Mémoire de Casanova partie 2

Chapitre IX

Rosalie heureuse. La Signora Isolabella. Cuisinier. Biribia. Irène. Passano en prison. Ma nièce ancienne connaissance de Rosalie

Pogomas, qui à Gênes s’appelait Passano parce que tout le monde le connaissait, me présenta sa femme, et sa fille, laides, sales, et effrontées. Je m’en suis vite débarrassé pour dîner à la hâte avec ma nièce, et pour aller tout de suite chez le marquis Grimaldi. J’étais pressé de savoir où demeurait Rosalie.

Un staffiere1 du sénateur me dit que Son E. était à Venise, et qu’on ne l’attendait que pour la fin d’Avril. Il me conduisit chez Paretti qui l’avait épouséeb six à sept mois après mon départ.

M’ayant d’abord reconnu, il se montra enchanté de me voir, et il quitta son comptoir pour aller me présenter à sa femme, qui me voyant fit un cri d’allégresse, et vintcà moi à bras ouverts. Une minute après, il nous quitta pour aller vaquer à ses affaires priant sa femme de me présenter sa fille.

Rosalie, après m’avoir présenté un enfant ded six mois, me dit qu’elle était heureuse, qu’elle possédait le cœur, et l’âme de son mari, qui aidé du crédit de M. le marquis Grimaldi avait si bien poussé son commerce qu’il négociait déjà tout seul.

Rosalie était devenue une beauté parfaite. Elle me sut un gré infini d’être allé la voir à peine arrivé, et elle me dit impérieusement qu’elle m’attendait à dîner le lendemain. — Mon cher, et tendre ami, je te dois ma fortune, et ma paix ; embrassons-nous, et bornons-nous là, et demain gardons-nous de nous tutoyer. Mais à propos : attends : je vais te surprendre.

Elle s’en va, et deux minutes après elle vient avec Véronique. Elle l’avait prise pour femme de chambre. La revoyant avec [107v] plaisir, et jouissant de sa surprise, je l’ai embrassée lui demandant d’abord des nouvelles d’Annette : elle me dit qu’elle se portait bien, et qu’elle travaillait chez elle avec sa mère. Je lui ai dit de me l’envoyer pour servir de fille de chambre à ma nièce dans les deux ou trois semaines que je voulais passer à Gênes. Elle me promit de me l’envoyer le lendemain ; mais Rosalie éclate de rire, et fait les hauts cris.

— Encore une nièce ! Mais en qualité de nièce, tu la conduiras demain avec toi j’espère.

— Avec plaisir, d’autant plus qu’elle est de Marseille.

— De Marseille ? Elle pourrait me connaître ; mais je m’en moque. Comment s’appelle-t-elle ?

Lui disant un nom banal, je la dis fille d’une cousine que j’avais à Marseille : elle n’en croit rien ; mais elle se réjouit me voyant toujours plongé dans les aventures agréables.

Sortant de chez elle je vais chez la signora Isolabella, et je lui fais passer la lettre du marquis Triulzi. Une minute après, elle vient me recevoir me disant qu’il l’avait prévenue, et qu’elle m’attendait. Elle me présente d’abord le marquis Agostino Grimaldi della pietra son grand cicisbée2 dans la longue absence de son mari qui vivait à Lisbone.

Madame Isolabella était bien logée, avait une jolie figure, l’esprit doux, et agréable, l’âge de trente ans, la taille mince, et fort maigre, et la peau de son visage couverte de blanc, et de rouge ; mais si maladroitement qu’on s’en apercevait d’abord. Cela me dégoûta malgré ses yeux noirs qui étaient superbes. Une demi-heure après je prends congé, et je me laisse engager à souper pour le surlendemain.

De retour à mon logis, je suis bien aise de voir que ma nièce s’était très bien arrangée dans une chambre qui n’était séparée de la mienne que par un cabinet, où je lui dis que je ferais coucher une fille de chambre que j’avais prise pour elle, et qu’elle verrait le lendemain. Elle me remercie. Je lui dis qu’elle viendrait dîner avec moi dans une maison de négociant en qualité de ma nièce ; et elle me sait gré de tous les plaisirs que je lui procure. Cette fille, que la Croix avait fait devenir folle, était jolie comme un ange ; mais son ton noble, et son caractère doux surpassait encore la rareté de ses charmes. J’en étais amoureux, et le repentir de ne m’en être pas emparé le premier jour me rongeait l’âme. Si je l’avais prise au mot, je serais devenu son amant tranquille, et je lui aurais fait peut-être parfaitement oublier la Croix.

N’ayant guère dîné, je me suis mis à table affamé comme ma nièce, dont la friandise était sublime. Nous rîmes d’accord trouvant tout notre souper fort mauvais. J’ai dit à Clairmont de faire monter l’hôtesse.

