Mémoire de Casanova partie 2

Chapitre VIII

Mon arrivée à Bologne. Chassé de Modène. Parme. Turin.

La juive Lia. La R….. marchande de modes.

La Corticelli avait un mantelet doublé d’une bonne pelisse ; mais le fou qui l’enlevait n’avait pas même un manteau. Le vent était très froid ;b et malgré cela je n’ai jamais voulu m’arrêter. J’avais peur d’être suivi, et de me voir obligé à retourner sur mes pas, ce qui m’aurait causé la plus cruelle de toutes les mortifications. Un écu pour boire que je donnais au postillon le faisait aller ventre à terre. J’ai cru que le vent m’enlèverait sur la cime de l’Apenninc ; mais rien n’eut la force de m’arrêter que les trois ou quatre minutes qui m’étaient nécessaires pour changer de chevaux. Les postillons me croyaient un prince qui enlevait cette fille. L’idée de passer pour une fille qu’on enlevait fit rire à reprises à gorge déployée cette petite folle toutes les cinq heures que nous avons employées pour faire quarante milles1. Nous sommes partis de Florence à huit, et je ne me suis arrêté qu’à une heure après minuit à une poste qui appartenait au Pape2, et où je n’avais plus rien à craindre. Le nom de cette poste était l’âne décharge3 : ce nom fit rire ma folle, et nous montâmes. Toute la maison dormait ; mais le tapage que j’ai fait, et trois ou quatre pauls que j’ai d’abord distribués aux garçons me firent faire du feu, et mirent en mouvement tout le monde pour me faire à manger. Nous mourions de faim ; et de froidd. On nous dit qu’il n’y avait rien à manger ; mais je me suis moqué de l’hôte : il avait du beurre, des œufs, des macaroni, du riz, du fromage parmesan, du pain, et du bon vin, et l’animal ne voyait pas que nous avions de quoi [107v] faire un excellent repas. Je me suis fait obéir, et je me suis fait dresser un lit qui étonna l’hôte parce que pour le faire je lui en ai fait défaire quatre. La Corticelli en mangeant comme une désespérée quand elle disait que dira Maman, le fou rire la prenait de façon qu’elle paraissait en mourir.

Nous nous mîmes au lit à quatre heures du matin après avoir ordonné qu’on nouse réveillât lorsqu’une voiture anglaise à quatre chevaux arriveraitf. Bourrés de Macaroni, comme nous étions, et gris de Chianti, et de Monte Pulciano nous n’eûmes pas envie de faire l’amour, et lorsque nous nous réveillâmes les folies que nous fîmes furent très peu de chose. Il était une heure après midi, nous pensâmes à manger, et l’hôte en conséquence de mes ordres nous donna un très bon repas. Mais lorsque j’ai vu survenir la nuit sans avoir vu arriver mon équipage j’ai commencé à penser à ce qui pouvait être arrivé ;g la Corticelli cependant ne voulait rien entendre de triste. Je me suis couché après souper déterminé à envoyer à Florence le fils du maître de poste si mes gens n’arrivaient pas dans la nuit. Ils n’arrivèrent pas, et j’ai dépêché un exprès à Costa pour savoir tout ; car dans le cas de quelque violence je me serais décidé à retourner à Florence en personne malgré la Corticelli à laquelle ce retour aurait beaucoup déplu.

L’exprès que j’ai envoyé partit à midi, et revint à deux heures pour me dire que mes gens arriveraient dans moins d’une heure. Mon équipage venait avec des chevaux de voiturier, et il était suivi d’une calèche à deux chevaux où il y avait une vieille femme et un garçon. — C’est la maman, dit la Corticelli. Oh que nous rirons ! Il faut lui préparer bien à manger, et laisser qu’elleh conte toute cette surprenante histoire dont elle se souviendra jusqu’à la mort.

Costa me dit qu’il avait tardé vingt-quatre heures à cause que l’Auditore pour se venger de ce que j’avais méprisé soni ordre avait envoyé dire à la poste de refuser des chevaux à mes gens, mais qu’un certain Agresti non sujet à cet ordre lui en avait donné en s’engageant de le mettre à Bologne en deux jours et demi. Mais voici la harangue de la Signora Laura qui mit la joie dans l’âme de sa fille :

— J’ai préparé à souper, comme vous m’avez ordonné, et j’ai dépensé plusj de dix pauls, comme vous verrez, et que vous me remettrez, car je suis une pauvre femme ; mais pensez de grâce à ma détresse, lorsque j’ai vu passer les heures après les autres heures sans vous voir rentrer. J’ai envoyé mon fils à minuit chez Vannini pour savoir de vos nouvelles, et imaginez-vous ma douleur, car je suis mère, lorsque mon fils revint, et me dit qu’on ne savait rien de vous à votre auberge. J’ai passé la nuit sans me coucher, et le matin je suis allée à la justicek me plaignant que vous m’aviez enlevé ma fille, etl demandant qu’on envoie après vous pour vous forcer à la rendre ; mais, devinez ; on s’est moqué de moi, et on m’a dit que je ne devais pas la laisser sortir de chez moi avec vous sans aller aussi avec elle. Voyez-vous la calomnie !

