de gagner la mienne. Je suis d’ailleurs sûre que vous me rendrez la vie douce. Si vous prévoyez que le bonheur auquel j’aspire puisse contribuer au vôtre je vous avertis que vous aurez besoin d’un avocat, car ma tante est avare, et chicanière. D’abord que vous vous serez déterminé, il faudra que vous me cherchiez un couvent, où j’irai me mettre avant de faire le moindre pas, car sans cela je me verrais maltraitée à outrance, et je ne peux pas en souffrir la pensée. Si la proposition que je vous fais ne vous convient pas, je vous demanderai une grâce, que vous m’accorderez j’espère, et dont je vous serai reconnaissante. Vous tâcherez de ne plus me voir évitant avec soin les endroits où vous penserez que je puisse être. Vous m’aiderez ainsi à vous oublier. Sentez-vous que je ne peux être heureuse qu’en vous épousant, ou en vous oubliant ? Adieu. Je suis sûre de vous voir Dimanche. »

Cette lettre m’attendrit. Je la voyais dictée par la vertu, par l’honneur, et par la sagesse. Je découvrais dans l’esprit de Mlle de la M. plus encore de mérite que dans sa personne. Je me trouvais honteux de l’avoir séduite, et digne de supplice, si je refusais sa main qu’elle m’offrait avec tant de noblesse ; et je voyais en même temps qu’elle m’offrait une fortune supérieure à toutes celles qu’étant raisonnable je pouvais prétendre33 ; mais l’idée du mariage me faisait frémir : je me connaissais trop pour ne pas prévoir que dans un ménage régulier je deviendrais malheureux, et que par conséquent ma moitié le deviendrait aussi. Mon ambiguïté à me décider dans les quatre jours qu’elle me donna pour y penser me convainquit que je n’étais pas amoureux d’elle ; mais malgré cela je n’ai jamais pu me disposer à rejeter sa proposition, et encore moins à le lui dire. J’ai passé ces quatre jours en pensant toujours à elle, en sentant que jeaj l’estimais, et en me repentant de l’avoir outragée ; mais n’ayant jamais la force de me déterminer à réparerak l’outrage. Quand je pensais que dans l’alternative elle me haïrait, je ne pouvais pas non plus en souffrir l’idée : et voilà l’état toujours malheureux d’un homme qui [31r] doit prendre un parti, et ne peut pas le prendre.

Craignant que quelque démon ne m’entraînât à manquer à Mademoiselle de la M — re me faisant aller par force à la comédie ou à l’opéra, je suis allé dîner chez la Lambertini sans m’être décidé à rien. Elle était à la messe. Tireta était dans sa chambre jouant de la flûte : d’abord qu’il me vit il la quitta pour me donner l’argent que son habit noir m’avait coûté.

— Te voilà en fonds, je te fais mon compliment.

— Compliment de condoléance, car c’est de l’argent volé, quoique je n’en sois que le complice. On triche ici, et on m’a appris à faire le service34 ; et je prends ma part pour n’être pas traité de sot. Mon hôtesse avec trois ou quatre autres femmes ruinent des dupes. Ce métier me révolte, et je ne peux pas y tenir. Une fois ou l’autre on me tuera, ou je tuerai, et il m’en coûtera toujours la vie : ainsi je pense de sortir35 le plus tôt possible de ce coupe-gorge.

— Je te le conseille, mon ami ; et je t’y excite. Il vaut mieux que tu en sortes aujourd’hui que demain.

— Je ne veux rien brusquer, car M. le Noir, qui est un galant homme, et mon ami, et qui me croit cousin de cette boug……36, dont il ignore les infamies, se douterait de quelque chose, et la quitterait peut-être après avoir entendu la raison qui m’aurait forcé à m’en aller. Dans cinq ou six jours je trouverai un prétexte, et je retournerai chez toi.

La Lambertini se montra enchantée de m’avoir au hasard du pot : elle me dit que j’aurais en compagnie Mlle de la M—re avec sa tante. Je lui ai demandé si elle était contente de Six coups, et elle me répondit qu’il ne logeait pas toujours dans son fief ; mais qu’elle ne l’aimait pas moins.

[31v] Madame XXX arriva avec sa nièce, qui dissimula le plaisir qu’elle eut me voyant. Elle était en demi-deuil37 belle au point que je me suis étonné de mon indécision. Tireta descendit, et comme nulle raison pouvait m’empêcher de montrer du penchant pour Mlle de la M—re, j’ai eu pour elle toutes les attentions. J’ai dit à sa tante que je renoncerais à mon célibat, si je pouvais trouver une moitié comme elle.