— La faute, me dit-elle, est du cuisinier. C’est un cousin de votre secrétaire Passano qui l’a accordé3 à votre service. S’il m’en avait chargée, je vous aurais donné un cuisinier excellent, et à meilleur marché.

— Donnez-le moi demain.

— Volontiers ; mais auparavant faites que celui-ci décampe. Il est chez moi avec femme, et enfants. C’est à Passano qui l’a pris, à le renvoyer.

— Laissez-moi faire. En attendant arrêtez à mon service le vôtre : j’en ferai l’essai après-demain.

J’ai accompagnée ma nièce dans sa chambre, je l’ai priée de se coucher sans prendre garde à moi. Je lisais la gazette. Après l’avoir lue, je suis allé l’embrasser, et je lui ai souhaité une bonne nuit lui disant qu’elle pourrait m’épargner la peine d’aller me coucher tout seul. Elle ne me répondit pas.

Le lendemain elle entra dans ma chambre dans le moment que Clairmont me lavait les pieds, me priant de lui faire donner du café au lait parce que le chocolat l’échauffait trop : j’ai d’abord fait aller Clairmont lui en chercher, et elle se mit à genoux devant moi pour m’essuyer.

— Je ne souffrirai pas cela.

— Pourquoi non ? C’est une marque d’amitié.

— Vous ne pouvez la donner sans bassesse qu’à un amant.

Elle baissa ses beaux yeux, et elle s’assit près de moi. Clairmont remonta, m’essuya, me chaussa, et l’hôtesse vint porter du café [108v] pour elle, et du chocolat pour moi. Elle lui demanda, si elle voulait acheter une belle mantille de Pékin4 à la mode de Gênes, et je lui ai dit qu’elle n’avait qu’à la lui porter. Elle est allée faire monter la marchande ; et en attendant je lui ai donné vingt sequins de Gênes5 lui disant qu’ils devaient lui servir pour ses petits besoins. Elle les prit me témoignant de la reconnaissance, et se laissant embrasser de la meilleure grâce du monde. La marchande monta, elle choisit, marchanda, et paya.

Passano vint me faire des remontrances sur le cuisinier.

— Je l’ai pris par votre ordre, me dit-il, pour tout le temps que vous resterez à Gênes à quatre livres par jour logé, et nourri.

— Où est ma lettre ?

— La voici : pourvoyez-moi d’un bon cuisinier que je garderai tout le temps que je resterai à Gênes.

— Je vous ai dit bon ; et il n’est pas bon. Je suis le seul juge compétent de sa bonté.

— Vous vous trompez, car il prouvera qu’il est bon : il vous fera un procès, et vous aurez tort.

— Vous lui avez donc fait un engagement par écrit ?

— Autorisé par vous.

— Je veux le voir d’abord. Faites-le monter.

J’ai ordonné à Clairmont d’aller chercher un avocat. Le cuisinier monte avec Passano, et je vois l’engagement signé par deux témoins fait d’une façon que stricto jure [en droit strict] je devais avoir tort : j’invective ; mais c’est égal. Le cuisinier me dit qu’il était bon, et qu’il trouverait à Gênes quatre mille personnes qui signeraient qu’il était bon cuisinier. L’avocat arrive, et me dit la même chose : il me dit plus : il me dit que je ne trouverais personne qui voulût dire qu’il était mauvais.

— Cela se peut, lui dis-je ; mais je veux qu’il s’en aille, car je veux en prendre un autre ; et je le payerai tout de même.

— Dans ce cas, me dit le cuisinier, je vous demanderai en justice un dédommagement convenable à ma réputation flétrie.

Pour lors j’ai commencé à rire en jurant, et dans ce moment arriva D. Agostino Grimaldi. Quand il fut instruit de l’affaire, il rit, il leva les épaules, et il dit de me garder d’aller aux tribunaux, car on me condamnerait, et aussi à payer les frais. Celui qui vous a trompé, me dit-il, s’il n’est pas una bestia6, est votre commissionnaire, qui devait mettre la condition de l’essayer, comme on la met à tous les cuisiniers. Passano alors dit l’interrompant, qu’il n’était ni trompeur, ni bestia. L’hôtesse ajoute qu’il était son cousin.

Pour lors je paye l’avocat, et je le renvoie, et je dis au cuisinier de descendre. Après cela je demande à Passano si je lui devais de l’argent : il me répond qu’au contraire, je lui avais payé le mois d’avance, et qu’il devait me servir encore dix jours. — Fort bien ; je vous fais présent des dix jours, et je vous renvoie dans l’instant à moins que votre cousin ne sorte de chez moi aujourd’hui vous rendant le sot engagement que vous lui avez fait. Allez.