— Calomnie, dit la Corticelli.

— Certainement, car c’était me dire que j’avais comme consenti à cet enlèvement, ce que les butors ne pouvaient pas supposer, car si j’y avais consenti je ne serais pas allée leur demander justice. Je suis allée après chez le docteur Vannini, où j’ai trouvé votre [108v] valet de chambre qui m’a assurée que vous êtes allé à Bologne, où je vous trouverais si je voulais partir à la suite de votre équipage, et vous payerez, j’espère, ce dont je suis d’accord avec le voiturier. Mais, permettez que je vous dise que ce que vous avez fait va au-delà des bornes du badinage.

Je l’ai consolée en l’assurant que je payerais tout. Nous partîmes le lendemain, et nous arrivâmes à Bologne de bonne heure, où j’ai voulu loger chez la Corticelli en envoyant mes valets à l’auberge, d’où je me faisais venir à manger pour toute la famille. J’y ai demeurém huit jours, dans lesquels la petite folle, qui avait une quantité d’amies de son goût, me procura des plaisirs si délicieux que je soupire toutes les fois que je les rappelle à ma vieille mémoire. Il y a en Italie des villes où l’on peut se procurer tous les plaisirs que l’homme sensuel trouve à Bologne ; mais on ne les obtient nulle part ni si bon marché, ni si facilement, ni si librement. Outre cela on y mange, et on y boit très bien, on y marche sous des arcades, et on y trouve l’esprit, et les sciences. C’est un dommage que soit l’air, soit l’eau, soit le vin on y contracte un peu de gale, ce qui produit aux Bolognais le plaisir de se gratter, qui n’est pas si indifférent qu’on le pense, lorsque la démangeaison est légère. Les dames principalement dans le mois de Mars remuent leurs doigts pour se chatouiller les mains avec des grâces enchanteresses.

J’ai quitté la Corticelli vers la mi-carême en lui souhaitant un bon voyage aussi, car elle allait partir pour Prague, où on l’avait engagée pour un an pour seconde danseuse. Je lui ai promis d’aller la reprendre en personne, et de la conduire avec moi à Paris avec sa mère. Le lecteur verra de quelle façon je lui ai tenu parole4.

Ce fut un pur caprice qui me fit rester à Modène, où je suis arrivé le même jour5. Je sors le lendemain pour aller voir des tableaux, je rentre pour dîner, et je trouve un manant qui m’ordonne de la part du gouvernement de poursuivre mon voyage tout au plus tard le lendemain. J’appelle l’hôte, et je lui fais répliquer6 l’ordre à sa présence. Je lui ai dit que j’avais entendu. Il s’en va.

— Qui est cet homme ? dis-je à l’hôte.

— C’est un sbire.

— Et le gouvernement m’envoie un sbire ?

— Celui qui l’a envoyé ce ne peut être que le Bargello7.

— Le Bargello est donc le gouverneur de Modène ? Un infâmen….

— Infâme ! Taisez-vous. Toute la noblesse l’accoste8. Il est entrepreneur de l’opéra : les plus grands seigneurs vont chez lui à sa table, et par ce moyen ils se procurent son amitié.

— Mais pourquoi ce seigneur Bargello me chasse-t-il de Modène ?

— Je n’en sais rien. Allez lui parler. Vous trouverez un homme accompli.

Au lieu d’aller chez ce J… F…..9 je vais voir l’abbé Testagrossa, qui vivait encore10o se reposant sur ses lauriers, et qui était un homme qui malgré sa basse naissance s’était distingué par son esprit, et avait été jugé digne par son maître le duc de Modène d’être employé aux cours pour ses affaires politiques. Cet abbé, qui m’avait connu l’année 1753 à Vienne, après m’avoir fait un très gracieux accueil fut mortifié de l’aventure qui venait de m’arriver.

— Que puis-je faire ? lui dis-je.

— Vous en aller, car cet homme pourrait vous faire un affront beaucoup plus grand.

— Je m’en irai. Mais pourriez-vous me faire le plaisir de me faire savoir la raison de ce singulier procédé ?

— Revenez ici ce soir.

[109v] L’abbé me dit le soir même que le Bargello d’abord qu’il avait vu mon nom sur la consigne avait deviné que j’étais le même Casanova qui s’était enfui des plombs, et qu’un de ses devoirs étant celui de tenir la ville à l’abri des mauvais sujets il s’était empressé dep m’intimer le départ.

— Je m’étonneq, lui dis-je, que me contant cela vous ne soyez pas honteux pour le duc de Modène. Quelle indignité ! Quelle police contraire à la bonne morale, et même au bien de l’État !r

Le lendemain, un moment avant que je monte dans ma voiture, un homme âgé de vingt-cinq à trente ans robuste, et de la grande tailles ayant l’air d’un coupe-jarret me prie d’écouter un mot à part.