— Ma nièce, monsieur, est honnête, et douce ; mais elle n’a ni esprit, ni religion.

— Passe pour l’esprit, ma chère tante ; mais pour la religion, c’est un reproche qu’on ne m’a jamais fait au couvent.

— Je le crois. Ce sont des jésuitesses. Il s’agit de la grâce, ma chère nièce, de la grâce38 ; mais parlons d’autre chose. Je désire seulement que tu saches plaire à celui qui sera ton mari.

— Est-ce que mademoiselle est à la veille de se marier ?

— Son futur arrivera au commencement du mois prochain.

— Est-ce un homme de robe ?

— C’est un négociant fort à son aise.

— M. le Noir m’ayant dit que mademoiselle était fille d’un conseiller, je n’ai pas supposé une mésalliance39.

— Cela ne fait rien. Il est noble s’il est honnête, et il ne tiendra qu’à elle qu’il la rende heureuse.

Ce discours ne pouvant que faire de la peine à la charmante qui écoutait sans rien dire, j’ai détourné le propos sur la grande quantité de monde qu’il y aurait à la Grève40 pour voir exécuter Damiens, et les voyant toutes curieuses de l’horrible spectacle, je leur ai offert une ample fenêtre d’où nous pourrions le voir tous les cinq. Elles acceptèrent sonica41. Je leur ai donné parole d’aller les prendre ; mais comme je n’avais pas de fenêtre, j’ai fait semblant en nous levant de table d’avoir une affaire pressante, et j’ai couru dans un fiacre à la Grève, où dans un quart d’heure j’ai louéal pour trois louis une bonne fenêtre [32r] à l’entresol entre deux escaliers. J’ai payé, et tiréam quittance avec un dédit de six cents francs42. La fenêtre était vis-à-vis le devant de l’échafaud. Retournant chez la Lambertini, je l’ai trouvée engagée dans un piquet à écrire avec Tireta, madame XXX leur faisant la chouette43.

Mlle de la M….re ne connaissant que la Comète44, je me suis offert, et ayant à nous parler nous nous mîmes à l’autre bout de la salle. Je lui ai dit qu’à la réception de sa lettre je me suis reconnu pour le plus heureux des hommes, en même temps que j’ai reconnu dans elle un esprit, et un caractère faits pour la faire adorer de tout homme qui ne manquerait pas de bon sens.

— Vous serez ma femme, lui dis-je, et je bénirai jusqu’à mon dernier soupir l’heureuse audace avec laquelle j’ai surpris votre innocence, car sans cela vous ne vous seriez jamais déterminée à me choisir de préférence à cent autres d’une naissance égale à la vôtre, dont aucun ne vous aurait jamais refusée même sans l’appât de 50 m. écus qui ne sont rien en comparaison de vos qualités personnelles, et de votre sage façon de penser. Actuellement que vous savez mes sentiments, ne précipitons rien : fiez-vous à moi. Donnez-moi le temps de prendre une maison, de la meubler, et de me mettre en position d’être jugé digne d’épouser une fille de votre qualité. Songez que je vis encore en chambre garnie, que vous avez des parents, et que j’aurais honte d’avoir l’air d’un aventurier dans une démarche de cette importance.

— Vous avez entendu que mon prétendu futur va arriver ; et quand il sera arrivé on ira vite.

— Pas si vite que je ne puisse en vingt-quatre heures vous délivrer de toute tyrannie sans même que votre tante sache que le coup lui viendra de moi. Sachez mon ange [32v] que le ministre des affaires étrangères à la première de mes sollicitations, certain que vous ne voulez avoir autre mari que moi, vous procurera un sûr asile dans un des premiers couvents de Paris : que ce sera lui-même qui vous donnera un avocat, et que45 si le testament parle clair, forcera en peu de jours votre tante à vous donner votre dot, et à donner caution pour le reste de votre héritage. Tenez-vous tranquille, et attendez le marchand de Dunkerke. Soyez certaine que je ne vous laisserai pas dans l’embarras. Vous ne serez plus dans la maison de votre tante le jour qu’on prendra pour la signature du contrat.

