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2.

Sidi-bel-Abbes. La caserne de la Légion étrangère. Près de lasalle des rapports, une petite pièce basse où un adjudant fume etlit son journal.

À côté de lui, près de la fenêtre ouverte sur la cour, deuxgrands diables de sous-offs jargonnent un français rauque, mêléd’expressions germaniques.

La porte s’ouvrit. Quelqu’un entra. C’était un homme mince, detaille moyenne, élégamment vêtu.

L’adjudant se leva, de mauvaise humeur contre l’intrus, etgrogna :

– Ah ! ça, que fiche donc le planton de garde ? Etvous, monsieur, que voulez-vous ?

– Du service.

Cela fut dit nettement, impérieusement.

Les deux sous-offs eurent un rire niais. L’homme les regarda detravers.

– En deux mots, vous voulez vous engager à la Légion ?demanda l’adjudant.

– Oui, je le veux, mais à une condition.

– Des conditions, fichtre ! Et laquelle ?

– C’est de ne pas moisir ici. Il y a une compagnie qui part pourle Maroc. J’en suis.

L’un des sous-offs ricana de nouveau, et on l’entendit quidisait :

– Les Marocains vont passer un fichu quart d’heure. Monsieurs’engage…

– Silence ! cria l’homme, je n’aime pas qu’on se moque demoi.

Le ton était sec et autoritaire.

Le sous-off, un géant, l’air d’une brute, riposta :

– Eh ! le bleu, faudrait me parler autrement… Sansquoi…

– Sans quoi ?

– On verrait comment je m’appelle…

L’homme s’approcha de lui, le saisit par la taille, le fitbasculer sur le rebord de la fenêtre et le jeta dans la cour. Puisil dit à l’autre :

– À ton tour. Va-t’en.

L’autre s’en alla.

L’homme revint aussitôt vers l’adjudant et lui dit :

– Mon lieutenant, je vous prie de prévenir le major que don LuisPerenna, grand d’Espagne et Français de cœur, désire prendre duservice dans la Légion étrangère. Allez, mon ami.

L’autre ne bougeait pas, confondu.

– Allez, mon ami, et tout de suite, je n’ai pas de temps àperdre.

L’adjudant se leva, considéra d’un œil ahuri ce stupéfiantpersonnage, et, le plus docilement du monde, sortit.

Alors, Lupin prit une cigarette, l’alluma et, à haute voix, touten s’asseyant à la place de l’adjudant, il précisa :

– Puisque la mer n’a pas voulu de moi, ou plutôt puisque, audernier moment, je n’ai pas voulu de la mer, nous allons voir siles balles des Marocains sont plus compatissantes. Et puis, tout demême, ce sera plus chic… Face à l’ennemi, Lupin, et pour laFrance !

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