— Si vous, me dit-il, vous arrêtez à Parme seulement trois jours, et si vous me donnez actuellement votre parole de me donner cinquante sequins, lorsque je viendrai vous les demander, et que vous saurez de toute certitude que le Bargello est tué, je vous promets de le tuer moi-même moyennant un coup de carabine avec lequel je lui brûlerai la cervelle cette nuit.

— Je vous remercie, et je vous prie de le laisser mourir de sa mort naturelle. Voilà un écu pour que vous alliez boire à ma santé.

Il est certain que si j’avais été sûr que ce bourreau-là ne me tendait pas un piège, je lui aurais donné la parole qu’il me demandait ; mais j’eus peur d’une avanie. Je suis arrivé à Parme le lendemain, et je suis allé me loger à la poste11t donnant le nom de Chevalier de Seingalt que je porte encore ;u car d’abord qu’un honnête homme prend un nom,v que personne n’a le droit de lui contester, il est obligé à ne plus le quitter. Je le portais déjà depuis deux ans ; mais souvent je le joignais à celui de ma famille12.

À peine arrivé à Parme, j’ai congédié Costa ; mais huit jours après, la veille de mon départ, je l’ai repris. Son père joueur de violon fort pauvre devait entretenir sa grosse famille.

J’ai demandé de M. d’Antoine13, et il n’y était plus, et le directeur de la monnaie Dubois Chatelereux14 était à Venise. Il s’y trouvait avec la permission de l’infant duc pour instituer le balancier15, et il s’en acquitta très bien ; mais on ne s’en est pas servi. La monnaie vénitienne n’est pas cordonnée16. Les républiques se tiennent superstitieusement attachées à leurs anciennes méthodes ; elles craignent que le moindre changement en tout genre ait, ou puisse avoir une influence sur la constitution au préjudice de l’État. Ne tangas Camerinam [Ne touche pas à Camerina]17. L’esprit du gouvernement vénitien conserve le même caractère grec18 qu’il avait à la naissance de la République.

Mon Espagnol, qui se réjouit quand arrivant à Parme j’ai congédié Costa, se fâcha quand je l’ai repris. Il n’est pas libertin, me dit-il, il est sobre, et il n’aime pas la mauvaise compagnie ; mais je le crois voleur précisément parce qu’il se fait un scrupule de vous friponner dans des bagatelles. Vous en serez la dupe. Il attend à faire le grand coup quand il aura gagné toute votre confiance. J’en agis différemment : je suis un peu fripon ; mais vous me connaissez.

Le petit coquin vit mieux que moi. Cinq ou six mois après, [112v] Costa me vola cinquante mille écus19. Vingt-trois ans après, c’est-à-dire l’an 1784, je l’ai trouvé à Vienne valet de chambre du comte de Hardegg20, et l’ayant trouvé pauvre il me vint envie de le faire pendre. Je l’ai convaincu, les pièces à la main, que j’en étais le maître21. Il eut pour lors recours aux larmes, et à la pitié qu’eut de lui un honnête homme nommé Bertrand qui demeurait chez le ministre du roi de Sardaigne. Cet homme que j’estimais m’excita à l’acte héroïque de lui pardonner. Quand j’ai demandé à ce misérable ce qu’il avait fait de tout ce qu’il m’avait dérobé en or, et en bijoux, il me dit qu’il avait tout perdu faisant le fonds d’un biribi22 : que ç’avaient été ses associés mêmes qui l’avaient dépouillé. Il avait épousé dans la même année la fille de Momolo, qu’il a plantée peu de temps après. Mais poursuivons.

Je suis allé me loger à Turin dans une maison particulière, où logeait l’abbé Gama, qui m’attendait. J’ai pris tout l’appartement au premier riant du sermon qu’il me fit à mon premier abord sur l’économie. L’ayant de nouveau assuré que je serais prêt à me rendre à Augsbourg dans le même temps que tous les ministres des puissances belligérantes se seraient assemblés, il m’assura aussi que dans le mois de Mai j’aurais une lettre de créance, et que jew serais de lui-même informé de ce dont il s’agissait. Cette commission me flattait au suprême degré.

Après avoir tout réglé avec l’hôtesse pour ce qui regardait ma table, je suis allé au café, où la première personne que j’ai vuex fut le prétendu marquis des Armoises que j’avais connu à Aix en Savoye23. La première chose qu’il me dit fut que les jeux de hasard étaient défendus, et que les dames que j’avais connues à Aix seraient sans doute enchantées de me revoir. Pour ce qui le regardait il me dit qu’il vivait du jeu de trictrac24, malgré qu’il n’eût pas le dé heureux, car la force de la science à ce jeu-là avait plus d’influence que la fortune contraire. J’entendais fort bien qu’à fortune égale celui qui avait plus de science devait gagner ; mais je ne comprenais pas la possibilité du contraire.