— Je me rends, et je m’abandonne à vous ; mais je vous prie de ne pas mettre en ligne de compte une particularité qui blesse au suprême degré ma délicatesse. Vous avez dit que je ne vous aurais jamais faitan la proposition de m’épouser, ou de cesser de me voir, si vous ne vous étiez émancipé dimanche passé, comme vous avez fait. Cela est vrai d’un côté, car sans une puissante raison j’aurais faitao une démarche de folle vous offrant de but en blanc ma main ; mais notre mariage aurait pu arriver de même par une direction différente ; car je peux vous dire en vérité que je vous aurais donnéap en toute occasion la préférence sur tout le monde.

À cette noble explication je lui ai baisé la main à reprises, et avec une telle ivresse de sentiment que je n’aurais pas différé un seul quart d’heure à l’épouser, s’il y avait eu là un notaire, et un prêtre autorisé à nous donner la bénédiction nuptiale. Toutaq absorbés dans notre affaire, nous ne faisions pas attention à l’horrible tapage que faisait la compagnie à l’autre côté de la salle : j’ai cru de devoir m’en mêler au moins pour calmer Tireta.

[33r] J’ai vu une cassette ouverte remplie de bijoux de tousar prix, et deux hommes qui disputaient avec Tireta qui tenait un livre à la main. J’ai d’abord pensé que c’était une loterie ; mais pourquoi disputait-on ? Tireta me dit que c’étaient des fripons, qui leur avaient gagnéas trente ou quarante louis46 moyennant ce livre, et il me remit le livre. Un de ces hommes me dit que le livre contenait une loterie, dont rien n’était plus loyal. Ce livre, me dit-il, est composé de douze cents feuilles, dont deux cents sont des lots, les autres mille sont vides. Chaque feuille gagnante est donc suivie de cinq perdantes. La personne qui veut jouer doit donner un petit écu47, et mettre la pointe d’une épingle au hasard entre les feuilles du livre fermé. On ouvre le livre à l’endroit où l’épingle est entrée, et on regarde la feuille. Si elle est blanche, la personne qui a donné le petit écu l’a perdu ; et si elle porte un lot, on lui donne le lot qui est écrit sur la feuille, ou l’argent que le lot coûte comme il est marqué sur la même feuille. Remarquez que le moindre lot coûte douze francs, et qu’il y a des lots qui vont jusqu’à six cents, et un à douze cents48. Depuis une heure que ces dames, et ce monsieur jouent, ils ont déjà gagnéat plusieurs lots, et madame même que voilà a gagnéau une bague de six louis49 qu’elle aurait si elle n’eût mieux aimé avoir l’argent que voulant poursuivre à jouer, elle a perdu.

À la fin, dit madame XXX qui avait gagné la bague, nous sommes ici six, et ces messieurs avec leur maudit livre nous ont gagné notre argent. Vous voyez que nous fûmes surprises. Tireta les appela fripons, et un d’eux répondit que les receveurs de la loterie de l’école militaire l’étaient donc aussi. Tireta alors lui donna un bon soufflet, et pour lors, je me suis mis au milieu d’eux, et je leur ai imposé silence pour finir l’affaire. Toutes les loteries, leur dis-je, [33v] sont avantageuses aux tenants ; mais celle de l’école militaire a le roi pour chef, et j’en suis le principal receveur. En cette qualité je confisque cette caisse, et je vous laisse le choix. Ou rendez à toute la compagnie l’argent que vous avez gagné, et je vous laisse partir avec votre caisse, ou j’envoie chercher un exempt50 de police qui vous conduira en prison à ma réquisition jusqu’à demain que M. Berier lui-même51 jugera l’affaire. C’est à lui-même que je porterai ce livre demain matin. Nous verrons si vous étantav fripons, nous devions convenir de l’être aussi.

Se voyant à mauvais parti52, ils se déterminèrent à rendre l’argent. On leur fit rendre en tout quarante louis malgré qu’ils jurassent qu’ils n’en avaient gagnéaw que vingt53. J’en étais persuadé ; mais veh victis [malheur aux vaincus] ; je leur en voulais, et j’ai voulu qu’ils payent. Ils voulaient le livre, mais je n’ai pas voulu le leur rendre. Ils se crurent encore heureux de pouvoir partir avec leur caisse aux bijoux. Les dames attendries me dirent après leur départ que j’aurais pu rendre à ces pauvres malheureux leur grimoire.

