5.
Ces scènes du Changement ne me reviennent jamais en mémoire sansque je songe à ma mère.
Je me souviens de la confession qu’elle me fit. Elle dormit malcette nuit-là, et prit les détonations produites par les étoilesfilantes pour des feux de salve. Toute la journée, l’émeute avaitfait rage, dans Clayton et Swathinglea ; inquiète et persuadéeque j’étais mêlé à ces troubles, elle se leva pour regarder par lafenêtre. Elle n’assista pas au début du phénomène.
– Mais, – disait-elle, – en voyant cette pluie d’étoiles, jepensai que tu étais sous l’averse, et je murmurai une petite prièreà ton intention. Tu ne peux m’en vouloir de cela, n’est-ce pas, monenfant ?
Et voici un autre de mes tableaux : surprise par les vapeursvertes, agenouillée au chevet de son grabat, la chère vieille jointses mains noueuses pour une prière vers Cela, sa divinité vague.Et, à travers l’étoffe jaune des rideaux, à travers les storesbaissés, je vois, au-dessus des cheminées, les étoiles pâlir dansle ciel, l’aube envahir l’espace, cependant que vacille encore, aufond du bougeoir, la flamme mourante de sa chandelle. À mon insu,j’étais accompagné, à travers le sommeil et la paix, par cettemuette figure agenouillée, par cette prière vers Dieu, prièrestagnante, soudain silencieuse dans un monde de silence, suspenduedans le vide de l’espace.