Nous sommes allés nous promener sur la belle allée vers la citadelle où j’ai vu une quantité de jolies filles. Turin est la ville de l’Italie où le sexe a tous les charmes que l’amour peut lui désirer ; mais où la police est la plus gênante, et la ville étant petite, et très peuplée, les espions savent tout : de là vient qu’on ne peut y jouir d’autre liberté que de celle qu’on se procure avec beaucoup de précaution, et par des entremetteuses fort adroites, et qu’il faut bien payer car elles risquent, étant découvertes d’être plus que barbarement punies. On n’y souffre ni femmes publiques, ni filles entretenues, ce qui plaît beaucoup aux femmes mariées, ce que l’ignorante police aurait dû prévoir. Par cette même raison la clique de la manchette y triomphe.

Entre toutes les beautés que j’ai vues je m’informe d’une qui me frappe. Des Armoises les connaissait toutes. Il me dit que c’était la fameuse Lia juive invincible, qui avait résisté aux attaques des plus renommés amateurs de Turin, que son père étant maquignon, il n’était pas difficile d’aller chez elle ; mais qu’il n’y avait rien à faire. Je me détermine à en courir les risques, et il me promet de me conduire chez elle. Je le prie de venir dîner avec moi : nous rencontrons chemin faisant M. Z.25, et deux ou trois autres de la compagnie qui était à Aix, je fais, et je reçois des compliments, et je ne me [113v] soucie d’aller chez personne, pas même d’aller laisser à la porte du marquis de Prié26 un billet de visite.

D’abord après dîner il me conduit hors la porte du Pô chez le juif maquignon. Je lui demande s’il avait un bon cheval de selle ; il envoie un garçon à l’écurie pour en faire sortir un, et en attendant voilà sa charmante fille qui vient dans la cour pour recevoir des compliments sur ses charmes. Je la trouve au-dessus de tout éloge. Taille svelte à l’âge tout au plus dey vingt-deux ans, mise avec goût et sans façon, coiffée en cheveux, dont une ombre de poudre tempérait le noir, teint de lis, et de roses, des yeux gais, et parlants qui sous un fier sourcil déclaraient la guerre à tous ceux qui se présentaient pour les conquérir. Toute sa physionomie annonçait l’esprit, et les charmes de la société. Extasié à la contempler je ne voyais pas le cheval qui était devant moi. Quoique distrait, je l’examine cependant, et je le regarde partout contrefaisant le connaisseur, je lui ouvre la bouche, je lui observe les pieds, et les genoux, je le frappe soudain sur le dos, je lui tâte les oreilles, je le fais marcher, trotter, galoper, et je dis au juif que le lendemain matin j’irai en bottes pour le monter. Ce cheval gris pommelé coûtait quarante pistoles de Piémont qui font à peu près cent sequins27. La belle Lia me dit qu’il était la douceur même, et que l’amble qu’il possédait égalait en vitesse le trot de tout autre cheval.

— J’en ai fait, me dit-elle, plusieurs fois l’expérience, et ce cheval m’appartiendrait, si j’étais riche.

— Vous feriez deux heureux, car je suis sûr que depuis que vous l’avez monté il vous aime. Je ne l’achèterai que lorsque je vous aurai vue dessus.

Elle rougit : son père lui dit qu’elle devait me faire ce plaisir ; elle acquiesce : je lui promets d’y aller à neuf heures du matin.

Je lui tiens parole, et je la trouve habillée en courrier28. Quel corps ! Quel caractère de la Vénus Calipiga29 dans ses hanches, dans ses cuisses, et dans ses genoux ! J’étais déjà la victime de la force du prestige. Elle monte comme le plus léger Espagnol ; et je monte sur un autre cheval tout prêt qu’on me présente. Je l’accompagne partout, le cheval allait très bien ; mais je ne pensais qu’à elle. Retournant à sa maison, allant le pas, je lui dis que j’allais acheter le cheval ; mais pour lui en faire présent, et que si elle ne voulait pas l’accepter, elle ne me verrait plus. La seule condition que je lui impose est qu’elle le monterait le matin toutes les fois que je la prierais de me faire ce plaisir. Je lui dis que je m’arrêterais à Turin cinq à six semaines ; que j’étais devenu amoureux d’elle à la promenade, et que l’achat d’un cheval n’avait été qu’un prétexte pour me procurer la douce satisfaction de la voir, et de lui déclarer ma passion. Elle me répond très sensément que l’amitié qu’elle m’avait inspirée la flattait infiniment, et que le généreux présent que je lui faisais n’était pas nécessaire pour m’assurer de la sienne. Que la condition que je lui imposais lui était chère, et qu’elle accepterait avec plaisir le présent que je lui faisais quand même elle ne serait pas sûre que le refusant elle ferait de la peine à son père : elle finit par me prier de lui faire le cadeau du cheval à la présence de son père répétant l’alternative que je ne l’achèterais pas, si elle le refusait.

La chose fut faite ainsi. Son père, qui s’appelait Moyse, trouva ce marché excellent, fit compliment à sa fille, reçut, et me donna quittance des quarante pistoles que je lui ai comptées, et me pria d’aller déjeuner le lendemain avec lui.