Ils vinrent chez moi le lendemain à huit heures du matin, et ils me fléchirent me faisant présent d’un gros étui où il y avait vingt-quatre petites statues de huit pouces de porcelaine de Saxe54. Je leur ai pour lors rendu le livre, les menaçant de les faire arrêter s’ils osaient plus se promener dans Paris avec leur loterie. J’ai porté en personne le même jour les vingt-quatre jolies figures à Mlle de la M…re. C’était un présent fort riche, et sa tante me fit les plus grands remerciements.

Quelques jours après, c’était le 28 du mois de Mars55 je suis allé de très bonne heure prendre les dames qui déjeunaient chez la Lambertini avec Tireta, et je les ai menées à la Grève tenant Mlle de la M….re assise sur mes genoux. Elles se mirent toutes les trois étroitement surax [34r] le devant de la fenêtre se tenant inclinées sur leurs coudes à la hauteur d’appui pour ne pas nous empêcher de voir. Cette fenêtre avait deux marches : elles étaient montées sur la seconde, et étant derrière elles, nous devions y être aussi ; car nous tenant debout sur la première nous n’aurions pu rien voir. J’ai des raisons d’informer le lecteur de cette circonstance.

Nous eûmes la constance de rester quatre heures entières à cet horrible spectacle. Je n’en dirai rien, car je serais trop long, et d’ailleurs il est connu de tout le monde. Damiens était un fanatique qui avait tenté de tuer Louis XV croyant de faire un bon œuvre. Il ne lui avait que piqué légèrement la peau ; mais c’était égal. Le peuple présent à son supplice l’appelait monstre que l’enfer avait vomi pour faire assassiner le meilleur des rois qu’il croyait d’adorer, et qu’il avait appelé bien aimé. C’était pourtant le même peuple quiay a massacré toute la famille royale56, toute la noblesse de France, et tous ceux qui donnaient à la nation le beau caractère qui la faisait estimer, aimer, et prendre même pour modèle de toutes les autres57.azLe peuple de France, dit monsieur de Voltaire même, est le plus abominable de tous les peuples58. Caméléon qui prend toutes les couleurs, et susceptible de tout ce qu’un chef veut lui faire faire de bon, ou de mauvais.

Au supplice de Damiens, j’ai dû détourner mes yeux quand je l’ai entendu hurler n’ayant plus que la moitié de son corps ; mais la Lambertini, et madame XXX ne les détournèrent pas ; et ce n’était pas un effet de la cruauté de leur cœur59. [34v] Elles me dirent ; et j’ai dû faire semblant de leur croire60, qu’elles ne purent sentir la moindre pitié d’un pareil monstre : tant elles aimaient Louis XV. Il est cependant vrai que Tireta tint Madame XXX si singulièrement occupée pendant tout le temps de l’exécution qu’il se peut que ce ne soit qu’à cause de lui qu’elle n’a jamais osé ni bouger, ni tourner la tête.

Étant derrière elle, et fort près, il avait troussé sa robe pour ne pas yba mettre les pieds dessus ; et c’était fort bien. Mais après j’ai vu en lorgnant qu’il l’avait troussée un peu trop ; et pour lors déterminé à ne vouloir ni interrompre l’entreprise de mon ami, ni gêner madame XXX, je me suis mis de façon derrière mon adorée que sa tante devait être sûre que ce que Tireta lui faisait ne pouvait être vu ni de moi ni de sa nièce. J’ai entendu des remuements de robe pendant deux heures entières, et trouvant la chose fort plaisante, je ne me suis jamais écarté de la loi que je m’étais faite. J’admirais en moi-même plus encore le bon appétit que la hardiesse de Tireta, car dans celle-ci j’avais été souvent aussi brave que lui.

Quand j’ai vu, à la fin de la fonction61, madame XXX se lever, je me suis tourné aussi. J’ai vu mon ami gai, frais, et tranquille comme si de rien n’était ; mais la dame me parut pensive, et plus sérieuse que d’ordinaire. Elle s’était trouvée dans la fatale nécessité de devoir dissimuler, et souffrir en patience tout ce que le brutal lui avait fait pour ne pas faire rire la Lambertini, et pour ne pas découvrir à sa nièce des mystères qu’elle devait encore ignorer.