Ils s’en allèrent tous ; et pour lors M. Grimaldi me dit que j’avais gagné mon procès avec l’épée d’Alexandre7. Il me pria de le présenter à la dame qu’il voyait là, et je lui ai dit que c’était ma nièce. Il me dit que je ferais un grand plaisir àf madame Isolabella la lui présentant, et je m’en suis dispensé lui disant que le marquis Triulzi ne l’avait pas nommée dans sa lettre. Un moment après il partit ; et voilà Annette avec sa mère. Elle était devenue éblouissante. Les petites taches jaunâtres qu’elle avait sur le visage étaient disparues, ses dents me parurent devenues blanches, elle avait grandi, et sa gorge étant arrivée à sa perfection était couverte d’une gaze. Je l’ai présentée à sa maîtresse, dont la surprise m’amusa. Je lui ai montré son lit, disant à sa mère de lui envoyer ses hardes. Devant faire ma toilette, j’ai dit à ma nièce d’aller faire la sienne avec Annette, qui était enchantée de se voir de nouveau avec moi.

[109v] Vers midi, lorsque nous étions tous prêts pour sortir, mon hôtesse vint me présenter mon nouveau cuisinier, et me remettre l’écriture que Passano avait faiteg à son cousin. Cette victoire comique me mit en humeur de rire. J’ai ordonné au nouveau cuisinier le dîner que je voulais, et je suis allé en chaise à porteurs chez Rosalie suivi par ma nièce.

J’ai vu une compagnie brillante tant en femmes qu’en hommes, et j’ai remarqué la surprise de Rosalie voyant ma nièce également que de celle-ci voyant l’autre. Rosalie l’embrassant l’appela par son nom, et elle lui répondit par un compliment qui finissait par l’assurer que la première nouvelle qu’elle donnerait à sa mère serait qu’elle l’avait trouvée à Gênes belle, et heureuse. Elles allèrent ensemble dans une autre chambre, comme je m’y attendais, et elles revinrent un quart d’heure après d’un air très satisfait. Mais la scène n’était pas encore finie. Paretti entre, et elle lui présente ma nièce, lui disant que c’était mademoiselle xxx. Il s’en félicite : il était en correspondance avec son père ; il sort en courant, et il revient une minute après tenant une lettre de son père à la main qu’il lui montre, et dont ma nièce baise la signature. La voyant émue, et prête à pleurer, je ne peux pas retenir mes larmes : j’avertis Rosalie de dire à son mari que par des raisons importantes il devait s’abstenir de donner cette nouvelle à son père.

Le dîner fut brillant, et Rosalie en fit les honneurs avec la plus grande aisance ; mais celle qui reçut les hommages de tous les convives fut ma prétendue nièce, qui en qualité de fille de M. xxx, connu pour riche négociant de Marseille, s’attira l’attention d’un jeune homme que Dieu lui avait destiné pour mari. Quel plaisir pour moi de m’en voir le ministre8 !

Pour Rosalie, elle m’étonna. Elle paraissait vraiment née pour être maîtresse d’une grande maison. Elle s’attribuait de bonne foi le mérite de tout ce que je trouvais digne d’éloge, jusque de la belle vaisselle, et des vins exquis. Nous nous levâmes de table très contents, et fort gais.

On voulut arranger des parties de jeu ; mais Rosalie, qui savait que je n’aimais pas les jeux de commerce, prononça qu’il fallait faire un trente-quarante à la ronde9. Ce jeu nous mena jusqu’à l’heure du souper sans que personne pût se plaindre d’avoir trop perdu. À minuit nous nous retirâmes tous enchantés de la belle journée que nous avions passée.

De retour à la maison, d’abord que je fus seul avec ma nièce, je lui ai demandé comment elle avait connuh Rosalie à Marseille.

— Je l’ai connue chez moi, où elle venait avec sa mère porter le linge. Je l’ai toujours aimée. Elle a deux ans plus que moi. Je l’ai d’abord reconnue. Elle m’a dit que c’est vous qui lui avez fait quitter Marseille, et qu’elle vous doit sa fortune ; mais elle ne m’a rien dit en détail. Pour moi je ne lui ai dit autre chose sinon ce qu’elle devait se figurer. Je lui ai avoué que vous n’êtes pas mon oncle, et si elle pense que vous êtes mon amant, je n’en suis pas fâchée. Vous ne sauriez croire combien la partie d’aujourd’hui m’a fait plaisir : vous êtes né pour faire des heureux.

— Mais la Croix !

— Je vous prie de ne pas m’en parler.

Elle me brûlait. Elle appela Annette, et je suis allé me coucher. Mais après avoir misi au lit sa maîtresse, elle vint à mon lit comme je m’y attendais.

— S’il est vrai, me dit-elle, que madame est votre nièce, puis-je me flatter que vous m’aimiez encore.

— Oui, ma chère Annette, je t’aime ; va te déshabiller, et viens causer avec moi.

[110v] J’ai passé avec cette rare fille deux heures charmantes, qui calmèrent le feu qui me brûlait pour ma nièce.

