813

Chapitre 2M. Lenormand commence ses opérations

1.

– Auguste, faites entrer M. Lenormand.

L’huissier sortit et quelques secondes plus tard introduisit lechef de la Sûreté. Il y avait, dans le vaste cabinet du ministèrede la place Beauvau, trois personnes : le fameux Valenglay, leaderdu parti radical depuis trente ans, actuellement président duConseil et ministre de l’Intérieur ; M. Testard, Procureurgénéral, et le Préfet de police Delaume.

Le Préfet de police et le Procureur général ne quittèrent pasles chaises où ils avaient pris place pendant la longueconversation qu’ils venaient d’avoir avec le président du Conseil,mais celui-ci se leva, et, serrant la main du chef de la Sûreté,lui dit du ton le plus cordial :

– Je ne doute pas, mon cher Lenormand, que vous ne sachiez laraison pour laquelle je vous ai prié de venir ?

– L’affaire Kesselbach ?

– Oui.

L’affaire Kesselbach ! Il n’est personne qui ne serappelle, non seulement cette tragique affaire Kesselbach dont j’aientrepris de débrouiller l’écheveau complexe, mais encore lesmoindres péripéties du drame qui nous passionna tous, deux ansavant la guerre. Et personne non plus qui ne se souvienne del’extraordinaire émotion qu’elle souleva en France et hors deFrance. Et cependant, plus encore que ce triple meurtre accomplidans des circonstances si mystérieuses, plus encore que l’atrocitédétestable de cette boucherie, plus encore que tout, il est unechose qui bouleversa le public, ce fut la réapparition, on peutdire la résurrection d’Arsène Lupin.

Arsène Lupin ! Nul n’avait plus entendu parler de luidepuis quatre ans, depuis son incroyable, sa stupéfiante aventurede l’Aiguille creuse, depuis le jour où, sous les yeux de HerlockSholmès et d’Isidore Beautrelet, il s’était enfui dans lesténèbres, emportant sur son dos le cadavre de celle qu’il aimait,et suivi de sa vieille nourrice Victoire.

Depuis ce jour-là, généralement, on le croyait mort. C’était laversion de la police, qui, ne retrouvant aucune trace de sonadversaire, l’enterrait purement et simplement.

D’aucuns, pourtant, le supposant sauvé, lui attribuaientl’existence paisible d’un bon bourgeois, qui cultive son jardinentre son épouse et ses enfants ; tandis que d’autresprétendaient que, courbé sous le poids du chagrin, et las desvanités de ce monde, il s’était cloîtré dans un couvent detrappistes.

Et voilà qu’il surgissait de nouveau ! Voilà qu’ilreprenait sa lutte sans merci contre la société ! Arsène Lupinredevenait Arsène Lupin, le fantaisiste, l’intangible, ledéconcertant, l’audacieux, le génial Arsène Lupin.

Mais cette fois un cri d’horreur s’éleva. Arsène Lupin avaittué ! et la sauvagerie, la cruauté, le cynisme implacable duforfait étaient tels que, du coup, la légende du héros sympathique,de l’aventurier chevaleresque et, au besoin, sentimental, fit placeà une vision nouvelle de monstre inhumain, sanguinaire et féroce.La foule exécra et redouta son ancienne idole, avec d’autant plusde violence qu’elle l’avait admirée naguère pour sa grâce légère etsa bonne humeur amusante.

Et l’indignation de cette foule apeurée se tourna dès lorscontre la police. Jadis, on avait ri. On pardonnait au commissairerossé, pour la façon comique dont il se laissait rosser. Mais laplaisanterie avait trop duré, et, dans un élan de révolte et defureur, on demandait compte à l’autorité des crimes inqualifia-blesqu’elle était impuissante à prévenir.

Ce fut, dans les journaux, dans les réunions publiques, dans larue, à la tribune même de la Chambre, une telle explosion de colèreque le Gouvernement s’émut et chercha par tous les moyens à calmerla surexcitation publique. Valenglay, le président du Conseil,avait précisément un goût très vif pour toutes les questions depolice, et s’était plu souvent à suivre de près certaines affairesavec le chef de la Sûreté dont il prisait les qualités et lecaractère indépendant. Il convoqua dans son cabinet le Préfet et leProcureur général, avec lesquels il s’entretint, puis M.Lenormand.