] Le lendemain Moyse me reçut avec les marques de la plus grande vénération. La charmante Lia habillée en fille me dit que si je voulais monter à cheval, elle s’habillerait vite comme dans le jour précédent, et je lui ai dit que nous monterions un autre jour ; mais son père, qui pensait toujours à l’argent, me dit que si j’aimais la promenade il pouvait me vendre un fort joli Phaéton30 avec deux chevaux excellents. Sa fille lui dit qu’il devait me le faire voir, et il, part disant qu’il allait faire atteler.

— Je le verrai, dis-je à Lia, mais je ne l’achèterai pas, car je ne saurais qu’en faire.

— Vous iriez vous promener avec la dame que vous aimez.

— Avec vous. Vous n’oseriez pas, peut-être.

— Pourquoi pas, à la campagne, aux environs de Turin.

— Eh bien, je le verrai.

Son père vient dans le Phaéton, je descends avec Lia, et je vois la voiture, et les chevaux ; je trouve le tout très joli. Tout cela, me dit Moyse, ne coûte que quatre cents sequins, et après Pâques celui qui le voudra m’en donnera cinq cents. Nous y montons avec Lia, nous courons un mille, puis nous retournons à la maison. Je dis à Moyse que je lui donnerais réponse le lendemain ; il s’en va, et je remonte avec Lia.

— Tout cela, lui dis-je, vaut bien les quatre cents sequins, et demain je les payerai avec plaisir ; mais sous les mêmes conditions que j’ai acheté le cheval, et avec une autre de plus ; et c’est que vous m’accorderez toutes les faveurs qu’on accorde à l’amour.

— Vous parlez très clairement. Je vous réponds aussi avec la même clarté. Je suis honnête fille ; et je ne me vends pas.

— Sachez, ma belle Lia, que toutes les femmes, honnêtes ou non, se vendent. Quand un homme a le temps il les achète par des soins, et quand il est pressé comme moi il met en usage les présents, et l’or.

— Cet homme est maladroit : il ferait mieux à faire naître l’amour par des soins assidus.

— Ce serait le comble du bonheur ; mais je suis pressé, je vous le répète.

Son père revient, et un moment après je pars lui disant que si je ne pouvais pas venir le jour suivant je viendrais un autre jour, et que nous parlerions alors du Phaéton.

C’était évident que Lia m’avait pris pour un prodigue fait pour être sa dupe. Elle aurait voulu le Phaéton, comme elle avait eu le cheval. De mon côté, je me suis disposé d’avance à perdre cent sequins ; mais ce devait être assez. Je devais suspendre mes visites, et voir comme finirait la chose entre elle, et son père, qui aimant l’argent, devait être fort fâché que Lia ne sût trouver le moyen de me faire acheter la voiture ou se donnant, ou ne se donnant pas à moi, car cela devait lui être égal. J’ai été sûr à la fin de les voir venir.

Ce fut le Samedi que j’ai vu la belle juive à la promenade de la citadelle. On ne vous voit plus, me dit-elle ; ou venez demain matin déjeuner avec moi, ou je vous envoie le cheval. Je lui ai promis d’y aller, et je lui ai tenu parole. Elle me fit déjeuner avec sa tante, qui n’était là que pour la décence, et après le déjeuner elle s’habilla en courrier à ma présence ; mais la tante se tenant toujours là. Elle laissa tomber ses jupes, ayant déjà des culottes, puis elle ôta son corset, et se mit une veste, et pour lors elle me laissa voir quelque chose que j’ai fait semblant de ne pas voir ; mais elle était sûre de son fait. Elle me pria de lui arranger son jabot, et à cette occasion j’ai touchéz ce qui jusqu’à ce moment-là n’avait intéressé que ma vue. J’ai connu qu’elle avait un projet, et que ma bravoure ne dépendait que de le déjouer. J’espérais la victoireaa.

Son père arriva dans le moment que nous montions à cheval, [115v] il me dit que si je voulais acheter le Phaéton, et les chevaux, il me donnerait le tout pour vingt sequins de moins. Je lui ai répondu que sa fille était la maîtresse de me faire faire tout ce qu’elle voulait à notre retour de la promenade.

Nous partons au pas, et elle me dit qu’ayant dit à son père qu’elle était la maîtresse de me faire acheter la voiture, et les chevaux, je devais l’acheter pour ne pas la brouiller avec lui.

— Achetez le tout, me dit-elle, et réservez-vous à m’en faire présent quand vous deviendrez convaincu que je vous aime. Je vous promets que nous irons nous promener ensemble tout seuls quand vous voudrez ; sans cependant descendre nulle part ; mais je crois que vous ne vous en souciez plus : votre inclination ne fut qu’un caprice passager.

— Pour vous convaincre que le mien31 n’a pas été un caprice, j’achèterai le Phaéton, et je le ferai mettre dans une remise à Turin, et je garderai les chevaux dans une écurie sans m’en servir ; mais siab dans l’espace de huit joursac vous ne me rendez pas heureux, je le vendrai.