J’ai descendu la Lambertini à sa porte, la priant de me laisser Tireta ayant besoin de lui. Puis j’ai descendu à sa maison dans la rue S.t André des arts madame XXX, qui me pria d’aller chez elle le lendemain ayant quelque chose à me dire. J’ai remarqué qu’elle n’a pas salué mon ami. Je l’ai mené dîner avec moi chez Landel marchand de vin à l’hôtel de Bussi où l’on faisait excellente chère gras, et maigre pour six francs par tête62 [36r].

—bb Qu’as-tu fait, lui dis-je, derrière Mad. XXX ?

— Je suis sûr que tu n’as rien vu ni personne.

— Ça se peut ; maisbc ayant vu le commencement de ta manœuvre, et prévoyant ce que tu allais faire, je me suis mis de façon à empêcher que tu fusses vu de Mlle de la M…re, et de la Lambertini. J’imagine ce que tu as fait, et j’admire ton gros appétit ; mais Mad XXX est fâchée.

— Elle en fait donc semblant, car s’étant tenue tranquille deux heures de suite, je ne peux croire autre chose sinon que je lui ai fait plaisir.

— Je le crois aussi ; mais son amour-propre doit l’engager à prétendre que tu lui aies manqué de respectbd : et effectivement ! Tu vois qu’elle te boude, et qu’elle veut me parler demain.

— Mais elle ne te parlera pas de ce badinage je crois. Elle serait folle.

— Pourquoi non ? Tu ne connais pas les dévotes. Elles sont enchantées de saisir l’occasion de faire des confessions pareilles à un troisième versant des larmes, principalement quand elles sont laides. Il se peut que Madame XXX prétende une satisfaction ; et je m’en mêlerai avec plaisir.

— Je ne vois pas quelle satisfaction elle puisse prétendre. Si elle n’y avait pas consenti, elle aurait pu me donner un coup de pied qui m’aurait fait tomber de l’escalier à la renverse sur mon dos.

— La Lambertini aussi te boude : je l’ai remarqué. Elle a vu aussi la chose peut-être, et elle trouve que tu lui as manqué63.

— La Lambertini me boudebe par une autre raison. Hier la nuit j’ai cassé les vitres, et je délogerai avant le soir.

— Tout de bon ?

— Tout de bon. Voici l’histoire. Hier au soir un jeune homme employé aux fermes, qu’une vieille friponne génoise a conduit à souper chez nous, après avoir perdu quarante louis aux petits paquets64, jeta les cartes au nez de mon hôtesse l’appelant voleuse. J’ai pris le flambeau, et je lui ai éteint la [36v] bougiebf sur la figure, au risque, à la vérité, de lui crever l’œil ; mais elle n’est pas allée dans l’œil. Il courut à son épée en élevant la voix, et si la Génoise ne l’eût pas pris à travers65 un meurtre serait arrivé, car j’avais déjà dégainé la mienne. Ce malheureux voyant au miroir son balafre66 se mit tellement en fureur qu’on ne put l’apaiser qu’en lui rendant son argent. Elles le lui rendirent malgré mon insistance ; car on ne pouvait lui rendre l’argent qu’en convenant de le lui avoir triché67. Cela fut cause d’une dispute très aigre que j’ai euebg avec la Lambertini après le départ du jeune homme. Elle me dit qu’il ne serait rien arrivé, et que nous tiendrions les quarante louis, si je ne m’en étais pas mêlé : que c’était à elle, et non à moi qu’il avait insulté, et qu’ayant du sang-froid, ajouta la Génoise, nous l’aurions eu pour longtemps, tandis qu’actuellement, Dieu seul savait ce qu’il allait faire avec la tache que la bougie ardente lui avait laissée sur la figure. Ennuyé par l’infâme morale de ces coquines,bh et les ayant envoyées se faire ……,bi ma chère hôtesse me dit que je n’étais qu’un gueux. Sans l’arrivée de M. le Noir, je l’aurais rossée. Elles me dirent de me taire ; mais j’avais trop chaud. J’ai dit à l’honnête homme que sa maîtresse m’avait appelé gueux, qu’elle était p….., qu’elle n’était pas ma cousine, et que je délogerais aujourd’hui. En disant cela, j’ai monté dans ma chambre, et je m’y suis enfermé. Dans deux heures j’irai prendre mes hardes68, et je prendrai du café avecbj toi demain matin.

Tireta avait raison. En découvrant toujours plus son caractère je ne le voyais pas né pour faire le métier de J… F…..69.