– Oui, mon cher Lenormand, il s’agit de l’affaire Kesselbach.Mais avant d’en parler, j’attire votre attention sur un point… surun point qui tracasse particulièrement M. le Préfet de police.Monsieur Delaume, voulez-vous expliquer à M. Lenormand ?

– Oh ! M. Lenormand sait parfaitement à quoi s’en tenir àce sujet, répliqua le Préfet d’un ton qui indiquait peu debienveillance pour son subordonné ; nous en avons causé tousdeux ; je lui ai dit ma façon de penser sur sa conduiteincorrecte au Palace-Hôtel. D’une façon générale, on estindigné.

M. Lenormand se leva, sortit de sa poche un papier qu’il déposasur la table.

– Qu’est ceci ? demanda Valenglay.

– Ma décision, monsieur le Président.

Valenglay bondit.

– Quoi ! Votre démission ? Pour une observationbénigne que M. le Préfet vous adresse et à laquelle il n’attribued’ailleurs aucune espèce d’importance n’est-ce pas, Delaume, aucuneespèce d’importance ? Et voilà que vous prenez lamouche ! Vous avouerez, mon bon Lenormand, que vous avez unfichu caractère. Allons, rentrez-moi ce chiffon de papier etparlons sérieusement.

Le chef de la Sûreté se rassit, et Valenglay, imposant lesilence au Préfet qui ne cachait pas son mécontentement, prononça:

– En deux mots, Lenormand, voici la chose : la rentrée en scènede Lupin nous embête. Assez longtemps cet animal-là s’est fichu denous. C’était drôle, je le confesse, et, pour ma part, j’étais lepremier à en rire. Il s’agit maintenant de crimes. Nous pouvionssubir Arsène Lupin tant qu’il amusait la galerie. S’il tue,non.

– Et alors, monsieur le Président, que medemandez-vous ?

– Ce que nous demandons ? Oh ! c’est bien simple.D’abord son arrestation, ensuite sa tête.

– Son arrestation, je puis vous la promettre pour un jour oul’autre. Sa tête, non.

– Comment ! Si on l’arrête, c’est la cour d’assises, lacondamnation inévitable et l’échafaud.

– Non.

– Et pourquoi non ?

– Parce que Lupin n’a pas tué.

– Hein ? Mais vous êtes fou, Lenormand. Et les cadavres duPalace Hôtel, c’est une fable, peut-être ! Il n’y a pas eutriple assassinat ?

– Oui, mais ce n’est pas Lupin qui l’a commis.

Le chef articula ces mots très posément, avec une tranquillitéet une conviction impressionnantes.

Le Procureur et le Préfet protestèrent. Mais Valenglay reprit:

– Je suppose, Lenormand, que vous n’avancez pas cette hypothèsesans de sérieux motifs ?

– Ce n’est pas une hypothèse.

– La preuve ?

– Il en est deux, d’abord, deux preuves de nature morale, quej’ai sur-le-champ exposées à M. le juge d’instruction et que lesjournaux ont soulignées. Avant tout. Lupin ne tue pas. Ensuite,pourquoi aurait-il tué puisque le but de son expédition, le vol,était accompli, et qu’il n’avait rien à craindre d’un adversaireattaché et bâillonné ?

– Soit. Mais les faits ?

– Les faits ne valent pas contre la raison et la logique, etpuis les faits sont encore pour moi. Que signifierait la présencede Lupin dans la chambre où l’on a trouvé l’étui àcigarettes ? D’autre part, les vêtements noirs que l’on atrouvés, et qui étaient évidemment ceux du meurtrier, ne concordentnullement, comme taille, avec ceux d’Arsène Lupin.

– Vous le connaissez donc, vous ?

– Moi, non. Mais Edwards l’a vu, Gourel l’a vu, et celui qu’ilsont vu n’est pas celui que la femme de chambre a vu dans l’escalierde service, entraînant Chapman par la main.

– Alors, votre système ?

– Vous voulez dire « la vérité », monsieur le Président. Lavoici, ou du moins, ce que je sais de la vérité. Mardi le 16 avril,un individu Lupin a fait irruption dans la chambre de M.Kesselbach, vers deux heures de l’après-midi Un éclat de rireinterrompit M. Lenormand. C’était le Préfet de police.