— Venez demain.

— Je viendrai ; mais je veux ce matin un gage de tendresse.

— Ce matin ? Je ne saurais.

— Je monterai avec vous, et en vous rhabillant en fille, vous pourrez me faire des grâcesad.

De retour chez elle, nous descendons, et elle m’étonne disant à son père que le Phaéton était à moi, et qu’il n’avait qu’à faire atteler. Le juif rit, il monte avec nous, et Lia d’un air sûr me dit de compter l’argent.

— Je ne l’ai pas sur moi ; mais je peux vous donner un billet.

— Voici plume, et papier.

Je n’hésite pas à écrire au banquier Zappata32 de payer à vue 380 sequins33. Le juif part pour aller les recevoir, et Lia reste seule avec moi.

— Vous fiant à moi, me dit-elle, vous vous êtes rendu digne de mon cœur.

— Vite donc : déshabillez-vous.

— Non. J’ai une tante dans la maison : elle pourrait entrer ; et je n’ose pas fermer la porte. Vous serez content de moi demain. Je vais cependant me déshabiller ; mais retirez-vous dans ce cabinet. Vous en sortirez d’abord que je me serai rhabillée en fille.

J’y consens, et elle m’y enferme. Regardant la porte du bas en haut j’aperçois une fente élevée entre les deux battants : je monte sur un tabouret, et je vois toute la chambre, et Lia assise devant moi sur un sopha qui travaille d’abord à se déshabiller. Elle changea de chemise, elle se déchaussa, elle nettoya ses pieds, elle s’examina un orteil, elle ôta ses culottes, un bouton tomba, et elle se courba pour le retirer de dessous le canapé : elle ne pouvait se rassasier de me faire des postures, et je me tenais pour sûr qu’elle savait que j’étais à la fente. Je n’ai pas pu m’empêcher de me manstuprer34.

Quand elle fut habillée, elle ouvrit la porte, je saute à son cou, je lui dis que j’avais tout vu, elle n’y consent pas, je veux user de mes droits, elle s’oppose, et son père est de retour me remerciant, me disant que j’étais le maître de toute sa maison, et il me donne quittance de 380 sequins. [116v] Je pars fâché, et je vais chez moi dans la rue du Pô en Phaéton. Je le place dans ma remise, et je fais mettre les chevaux dans l’écurie gardant le cocher. Je pensais à ne plus voir Lia. Elle m’avait plu dans ses postures ; mais le plaisir qu’elle m’avait fait n’était venu que d’une irritation que l’amour devait abhorrer. Elle l’avait forcé à être voleur, et l’enfant affamé y avait consenti ; mais quand après le fait, il se crut en droit d’exiger la même nourriture de bon gré, et qu’on la lui refusa le mépris occupa la place de l’estime. Lia n’a pas voulu s’avouer put…, et mon amour ne voulut pas se déclarer fripon.

J’ai fait connaissance avec un aimable chevalier, homme de lettres, militaire, grand amateur de chevaux, qui n’avait autre défaut que celui du maquignonnage. Il me fit faire plusieurs belles connaissances, que cependant je n’ai pas suivies parce qu’elles ne pouvaient m’engager que du côté du sentiment : je voulais jouir, et payer des gros plaisirs argent comptant. Le chevalier de Brezé35 n’était pas l’homme qu’il me fallait. Il m’acheta mon Phaéton, et les chevaux trente sequins moins de ce qu’ils me coûtaient, et il partit pour la campagne. Un Monsieur Baretti36 qui m’avait connu à Aix en Savoye, et qui servait de croupier au marquis de Prié me mena chez la Mazzoli37 ci-devant danseuse, et alors entretenue par le chevalier Raiberti38 homme froid, et très honnête, qui tenait alors le département des affaires étrangères. Cette Mazzoli qui n’était pas jolie me faisait venir chez elle des filles, mais je n’en ai pas trouvé une seule faite pour remplacer Lia, que je croyais de ne plus aimer. Je me trompais.

Le chevalier Coconà, qui dans ce moment-là avait la V….., me céda sa maîtresse : c’était une couturière que malgré tout ce qu’elle me dit je n’ai jamais osé toucher. Au bout de huit jours j’ai cessé de la voir. Le comte Trana son frère39, connaissance de Aix aussi, me présenta à Madame de Sc.40, qui voulut m’engager à une démarche criminelle. Mon bon Génie m’en garantit. Le comte Trana se justifia. Peu de temps après son oncle mourut, et il devint riche. Il se maria, et il devint malheureux.