Le lendemain Passano vint me dire qu’il avait accommodé l’affaire avec le cuisinier moyennant six sequins, et je les lui ai donnés, le priant d’être sage à l’avenir.

Je suis allé déjeuner chez Rosalie pour la prier à dîner pour le lendemain avec son mari, et quatre autres à son choix lui disant que ce serait elle qui me dirait si un cuisinier que je voulais prendre était bon. Après m’avoir promis de venir, elle voulait savoir l’histoire de mes amours avec mademoiselle xxx ; mais quand je lui ai dit que je ne pouvais lui rien dire de vrai, elle me répondit qu’elle ne se souciait pas que je lui fisse des contes. Mais elle fut enchantée quand je lui ai dit ce qu’elle m’avait dit d’elle. Elle me demanda, si je trouverais mauvais, si elle venait dîner chez moi avec le jeune homme qui à table avait eu des grandes attentions pour ma nièce.

— Qui est-il ? J’en suis curieux.

— C’est un tel. Il est fils unique d’un riche négociant.

— Mène-le. Adieu mes anciennes amours.

Sortant j’ai prié Paretti de me donner un bon valet de place, et il m’en envoya un excellent le même jour. J’ai trouvé ma nièce encore au lit. Je lui ai dit que Rosalie viendrait dîner avec nous le lendemain, et qu’elle pouvait être sûre que son mari n’écrirait pas à son père qu’elle était à Gênes. Elle me remercia, car elle en était inquiète. Devant souper en ville ce jour-là, je lui ai dit qu’elle pouvait aller souper avec Rosalie à moins qu’elle n’aimât mieux de souper toute seule.

— Mon cher oncle vous avez pour moi des attentions qui m’accablent. J’irai chez Rosalie.

— Êtes-vous contente d’Annette ?

— À propos. Elle m’a dit qu’elle a couché cette nuit avec vous, et que vous avez été son premier amant, en même temps que vous l’étiez de sa sœur Véronique.

— C’est vrai ; mais c’est une bavarde indiscrète.

— Il faut lui pardonner. Elle m’a dit qu’elle n’y a consenti qu’après que vous lui aviez juré que j’étais votre nièce ; et encore vous sentez qu’elle ne peut m’avoir fait cette confidence que par esprit de vanité. Elle prétend par là d’exiger de moi une sorte de respect ; et elle a raison. Je dois respecter une fille que vous aimez.

— J’aimerais mieux que vous eussiez le droit d’en être jalouse. Je vous donne parole que si elle n’aura pour vous tous les égards, je la mettrai à la porte. Vous pouvez ne pas m’aimer, et je ne dois pas m’en plaindre ; mais vous n’êtes pas faite pour être ma complaisante.

Je n’étais pas fâché que ma nièce eût su que j’avais Annette ; mais j’étais un peu piqué de la façon dont elle avait pris la chose. J’ai cru qu’elle n’avait aucun goût pour moi, et il me parut qui plus est, qu’elle était bien aise de se voir délivrée par là du risque qu’il lui semblait de courir tous les jours quand elle me voyait tête-à-tête admirateur de ses charmes.

Nous dînâmes seuls ; et les plats friands de mon cuisinier nous firent bien augurer de lui. Le valet que Paretti m’avait promis arriva : j’ai dit à ma nièce qu’il lui appartenait. Après nous être promenés en voiture un couple d’heures, je l’ai conduite chez Paretti, et l’y ai laissée. Je suis allé chez madame Isolabella, où j’ai trouvé très nombreuse compagnie ; femmes, et hommes de la première noblesse.

L’amusement qu’il y eut jusqu’à l’heure de souper fut un biribi10, dont les femmes principalement étaient folles. À Gênes, c’était un jeu défendu ; mais dans les maisons on était libre, et le gouvernement n’y avait rien à dire. Les joueurs donc qui le tenaient allaient dans les maisons où on les appelait, et les joueurs avertis s’y trouvaient. Dans cette [111v] soirée-là leur malheur voulut qu’ils se trouvassent chez madame Isolabella, et par cette raison elle avait chez elle cette grande assemblée. Pour faire ce que les autres faisaient j’ai commencé à jouer aussi. Dans la salle où on jouait il y avait le portrait de madame habillée en Arlequine, et sur le tableau du biribi il y avait une Arlequine : pour faire ma cour à la maîtresse près de laquelle j’étais assis, je mettais un sequin sur l’Arlequine. Le tableau était de trente-six figures, on payait au vainqueur trente-deux fois la mise. Chaque joueur à son tour tirait la balle hors du sac trois fois de suite. Les tenants du biribi étaient trois. Un tenait le sac, un autre tenait l’argent, le troisième avait soin du tableau pour en ramasser l’argent qui était sur les chances d’abord que la balle avait été tirée. La banque était dej deux mille sequins à peu près. La table, un beau tapis, et quatre flambeaux d’argent appartenaient aux tenants. On pouvait mettre sur le numéro ce qu’on voulait. Je mettais un sequin chaque fois.