– Laissez-moi vous dire, monsieur Lenormand, que vous précisezavec une hâte un peu excessive. Il est prouvé que, à trois heures,ce jour-là, M. Kesselbach est entré au Crédit Lyonnais et qu’il estdescendu dans la salle des coffres. Sa signature sur le registre entémoigne.

M. Lenormand attendit respectueusement que son supérieur eûtfini de parler. Puis, sans même se donner la peine de répondredirectement à l’attaque, il continua :

– Vers deux heures de l’après-midi, Lupin, aidé d’un complice,un nommé Marco, a ligoté M. Kesselbach, l’a dépouillé de toutl’argent liquide qu’il avait sur lui, et l’a contraint à révéler lechiffre de son coffre du Crédit Lyonnais. Aussitôt le secret connu,Marco est parti. Il a rejoint un deuxième complice, lequel,profitant d’une certaine ressemblance avec M. Kesselbach –ressemblance, d’ailleurs, qu’il accentua ce jour-là en portant deshabits semblables à ceux de M. Kesselbach, et en se munissant delunettes d’or -, entra au Crédit Lyonnais, imita la signature de M.Kesselbach, vida le coffre et s’en retourna, accompagné de Marco.Celui-ci, aussitôt, téléphona à Lupin. Lupin, sûr alors que M.Kesselbach ne l’avait pas trompé, et le but de son expédition étantrempli, s’en alla.

Valenglay semblait hésitant.

– Oui… oui admettons Mais ce qui m’étonne, c’est qu’un hommecomme Lupin ait risqué si gros pour un si piètre bénéfice… quelquesbillets de banque et le contenu, toujours hypothétique, d’uncoffre-fort.

– Lupin convoitait davantage. Il voulait, ou bien l’enveloppe enmaroquin qui se trouvait dans le sac de voyage, ou bien la cassetteen ébène qui se trouvait dans le coffre-fort. Cette cassette, ill’a eue, puisqu’il l’a renvoyée vide. Donc, aujourd’hui, ilconnaît, ou il est en voie de connaître le fameux projet queformait M. Kesselbach et dont il entretenait son secrétairequelques instants avant sa mort.

– Quel est ce projet ?

– Je ne sais pas. Le directeur de l’agence, Barbareux, auquel ils’en était ouvert, m’a dit que M. Kesselbach recherchait unindividu, un déclassé, paraît-il, nommé Pierre Leduc. Pour quelleraison cette recherche ? Et par quels liens peut-on larattacher à son projet ? Je ne saurais le dire.

– Soit, conclut Valenglay. Voilà pour Arsène Lupin. Son rôle estfini. M. Kesselbach est ligoté, dépouillé mais vivant ! Que sepasse-t-il jusqu’au moment où on le retrouve mort ?

– Rien, pendant des heures ; rien jusqu’à la nuit. Mais aucours de la nuit quelqu’un est entré.

– Par où ?

– Par la chambre 420, une des chambres qu’avait retenues M.Kesselbach. L’individu possédait évidemment une fausse clef.

– Mais, s’écria le Préfet de police, entre cette chambre etl’appartement, toutes les portes étaient verrouillées et il y en acinq !

– Restait le balcon.

– Le balcon !

– Oui, c’est le même pour tout l’étage, sur la rue de Judée.

– Et les séparations ?

– Un homme agile peut les franchir. Le nôtre les a franchies.J’ai relevé les traces.

– Mais toutes les fenêtres de l’appartement étaient closes, eton a constaté, après le crime, qu’elles l’étaient encore.

– Sauf une, celle du secrétaire Chapman, laquelle n’était quepoussée, j’en ai fait l’épreuve moi-même.

Cette fois le président du Conseil parut quelque peu ébranlé,tellement la version de M. Lenormand semblait logique, serrée,étayée de faits solides.

Il demanda avec un intérêt croissant :

– Mais cet homme, dans quel but venait-il ?

– Je ne sais pas.

– Ah ! vous ne savez pas…

– Non, pas plus que je ne sais son nom.

– Mais pour quelle raison a-t-il tué ?

– Je ne sais pas. Tout au plus a-t-on le droit de supposer qu’iln’était pas venu dans l’intention de tuer, mais dans l’intention,lui aussi, de prendre les documents contenus dans l’enveloppe demaroquin et dans la cassette, et que, placé par le hasard en faced’un ennemi réduit à l’impuissance, il l’a tué. Valenglay murmura:

– Cela se peut oui, à la rigueur… Et, selon vous, trouva-t-illes documents ?