Je m’ennuyais ; et Des-armoises, qui mangeait toujours chez moi, n’y trouvait pas son compte. Je pensais d’aller à Milan. Il me conseilla à faire connaissance avec une Française marchande de modes célèbre à Turin appelée la R. Elle avait à son service sept à huit filles qu’elle faisait travailler dans une salle contiguë à sa boutique. Il croyait que sachant m’y prendre je pourrais m’en approprier quelqu’une. Ayant de l’argent je n’ai pas cru cela difficile. Je suis allé dans la boutique de la R pour acheter des blondes noires41, que je voulais envoyer à Venise. Je fus surpris en entrant de voir Lia qui marchandait devant une quantité de choses qu’elle avait choisies, et dont elle trouvait le prix trop cher. Elle me dit avec un air de reproche, mais obligeant qu’elle me croyait malade : je lui ai répondu que j’avais été occupé. Elle me plut. Je lui ai dit qu’elle me verrait le lendemain. Elle m’invita [117v] à une noce juive, où je trouverais, me dit-elle, grande compagnie. Je savais que c’était amusant, et je lui ai promis d’y aller. Lia après avoir beaucoup marchandé, et ne s’être pas accommodéeae, partit, et la R allait remettre à leur place tous les brimborions42 quand je lui ai dit que j’achetais tout cela pour moi-même. Elle fit un sourire, je lui ai compté son argent, et elle me demanda où je logeais, et à quelle heure elle devait m’envoyer mes marchandises.

— Vous pourriez, madame, me faire l’honneur de venir déjeuner demain chez moi à neuf heures, et me les porter.

— Je ne peux pas, monsieur, quitter ma boutique.

— Par qui donc m’enverrez-vous tout cela ?

La R, malgré ses trente-cinq ans, me donna une envie d’elle. Je lui ai dit que je voulais des blondes noires. Elle ouvrit une porte, et elle me dit de la suivre. Je fus surpris voyant sept à huit filles toutes jolies attentives à travailler, qui me regardèrent à peine. La R ouvre plusieurs armoires, et tire des blondes magnifiques. Distrait à contempler ces filles, je lui dis que j’en voulais pour faire deux baoûtes43 à la vénitienne. Elle savait ce que c’était.afC’était à Venise un article du plus grand luxe. Ces blondes me coûtèrent au-delà de cent sequins. Elle dit à deux de ses filles qu’elles me les porteraient le lendemain avec tout ce que j’avais acheté, et que Lia n’avait pas voulu. — Oui Maman.

Elles se lèvent, et je les trouve charmantes. Je retourne avec la R dans sa boutique, et m’asseyant à son comptoir je fais l’éloge de la beauté de ces écolières ; mais je lui dis, ce n’était pas vrai, que jeag l’aurais préférée à toutes. Elle me remercie, me disant clair et net qu’elle avait un amant, et elle me l’annonce sur-le-champ.

Je vois entrer le comte S. Giles. C’était un vieux homme, qui absolument ne pouvait plus compter sur la galanterie. J’ai cru que la R m’en avait imposé ; mais j’ai su le lendemain qu’elle m’avait dit la pure vérité. Je l’avais connu au café du change44, je l’ai laissé avec sa belle après lui avoir tiré la révérence.

Le lendemain les jolies filles vinrent, et j’ai ordonné du chocolat, mais elles le refusèrent. Après m’avoir consigné mes marchandises elles voulaient s’en aller ; mais le caprice me vint de les charger de porter à Lia tout ce qu’elle avait choisi, et de retourner après pour me dire comment elle avait reçu le cadeau. Elles s’en chargèrent, et attendirent que je lui eusse écrit un billet. Il me fut impossible de donner à ces deux filles la moindre marque de ma tendresse ; car je n’avais pas osé fermer ma porte, et la maîtresse avec les laides filles de la maison sous cent prétextes ne faisaient qu’aller, et venir. Mais à leur retour, je les ai attendues au bas de l’escalier, et après leur avoir donné une pistole d’or45 je leur ai dit qu’il ne tenait qu’à elles de s’emparer de mon cœur. Elles me dirent que Lia avait agréé le beau présent, et qu’elle m’attendait.

Dans l’après-dîner je passe par-devant la boutique de la R, elle était seule, elle m’appelle et je vais m’asseoir à son comptoir avec plaisir. Elle me remercia d’avoir été généreux envers ses filles, et elle me demande, si j’étais bien amoureux de la belle juive. Je lui dis franchement que je l’aimais ; mais que n’étant pas heureux j’avais pris mon parti : elle m’applaudit me disant que c’était une friponne qui ne pensait qu’à attraper tous ceux qui se laissaient séduire par [118v] ses charmes.

— C’est peut-être aussi la maxime de vos charmantes filles.

— Mes filles ne sont complaisantes que quand je leur dis qu’elles peuvent l’être.

— Je me recommande donc à vos bontés, car elles ne voulurent accepter pas seulement une tasse de chocolat.

— Elles doivent se régler ainsi : vous ne connaissez pas Turin. Vous trouvez-vous bien logé là où vous êtes ?

— Très bien.

— Y êtes-vous avec toute votre liberté ? Pouvez-vous donner à souper à qui vous voulez, et faire tout ce qu’il vous plaît dans vos chambres : je suis sûre que non.

— Jusqu’à présent je n’ai pas eu l’occasion d’en faire l’expérience ; mais je crois…..

— Ne vous flattez de rien. C’est une maison d’espions de police.