Madame Isolabella ayant été la première à tirer, et le sac faisant le tour à sa droite, mon tour ne vint que le dernier. Comme les joueurs étaient quinze à seize, quand mon tour vint je perdais déjà presque cinquante sequins ; l’Arlequine n’étant jamais sortie. On me plaignait.

Mais à la fin mon tour vint, je tire la balle, et on trouve l’Arlequine. On me paye trente-deux sequins. Je les mets tous sur la même Arlequine, elle sort, et ils doivent m’en payer mille. J’en laisse cinquante, et je tire ma troisième fois, et l’Arlequine sort. On me donne tout l’argent qu’on a, et n’étant pas assez tout m’appartient, la table, le tapis, le tableau du biribi, et les quatre flambeaux d’argent. On rit, on m’applaudit, on siffle les fripons débanqués, bafoués, et on les met à la porte. Mais après les éclats de rire je vois les dames affligées. Le jeu est fini ; elles ne savent plus que faire. Je les console, leur disant que j’allais moi-même tenir le biribi, et je leur déclare que je ne voulais aucun avantage : je veux payer trente-six. On me trouva charmant. Je les ai amusées jusqu’à l’heure du souper sans avoir ni gagné ni perdu. J’ai tant priék madame qu’elle accepta en présent toute la boutique. Cette aventure fut la matière qui nous amusa pendant tout le souper. Étant resté le dernier, j’ai prié à dîner pour le lendemain madame avec le marquis, et ils acceptèrent. J’ai fait porter dans ma voiture un pesant sac où il y avait trois cents sequins en argent blanc, et je suis allé chez Rosalie pour reconduire à la maison ma nièce, qui me dit d’avoir passél une soirée délicieuse.

— Un jeune homme fort aimable, me dit-elle, que Rosalie conduira demain dîner chez nous, me dit cent honnêtetés, et entr’autres qu’il veut aller à Marseille faire connaissance avec mon père pour me faire sa cour. Il sera bien attrapé.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il ne me verra pas. Un couvent deviendra mon monde. Mon père humain, et bon me pardonnera, et je me punirai.

— C’est une pensée mélancolique que vous devez abandonner. Vous êtes faite pour faire le bonheur d’un époux digne de vous ; et indépendant, autant qu’il est possible, de la fortune. Plus je vous examine, plus je me trouve convaincu de ce que je vous dis.

J’ai remarqué avec plaisir les bons procédés de ma [112v] nièce vis-à-vis d’Annette quand elle la déshabilla, et un certain air de nonchalance de celle-ci qui me déplut. Quand elle vint se coucher je lui ai fait sur cette matière des douces remontrances auxquelles elle ne devait répondre que par des caresses : mais point du tout : elle s’avisa de pleurer. Les pleurs d’une jolie fille entre les bras de son amant qui a envie de rire l’indisposent. Sois gaie, lui dis-je, ou va dans ton lit. À ces mots elle sortit de mes bras, et elle me planta là : je me suis endormi de mauvaise humeur.

Le matin, en ton de maître, je lui ai dit qu’elle m’avait joué un tour sanglant, et que je la renverrais si elle me le jouerait une seconde fois ; au lieu de me calmer, elle pleura de nouveau ; et impatienté je suis allé compter mon argent. Une demi-heure après, ma nièce vient me demander d’un ton doux, et sentimental pourquoi j’avais mortifié la pauvre Annette. — Ma chère nièce, dites-lui d’être sage.

Elle prend alors en riant une poignée de mes écus, et elle s’en va. Une minute après, je vois Annette gaie, qui avec ses écus dans son tablier vient m’embrasser me promettant de ne plus pleurer dans toute sa vie. Tel était l’esprit de ma nièce, qui voulait que je l’aimasse, et ne voulait pas m’avoir pour amant. Dans le code de la coquetterie féminine, des projets de cette nature sont fort communs.

Passano, non appelé, entre, et me fait compliment sur ma victoire.

— Qui vous a dit cela ?

— Tout le monde au café. C’est une nouvelle unique, car les biribissanti11 sont des fripons ferrés à glace12. Cette aventure va faire beaucoup parler de vous, car on dit qu’il est impossible que vous ayez débanqué de cette façon-là sans avoir été d’accord avec celui qui tenait le sac.

— Mon cher, vous m’ennuyez. Donnez cette pièce à votre femme ; et allez-vous-en.[113r]

La pièce d’or que je lui ai donnée valait cent livres de Gênes13. C’était une monnaie que le gouvernement avait fait faire pour la commodité de la circulation intérieure. Il y en avait de cinquante livres, et de vingt-cinq.