– Il ne trouva pas la cassette, puisqu’elle n’était pas là, maisil trouva, au fond du sac de voyage, l’enveloppe de maroquin noir.De sorte que Lupin et l’autre en sont au même point tous les deux :tous les deux ils savent, sur le projet de Kesselbach, les mêmeschoses.

– C’est-à-dire, nota le Président, qu’ils vont se combattre.

– Justement. Et la lutte a déjà commencé. L’assassin, trouvantune carte d’Arsène Lupin, l’épingla sur le cadavre. Toutes lesapparences seraient ainsi contre Arsène Lupin Donc, Arsène Lupinserait le meurtrier.

– En effet… en effet, déclara Valenglay, le calcul ne manquaitpas de justesse.

– Et le stratagème aurait réussi, continua M. Lenormand, si, parsuite d’un autre hasard, défavorable celui-là, l’assassin, soit àl’aller, soit au retour, n’avait perdu, dans la chambre 420, sonétui à cigarettes, et si le garçon d’hôtel, Gustave Beudot, ne l’yavait ramassé. Dès lors, se sachant découvert ou sur le point del’être…

– Comment le savait-il ?

– Comment ? Mais par le juge d’instruction Formerielui-même. L’enquête a eu lieu toutes portes ouvertes ! Il estcertain que le meurtrier se cachait parmi les assistants, employésd’hôtel ou journalistes, lorsque le juge d’instruction envoyaGustave Beudot dans sa mansarde chercher l’étui à cigarettes.Beudot monta. L’individu le suivit et frappa. Seconde victime.

Personne ne protestait plus. Le drame se reconstituait,saisissant de réalité et d’exactitude vraisemblable.

– Et la troisième ? fit Valenglay.

– Celle-là s’offrit elle-même aux coups. Ne voyant pas revenirBeudot, Chapman, curieux d’examiner lui-même cet étui à cigarettes,partit avec le directeur de l’hôtel. Surpris par le meurtrier, ilfut entraîné par lui, conduit dans une des chambres, et, à sontour, assassiné.

– Mais pourquoi se laissa-t-il ainsi entraîner et diriger par unhomme qu’il savait être l’assassin de M. Kesselbach et de GustaveBeudot ?

– Je ne sais pas, pas plus que je ne connais la chambre où lecrime fut commis, pas plus que je ne devine la façon vraimentmiraculeuse dont le coupable s’échappa.

– On a parlé, demanda M. Valenglay, de deux étiquettesbleues ?

– Oui, l’une trouvée sur la cassette que Lupin a renvoyée,l’autre trouvée par moi et provenant sans doute de l’enveloppe enmaroquin que l’assassin avait volée.

– Eh bien ?

– Eh bien ! pour moi, elles ne signifient rien. Ce quisignifie quelque chose, c’est ce chiffre 813 que M. Kesselbachinscrivit sur chacune d’elles : on a reconnu son écriture.

– Et ce chiffre 813 ?

– Mystère.

– Alors ?

– Alors, je dois vous répondre une fois de plus que je n’en saisrien.

– Vous n’avez pas de soupçons ?

– Aucun. Deux hommes à moi habitent une des chambres duPalace-Hôtel, à l’étage où l’on a retrouvé le cadavre de Chapman.Par eux, je fais surveiller toutes les personnes de l’hôtel. Lecoupable n’est pas au nombre de celles qui sont parties.

– N’a-t-on pas téléphoné pendant le massacre ?

– Oui. De la ville quelqu’un a téléphoné au major Parbury, unedes quatre personnes qui habitaient le couloir du premierétage.

– Et ce major ?

– Je le fais surveiller par mes hommes ; jusqu’ici, on n’arien relevé contre lui.

– Et dans quel sens allez-vous chercher ?

– Oh ! dans un sens très précis. Pour moi, l’assassincompte parmi les amis ou les relations du ménage Kesselbach. Ilsuivait leur piste, il connaissait leurs habitudes, la raison pourlaquelle M. Kesselbach était à Paris, et il soupçonnait tout aumoins l’importance de ses desseins.

– Ce ne serait donc pas un professionnel du crime ?