Le lendemain vers midi je suis allé à pied chez Mad. XXX, que j’ai trouvée avec sa nièce. Un quart d’heure après, elle lui dit de nous laisser seuls, et ce fut ainsi qu’elle me parla :

— Vous allez être surpris, Monsieur, du discours que je vais vous faire. C’est une plainte d’une espèce inouïe, que je me suis [37r] déterminée à vous porter sans faire des longues réflexions, le cas étant mordant, et pressant. Pour me déterminer, je n’eus besoin que de me confirmer dans l’idée que j’ai conçue de vous la première fois que je vous ai vu. Je vous crois sage, discret, homme d’honneur, et de bonnes mœurs, et qui plus est rempli de la véritable religion : si je me trompe il arrivera des malheurs, car offensée, comme je me sens, et ne manquant pas de moyens, je saurai me venger ; et en qualité de son ami vous en serez fâché.

— Est-ce de Tireta que vous vous plaignez ?

— De lui-même. C’est un scélérat, qui m’a fait un affront, dont il n’y a pas d’exemple.

— Je ne l’aurais jamais cru capable70. De quelle espèce, madame, est cet affront ? Comptez sur moi.

— Monsieur je ne vous le dirai pas ; mais j’espère que vous le devinerez. Hier, au supplice de ce maudit Damiens, il a pour deux heures de suite, étrangement abusé de la position dans laquelle il se trouvait derrière moi.

— J’entends tout, et vous pouvez vous dispenser de m’en dire davantage. Vous avez raison ; et je le condamne, car c’est une supercherie ; mais permettez que je vous dise que le cas n’est pas sans exemple, ni rare : je crois même qu’on peut le pardonner soit à l’amour, soit à l’actualité de la situation71, au trop grand voisinage de l’ennemi tentateur, au trop de jeunesse du pécheur. C’est un crime auquel on peut réparer72 de plusieurs façons dans un plein accord des parties. Tireta est garçon, très bon gentilhomme, et un mariage est fort faisable, et si un mariage ne se conforme pas à votre façon de penser, il peut réparer sa faute par une amitié très constante, faite pour vous donner des marques évidentes de son repentir, et dignes de votre indulgence. Réfléchissez, madame, qu’il est homme, et par conséquent sujet à toutes les faiblesses de l’humanité. Songez aussi que [37v] vos charmes ne doivent pas avoir peu contribué à l’égarement de ses sens. Je crois enfin qu’il peut aspirer à obtenirbk pardon.

— Pardon ? Tout ce que vous venez de dire part de la sagesse d’une âme chrétienne ; mais tout votre raisonnement est fondé sur une fausse supposition. Vous ignorez le fait. Mais hélas ! Comment le devinerait-on ?

Madame XXX versant alors quelques larmes me mit aux champs. Je ne savais que me figurer. Lui aurait-il volé sa bourse ? me disais-je. Après avoir essuyé ses pleurs, elle poursuivit ainsi :

— Vous imaginez un crime que par un effort on pourrait encore combiner avec la raison, et y trouver, j’en conviens, une réparation convenable ; mais ce que le brutal m’a fait est une infamie à laquelle il faut que je m’abstienne de penser, car elle est faite pour me faire devenir folle.

— Grand Dieu ! Qu’entends-je ! Je frémis. Dites-moi de grâce si j’y suis.

— Je crois qu’oui, car je ne pense pas qu’on puisse imaginer pire. Je vous vois ému. La chose est pourtant ainsi. Pardonnez à mes larmes, et n’en cherchez la source, je vous prie, que dans le dépit, et dans la honte.

— Et dans la religion.

— Aussi. C’est même le principal. Je l’omettais, ne sachant pas si vous y êtes attaché autant que moi.

— Tant que je peux, Dieu soit loué.

— Disposez-vous donc à souffrir que je me damne, car je veux me venger.

— Renoncez à ce projet, madame ; je ne pourrai jamais en être le complice, et si vous n’y renoncez pas, souffrez du moins que je l’ignore. Je vous promets de ne lui rien dire, quoique logeant chez moi, les lois de l’hospitalité m’obligeraient à l’avertir.

— Je le croyais logé avec la Lambertini.

— Il en est sorti hier. Il y avait du crime. C’était un nœud scandaleux. Je l’ai tiré de là.

— Que me dites-vous ? Vous m’étonnez, et m’édifiez. Je ne veux pas sa mort, monsieur ; mais convenez qu’il me faut une satisfaction.