Je poursuivais à compter mon or, et mon argent. Clairmont me remet un billet. C’était une tendre invitation d’Irène, qui désirait que j’allasse déjeuner avec elle. Elle m’envoyait son adresse. Ma chère Irène à Gênes ! Après avoir mis sous clef mes monnaies, j’y vais en déshabillé, je la trouve bien logée, elle me dit que les meubles étaient à elle, et son vieux père comte Rinaldi m’embrasse versant des larmes de joie. Il me fait compliment.

— Trois mille sequins, me dit-il, sont bons.

— Oui : force, et bonheur.

— Le plaisant de l’aventure c’est que l’homme qui tenait le sac est aux gages des deux autres maîtres du biribi.

— Qu’y trouvez-vous de plaisant ?

— Que sans rien perdre, il dut gagner la moitié de la somme, car sans cette condition il ne se serait jamais concerté avec vous.

— Vous croyez donc cela ?

— Tout le monde le croit. La chose ne peut pas être autrement. C’est un coquin, qui a fait sa fortune trahissant des coquins. Tous les grecs de Gênes l’applaudissent, et vous célèbrent.

— En qualité de coquin encore plus grand.

— On ne vous donne pas ce nom-là : tant s’en faut : on vous appelle esprit sublime ; et on vous approuve.

— Grand merci.

— J’ai su cette histoire de quelqu’un qui se trouva présent au joli combat. Il dit que la seconde, et troisième fois vous avez connu la balle au tact par le ministère de l’homme au sac.

— Et vous êtes persuadé que c’est vrai.

— J’en suis convaincu. Il n’y a pas d’honnête homme qui à votre place n’eût désiré de pouvoir en faire autant. Mais je vous conseille de prendre bien vos mesures sur l’entrevue que vous aurez avec l’homme au sac pour lui donner sa moitié. Vous aurez des espions aux trousses. Si vous voulez je vous servirai.

[113v] J’eus la force de conserver mon sang-froid, de ne rien répondre, de me lever, et de repousser rudement Irène, qui, comme elle avait fait à Milan, voulait m’empêcher de partir. Cette histoire calomnieuse qui dans la politique des joueurs d’avantage me faisait honneur me blessait dans l’âme. Passano, et Rinaldi m’avaient assez dit pour ne pas douter de la publicité, et je ne m’étonnais pas qu’on y ajoutât foi, mais je ne pouvais, et je ne devais pas y consentir. Je vais dans la strada Balbi pour la communiquer au marquis Grimaldi, et pour lui rendre en même temps sa visite. Il était allé siéger à son magistrat14 ; on m’y mène ; on m’annonce, il sort, il me remercie de la peine que je m’étais donnéem, et après m’avoir entendu lui conter l’histoire courante il me répond en riant que je devais m’en moquer, et pas même me donner la peine de la réfuter.

— Vous me conseillez de convenir d’être fripon.

— Il n’y a que les sots qui vous appelleront fripon : méprisez-les, à moins qu’ils ne viennent vous le dire en face.

— Je voudrais savoir qui est le patricien qui narre le fait, et qui dit d’y avoir été présent.

— Il a tort de le conter ; mais vous auriez aussi tort de vous informer de son nom. Il ne prétend pas le contant dire du mal de vous, ni vous faire du tort.

— J’admire cela. Croyez-vous que si la chose était comme on la débite elle me ferait honneur ?

— Ni tort, ni honneur. On vous aimera, on rira, et chacun dira qu’à votre place il en aurait fait autant.

— Vous aussi.

— Oui. Sûr que dans la balle il y avait l’Arlequine, j’aurais débanqué tout comme vous avez fait. Je vous dirai sincèrement que je ne sais pas si vous avez gagné par bonheur, ou par adresse ; mais si je devais prononcer une sentence fondée sur ce qui est plus vraisemblable, je dirais que vous connaissiez la balle. Convenez que je raisonne bien.

— J’en conviens ; mais vous passant une supposition qui me déshonore. Convenez aussi que tous ceux qui me supposent capable d’avoir gagné par adresse m’insultent.

— Cela dépend de la façon de penser. Je conviens qu’ils vous insultent, si vous vous trouvez insulté ; mais ils ne peuvent pas le deviner, et par conséquent n’ayant pas intention de vous insulter, ils ne vous insultent pas. Vous ne trouverez d’ailleurs personne d’assez impudent pour dire que vous avez gagné par adresse ; mais vous ne pourrez pas empêcher qu’on le pense.

— À la bonne heuren. Qu’on le pense ; mais qu’on se garde de me le dire. Adieu monsieur le marquis jusqu’à l’heure de dîner.