— Vous croyez donc que je ne pourrais pas vous prier à souper avec une ou deux de vos écolières.

— Je me garderais bien d’y aller. Tout Turin le saurait, et on dirait ce qui ne serait pas.

— Et si j’allais me loger ailleurs ?

— Partout la même chose ; mais je connais une maison où vous pourriez vivre comme vous voudriez, et où mes filles même avec des ménagements pourraient aller porter chez vous tout ce que vous achèteriez chez moi.

— Où est cette maison ? Je ferai tout ce que vous me direz de faire.

Après m’avoir dit que je ne devais me confier à aucun Piémontais, elle m’indiqua une petite maison toute meublée, où ne demeurait que le vieux concierge, et sa femme. Elle me dit qu’on me la louerait à mois46, et que payant d’avance on ne me demanderait pas même mon nom. La maison était à deux cents pas de la citadelle la dernière dans une rue solitaire, qui avait une porte de derrière qui donnait dans la campagne, et où je pouvais entrer même en voiture.

J’y fus sur-le-champ, j’ai trouvé le tout conforme à ce qu’elle me dit, je l’ai louée pour un mois, et pas plus tard que le lendemain j’y ai couché. La R admira ma célérité.

Le lendemain je fus à la noce où Lia m’avait invité, où je me suis amusé ; mais j’ai résisté à tout l’art qu’elle a employé pour me mettre de nouveau dans ses filets. J’ai cependant loué de son père une voiture fermée que j’ai fait aller chez moi plaçant les chevaux dans mon écurie : je me suis ainsi trouvé le maître d’aller où bon me semblerait, et d’entrer et sortir à toute heure. J’étais absolument comme hors de la ville. J’ai dû indiquer mon nouveau logement au toujours trop curieux abbé Gama, et j’ai cru d’avoir les meilleures raisons pour ne rien cacher à Desarmoises que le besoin tenait dans mon entière dépendance ; mais malgré cela ma porte était fermée à tout le monde à moins que je ne donnasse l’ordre de l’ouvrir à ceux que j’attendais. Je ne pouvais pas douter de la fidélité de Costa, et de l’Espagnol.

Dans cette heureuse maison j’ai eu une à la fois ; mais toujours accompagnée d’une autre, toutes les filles de la R, dont la dernière, qui s’appelait Victorine, était barrée, et elle n’en savait rien. La R, qui n’en savait rien non plus, me l’avait donnée pour pucelle, et j’ai dû la croire telle deux heures de suite espérant toujours d’en venir à bout ; mais enfin épuisé de fatigue, j’ai voulu voir ce que c’était, tenant un flambeau à la main. J’ai vu la membrane charnue percée d’un trou si petit que laah pomme d’une épingle y serait entrée difficilement. Victorine même m’encouragea à y introduire [119v] de force mon petit doigt, mais en vain. L’effort ne lui faisait ressentir la moindre douleur ; mais ce qui s’opposait n’était que de la chair. C’était l’extrémité extérieure de son vagin que la nature par un simple hasard lui avait fait impénétrable. Victorine par là était condamnée à mourir vierge à moins qu’un docte chirurgien ne lui fît l’opération qu’on connaissait : la même qu’on fit à mademoiselle Cheruffini47 peu de temps après que M. Lepri l’épousa. Ton petit dieu Hymen, lui dis-je, défie l’amour le plus vigoureux à se placer sur son autel. La bonne fille pleura.

Quand j’ai conté cette histoire à la R, elle rit, et elle me dit que Victorine par là pourrait faire sa fortune. Celui qui la fit débarrer quelques années après fut le comte de la Pérouse48. À mon retour d’Espagne je l’ai [vue]ai grosse.

Le jeudi saint de grand matin j’ai vu chez moi Moïse avec sa fille Lia. Je ne m’y attendais pas. Je leur ai fait grand accueil. Dans nos jours saints ils n’osaient pas se montrer par Turin49. Je les ai conseillés de les passer chez moi, et j’ai connu que je n’aurais pas grande peine à les persuader quand j’ai vu le fripon me présenter une bague qu’il voulait me vendre. Je lui ai dit que je pourrais l’acheter de sa fille, et il espéra que je lui en ferais présent ; mais je l’ai trompé. Je les ai engagés à dîner, et à souper avec moi, et je leur ai donné une chambre à deux lits, où ils dormirent très bien.

Le lendemain voyant que je n’avais pas encore acheté la bague, et ayant des affaires il me demanda la voiture pour toute la journée me disant qu’il retournerait vers le soir au commencement de son Samedi pour retourner chez lui avec sa fille. Après son départ j’ai acheté la bague pour six cents sequins50 ; mais avec les conditions que j’ai vouluesaj, et étant chez moi, Lia n’a pas pu me tromper. Elle ne me refusa rien ; et son père le soir se trouva aussi content que moi ; mais non pas Lia qui s’attendait qu’au moment de son départ je lui ferais présent. Je lui ai dit que je la lui porterais en personne. Le matin de la seconde fête, un homme me remit un billet qui me citait à la police51.

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