— J’en conviens ; mais je n’en trouve pas d’équivalente à l’insulte. Je n’en connais qu’une, et je me fais fort de vous la procurer.

— Dites-m’en l’espèce.

— Je le mettrai entre vos mains par surprise, et je vous le laisserai [38r] tête-à-tête exposé à toute votre juste colère ; mais avec une condition que je me trouverai sans qu’il le sache dans la chambre près de celle où vous le tiendrez, car je dois répondre à moi-même de sa vie.

— J’y consens. Ce sera dans cette chambre que vous vous tiendrez ; et vous me le laisserez dans l’autre où je vous recevrai ; mais il ne doit pas le savoir.

— Il ne saura pas même que je le conduis chez vous. Je ne veux pas qu’il sache que je suis informé de cette abomination. Je le laisserai avec vous sous un prétexte.

— Quand comptez-vous de le conduire ? Il me tarde de le confondre. Je le ferai trembler. Je ne peux deviner quelles raisons il me baragouinera pour justifier son excès.

Ellebl m’obligea à dîner avec elle, et l’abbé des Forges73, qui arriva à une heure. Cet abbé était un élève du fameux évêque d’Auxerre74, qui vivait encore. J’ai si bien parlé à table de la grâce, et tant cité S.t Augustin que l’abbé, et sa dévote me prirent pour très zélé janséniste, ce qui était bien contraire à toute l’apparence75. Mlle de la M…re ne m’a jamais regardé, et lui supposant des raisons je ne lui ai jamais adressé la parole.

Après le dîner, j’ai promis à Madame XXX de lui livrer le coupable dans le jour suivant en sortant avec lui de la comédie française76 à pied, étant certain que dans la nuit il ne reconnaîtrait pas sa maison.

Mais Tireta ne fit que rire lorsque je lui ai tout dit, lui reprochant d’un air sério-comique77 l’horrible action qu’il avait osé faire à une femme respectable par tous les côtés.

— Je n’aurais jamais cru, me répondit-il, qu’elle pût se déterminer à s’en plaindre à quelqu’un.

— Tu ne nies donc pas de lui avoir fait cette horreur ?

— Si elle le dit, je ne lui donnerai pas un démenti, mais que je meure, si je crois pouvoir en jurer. Dans la position où j’étais, je n’ai pu apparemment faire autrement. Mais je la calmerai ; et je tâcherai d’être court pour ne pas te faire attendre.

— Point du tout. Ton intérêt, [38v] et le mien veulent au contraire que tu sois long, car je suis sûr que je ne m’ennuierai pas. Tubm devras ignorer que je suis dans la maison ; et quand même tu ne resterais avec elle qu’une heure, prends un fiacre, et va-t’en. Leur place est dans la rue. Tu sens bien que la moindre politesse que Madame XXX me doive est de ne pas me laisser seul, et sans feu. Souviens-toi qu’elle est de bonne naissance, riche, et dévote. Tâche de te gagner son amitié non pas tête à nuque, mais de faciem ad faciem [face à face], comme disait le roi de Prusse78. Tu feras peut-être un bon coup. Si elle te demande pourquoi tu ne vis plus avec la Lambertini, tu ne lui en diras pas la raison. Ta discrétion lui plaira. Tâche enfin de bien expier ton exécrable crime.

— Je n’ai à lui dire que la vérité. Je n’ai pas su où j’entrais.

— La raison est unique, et une Française peut fort bien la croire bonne.

Sortant de la comédie, j’ai renvoyé ma voiture, et j’ai conduit le coupable devant la matrone qui nous reçut très noblement, nous disant qu’elle ne soupait79 jamais ; mais que si nous l’avions prévenue elle nous aurait fait trouver quelque chose. Après lui avoir dit toutes les nouveautés que j’avais apprises au foyer, je l’ai priée de me permettre de laisser avec elle mon ami devant aller voir un étrangerbn à l’hôtel d’Espagne80.

Si je tarde un seul quart d’heure, dis-je à Tireta, tu ne m’attendras plus. Tu trouveras des fiacres dans la rue. Nous nous verrons demain.

Au lieu de descendre l’escalier, je suis entré dans la chambre voisine par la porte qui était dans le corridor. Deux ou trois minutes après, j’ai vu Mlle de la M…re, qui tenant un flambeau à la main me dit d’un air riant qu’elle ne savait pas si elle rêvait.