Je suis rentré chez moi fâché contre Grimaldi, contre Rinaldi, fâché d’avoir maltraitéo Irène que j’aimais, et fâché d’être fâché, car j’aurais pu rire de tout ;p dans la corruption des mœurs courantes ce fait ne pouvait pas nuire à mon honneur. Ma réputation était celle d’homme d’esprit dans une acception qui ennoblissait à Gênes plus que partout ailleurs la désagréable idée qu’on attachait chez les jansénistes15 au nom de fripon. Je réfléchissais enfin que je n’aurais pas eu de scrupule à enlever le biribi par le moyen dont on croyait que je m’étais servi, si effectivement l’homme au sac se fût préalablement accordé avec moi, quand ce n’aurait été que pour amuser la belle compagnie avec le joli exploit ; mais la chose n’étant pas ainsi, je ne pouvais pas endurer qu’on la débitât pour réelle.

Je me suis donné l’élanq pour être de bonne humeur avec la belle compagnie que j’attendais à dîner. J’ai vu paraître devant moi ma nièce, qui n’avait ni diamants, ni montre, nir le moindre bijou son malheureux amant lui ayant tout vendu, mais bien vêtue, et parfaitement bien coiffée elle brillait tant qu’elle pouvait le désirer.

Rosalie arriva richement mise, puis Paretti avec son oncle, et sa tante, et deux amis, dont l’un était celui qui cajolait ma nièce. Madame Isolabella arriva fort tard avec M. Grimaldi.

Un moment avant de nous mettre à table, Clairmont m’annonça un homme qui demandait à me parler. Je lui ai dit de le faire entrer ; et ce fut M. Grimaldi qui me dit [114v] que c’était l’homme qui tenait le sac au biribi.

— Que voulez-vous de moi ?

— Je viens vous demander quelque secours. On m’a renvoyé ; et j’ai une famille. On croit que……

Je ne l’ai pas laissé finir. J’ai dit à Clairmont de lui donner quatre sequins, et je l’ai renvoyé.

Nous nous mîmes à table ; et voilà encore Clairmont qui me remet une lettre. Je vois l’écriture de Passano, je la mets dans ma poche sans l’ouvrir.

Mon dîner fut très gai, et on rendit justice à mon cuisinier. Madame Isolabella fit la première figure ; mais Rosalie, et ma nièce l’éclipsèrent. Le jeune Génois n’eut des attentions que pour ma nièce, et elle me parut y être très sensible. Je désirais la voir devenir amoureuse de quelqu’un qui eût pu lui faire passer l’idée désespérée d’aller s’ensevelir dans un couvent. Elle ne pouvait redevenir heureuse que perdant le souvenir du malheureux qui l’avait mise au bord du précipice. Voici la lettre que m’écrivait Passano : « Je suis allé à Banchi16 pour changer en monnaie la pièce de cent livres dont vous m’avez fait présent. On l’a pesée, et la trouvant dix carats17 moindre de sa valeur on me l’a confisquée m’ordonnant de dire de qui je l’avais reçue. Vous sentez que je ne devais pas satisfaire à cette demande. Je me suis laissé conduire en prison, et si vous ne trouvez pas le moyen de m’en faire sortir, on me fera un procès criminel. Vous sentez aussi que je ne dois pas me laisser pendre. Je suis etc. »

Je donne la lettre à M. Grimaldi. Il me dit après l’avoir lue, me prenant à part que c’était une très mauvaise affaire, qui par les voies directes ne pouvait finir qu’à faire pendre celui qui avait rogné la pièce.

— On pendra les tenants du biribi. Laissez qu’on les pende.

— Madame Isolabella sera compromise, puisque le biribi est défendu partout. Je dois aller parler aux inquisiteurs d’état18. Laissez-moi faire. Écrivez à Passano qu’il poursuive à se taire, et que vous vous chargez de tout. La loi sur l’article des monnaies rognées n’est sévère qu’à l’égard de ces pièces-là, car le gouvernement désire qu’elles prennent cours dans Gênes, et que les rogneurs épouvantés par l’exemple les respectent19.

J’ai écrit à Passano en conséquence, et j’ai fait venir des balances. Nous pesâmes toutes les pièces d’or que j’avais gagnées au biribi, et nous les trouvâmes moindres en valeur de deux mille livres de Gênes. M. Grimaldi se chargea de les couper, et de les vendre à un orfèvre.

Nous trouvâmes toutes les parties de jeu faites, et M. Grimaldi me proposa une partie au quinze20 tête-à-tête. Ce jeu tête-à-tête est très odieux ; mais j’y ai consenti. À quatre sequins de cave21, j’ai perdu en quatre heures cinq cents sequins.

Le lendemain vers midi, il est venu me dire que Passano était hors de prison, et qu’on lui avait rendus la valeur de sa pièce. Il m’a remis aussi douze ou treize cents sequins qu’il avait reçus de l’orfèvre auquel il avait vendut les pièces d’or rognées. Je l’ai remercié de tout, et je lui ai dit que j’irais le lendemain chez madame Isolabella, et prendre ma revanche au quinze.