– Non, non ! mille fois non. Le crime fut exécuté avec unehabileté et une audace inouïes, mais il fut commandé par lescirconstances. Je le répète, c’est dans l’entourage de M. et MmeKesselbach qu’il faut chercher. Et la preuve, c’est que l’assassinde M. Kesselbach n’a tué Gustave Beudot que parce que le garçond’hôtel possédait l’étui à cigarettes, et Chapman que parce que lesecrétaire en connaissait l’existence. Rappelez-vous l’émotion deChapman : sur la description seule de l’étui à cigarettes, Chapmana eu l’intuition du drame. S’il avait vu l’étui à cigarettes, nousétions renseignés. L’inconnu ne s’y est pas trompé ; il asupprimé Chapman. Et nous ne savons rien, que ses initiales L etM.

Il réfléchit et prononça :

– Encore une preuve qui est une réponse à l’une de vosquestions, monsieur le Président. Croyez-vous que Chapman eût suivicet homme à travers les couloirs et les escaliers de l’hôtel, s’ilne l’avait déjà connu ? Les faits s’accumulaient. La vérité,ou du moins la vérité probable, se fortifiait. Bien des points, lesplus intéressants peut-être, demeuraient obscurs. Mais quellelumière ! À défaut des motifs qui les avaient inspirés, commeon apercevait clairement la série des actes accomplis en cettetragique matinée !

Il y eut un silence. Chacun méditait, cherchait des arguments,des objections. Enfin, Valenglay s’écria :

– Mon cher Lenormand, tout cela est parfait… Vous m’avezconvaincu… Mais, au fond, nous n’en sommes pas plus avancés pourcela.

– Comment ?

– Mais oui. Le but de notre réunion n’est pas du tout dedéchiffrer une partie de l’énigme, que, un jour ou l’autre, je n’endoute pas, vous déchiffrerez tout entière, mais de donnersatisfaction, dans la plus large mesure possible, aux exigences dupublic. Or, que le meurtrier soit Lupin ou non, qu’il y ait deuxcoupables, ou bien trois, ou bien un seul, cela ne nous donne ni lenom du coupable ni son arrestation. Et le public a toujours cetteimpression désastreuse que la justice est impuissante.

– Qu’y puis-je faire ?

– Précisément, donner au public la satisfaction qu’ildemande.

– Mais il me semble que ces explications suffiraient déjà…

– Des mots ! Il veut des actes. Une seule chose lecontenterait : une arrestation.

– Diable ! diable ! Nous ne pouvons pourtant pasarrêter le premier venu.

– Ça vaudrait mieux que de n’arrêter personne, fit Valenglay enriant… Voyons, cherchez bien… Êtes-vous sûr d’Edwards, ledomestique de Kesselbach ?

– Absolument sûr… Et puis, non, monsieur le Président, ce seraitdangereux, ridicule et je suis persuadé que M. le Procureur générallui-même… Il n’y a que deux individus que nous avons le droitd’arrêter : l’assassin… je ne le connais pas… et Arsène Lupin.

– Eh bien ?

– On n’arrête pas Arsène Lupin ou du moins il faut du temps, unensemble de mesures que je n’ai pas encore eu le loisir decombiner, puisque je croyais Lupin rangé ou mort.

Valenglay frappa du pied avec l’impatience d’un homme qui aimebien que ses désirs soient réalisés sur-le-champ.

– Cependant… cependant mon cher Lenormand, il le faut… Il lefaut pour vous aussi… Vous n’êtes pas sans savoir que vous avez desennemis puissants et que si je n’étais pas là… Enfin, il estinadmissible que vous, Lenormand, vous vous dérobiez ainsi… Et lescomplices, qu’en faites-vous ? Il n’y a pas que Lupin… Il y aMarco… Il y a aussi le coquin qui a joué le personnage de M.Kesselbach pour descendre dans les caves du Crédit Lyonnais.

– Celui-là vous suffirait-il, monsieur le Président ?

– S’il me suffirait ! Nom d’un chien, je vous crois.

– Eh bien, donnez-moi huit jours.

– Huit jours ! mais ce n’est pas une question de jours, moncher Lenormand, c’est plus simplement une question d’heures.

– Combien m’en donnez-vous, monsieur le Président ?

Valenglay tira sa montre et ricana :

– Je vous donne dix minutes, mon cher Lenormand.

Le chef de la Sûreté tira la sienne et scanda, d’une voix posée:

– C’est quatre de trop, monsieur le Président.

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