— Ma tante, me dit-elle, m’a ordonné de ne pas vous laisser seul, et de dire à la femme de chambre de ne monter que lorsqu’elle sonnerait. Vous avez laissé Six coups seul avec elle, et elle m’a ordonné de parler bas, parce qu’il ne doit pas savoir que vous êtes ici. Puis-je savoir ce que c’est que [39r] cette singulière histoire ? Je vous avoue que j’en suis très curieuse.

— Vous saurez tout, mon ange ; mais j’ai froid.

— Elle m’a ordonné aussi de faire bon feu. Elle est devenue généreuse. Vous voyez des bougies.

D’abord que nous fûmes assis devant le feu, je lui ai conté toute l’aventure qu’elle écouta avec la plus grande attention ; mais qu’elle ne put pas bien comprendre là où il s’agissait de lui expliquer l’espèce du crime de Tireta. Je n’ai pas été fâché de devoir lui expliquer la chosebo en clairs termes les accompagnant aussi de la gesticulation, ce qui la fit rire, et rougir tout en même temps. Je lui ai dit que devant ménager à sa tante une satisfaction, je l’avais composée de façon que j’étais sûr de me trouver en liberté vis-à-vis d’elle tout le temps qu’il l’occuperait, et là-dessus j’ai inondé de baisers toute sa jolie figure pour la première fois, qui81 n’étant accompagnés d’aucune autre liberté elle reçut honnêtement comme témoignages irréfragables de ma tendresse.

— Deux choses, me dit-elle, je ne comprends pas82. La première comme83 Six coups ait pu faire pour commettre avec ma tante un crime, dont je conçois bien la possibilité lorsque la partie attaquée y consent ; mais qui doit être impossible si elle n’y consent pas, ce qui me fait juger que puisque le crime fut commis, ma bonne tante doit y avoir consenti84.

— Certainement car elle aurait pu changer de posture.

— Et même sans cela, car à ce qu’il me semble il ne tenait qu’à elle de lui rendre l’entrée impossible.

— En cela, mon ange, vous vous trompez. Un homme comme il faut ne demande que la constance de la position, et il force la barrière assez facilement. Outre cela, je ne crois pas que chez votre tante cette entrée soit comme par exemple elle serait chez vous.

— Pour cela je défierais cent Tireta. L’autre chose que je ne conçois [39v] pas c’est comment elle ait pu vous rendre compte de cet affront, qui, comme elle aurait dû le prévoir, si elle avait eu de l’esprit, ne pouvait que vous faire rire, car il me fait rire aussi. Je ne comprends pas non plus quelle espèce de satisfaction elle puisse prétendre d’un fou brutal qui peut-être n’attache à la chose la moindre importance. Je crois qu’il aurait tenté de faire le même tour à toute personne derrière laquelle il se serait trouvé dans ce moment de folie.

— Vous pensez juste ; car il m’a dit lui-même qu’il était entré ; mais qu’à la vérité il ne savait pas où.

— C’est un drôle d’animal que votre ami.

— Pour ce qui regarde l’espèce de satisfaction que votre tante peut prétendre, et que peut-être elle se flatte d’obtenir, elle ne m’a rien dit ; mais je crois qu’elle consistera dans une déclaration d’amour qu’il lui fera dans les formes, et qu’il expiera son crime commis par ignorance devenant son parfait amant, et passant cette même nuit avec elle comme s’il l’avait épousée ce matin.

— Oh pour le coup l’histoire deviendrait trop plaisante. Je n’en crois rien. Elle est trop amoureuse de sa belle âme ; et encore : comment voulez-vous que ce jeune homme puisse jouer le rôle d’amoureux ayant devant ses yeux sa figure ? Il ne la lui voyait pas quand il lui a fait cela à la Grève. Avez-vous jamais vu un visage aussi dégoûtant que celui de ma tante ? Elle a la peau couperosée, les yeux chassieuxbp, les dents pourries, l’haleine insoutenable. Elle est hideuse.

— Ce sont des bagatelles, mon cœur, pour un homme comme lui qui à l’âge de vingt-cinq ans est toujours prêt. C’est moi qui ne peux être homme qu’ému par des charmes comme les vôtres, et qu’il me tarde de posséder entièrement, et légitimement.

— Vous trouverez en moi la plus tendre des femmes, et je suis sûre de m’emparer tellement de votre cœur que rien ne pourra me l’arracher jusqu’à ma mort.

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