Je l’ai trouvé seul avec sa dame. Nous devions souper en trois ; mais nous ne soupâmes pas. Nous nous mîmes à jouer, et nous ne finîmes que deux heures après minuit. J’ai perdu trois mille sequins, dont je lui en ai payéu mille le lendemain ; lui faisant des lettres de change tirées sur moi-même pour les autres deux mille. À l’échéance de ces lettres j’étais en Angleterre, et je les ai laissév protester. Cinq ans après il fut excité par un traître à me contraindre par corps à Barcellone ; mais M. Grimaldi fut honnête. Il m’écrivit une lettre dans laquelle il me découvrait l’ennemi, et il m’assurait qu’il ne ferait jamais la moindre démarche contre ma personne tendante à me forcer à le payer. Il avait été excité par [115v] Passano, qui à mon insu se trouvait alors à Barcellone. J’en parlerai quand je serai là22. Tous ceux que j’ai pris avec moi avec intention de me servir d’eux pour m’aider aux folies que je faisais avec madame d’Urfé me trahirent, excepté une Vénitienne, que je ferai connaître à mon cher lecteur dans le chapitre suivant.

Malgré ces pertes je vivais bien, et l’argent ne me manquait pas, car enfin je n’avais perdu comptant que l’argent que j’avais gagné au biribi. Rosalie venait dîner chez moi, et j’allais tous les soirs souper chez elle avec ma nièce, dont les amours devenaient tous les jours plus sérieux. Je le lui disais ; mais elle ne quittait pas sa proposition de se cloîtrer, et elle me dit au commencement de la semaine sainte que sa résolution était devenue immanquable étant dans ce jour-là évidemment certaine de n’être pas grosse.

Elle était parvenue à avoir une telle amitié pour moi, et une si grande confiance après que j’avais Annette, qu’elle venait souvent le matin s’asseoir sur mon lit qu’elle était encore entre mes bras. Elle riait nous voyant tendres, et elle semblait partager nos plaisirs amoureux. Il est certain qu’avec sa présence elle augmentait les miens. J’étouffais dans Annette les désirs que ma nièce m’inspirait, ne pouvant pas les éteindre avec elle, et dans elle. Annette avec sa vue basse ne pouvait pas apercevoir mes distractions. Ma nièce savait que sa présence me faisait plaisir, et je savais que ce qu’elle me voyait faire ne pouvait pas lui être indifférent. Quand elle me croyait épuisé, elle priait Annette de se lever, et de la laisser seule avec moi ayant des affaires à me communiquer. Annette se levait, et s’en allait. Se trouvant alors seule avec moi, elle riait, et n’avait rien à me dire d’important. Assise près de moi dans le plus grand négligé, elle croyait que ses charmes ne pouvaient plus exercer sur moi la moindre force. Elle se trompait, et je ne pensais pas à la désabuser, de crainte de perdre sa confiance. Ma nièce ne savait pas qu’elle n’était pas Annette, et qu’Annette n’était pas elle. Je me la ménageais. Je me sentais certain qu’elle m’accorderait à la fin la récompense que je méritais tout au plus tard après notre départ de Gênes, quand nous nous trouverions dans les très libres tête-à-tête dans lesquels on se trouve en voyage, et dans la douce oisiveté qui pour remplacer le rien faire23 force le corps, et l’âme à tout faire. On se trouve las de causer, d’insister, de raisonner, et même de rire : on se laisse aller, et on fait, parce qu’on ne veut pas savoir ce qu’on fait. On y pense après, et on est bien aise que tout cela soit arrivé.

Mais l’histoire de mon voyage de Gênes à Marseille était écrite dans le grand livre de la destinée. Ne l’ayant pas lu, je ne pouvais pas en savoir les circonstances. Je ne savais autre chose sinon que je devais partir, car madame d’Urfé m’attendait à Marseille. À ce voyage étaient attachées des combinaisons décisives dont devait dépendre l’état de la plus jolie de toutes les créatures femelles ;w d’une Vénitienne qui ne me connaissait pas, et qui ne savait pas que j’existais pour être l’instrument de son bonheur. Je ne savais pas de m’être arrêté à Gênes pour l’attendre, car je ne savais pas qu’elle fût dans le nombre des êtres.

Ayant fixé mon départ à la seconde fête de Pâques, j’avais encore devant moi six jours. J’ai soldé mes comptes avec le banquier auquel Greppi m’avait adressé, et j’ai pris une lettre de crédit sur Marseille, où cependant madame d’Urfé s’y trouvant, je ne pouvais pas [116v] avoir besoin d’argent. J’ai pris congé de la maison de madame Isolabella pour vivre toute la semaine en pleine liberté avec la seule Rosalie, et sa famille allant souvent à sax maison de campagne.

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