XLIX – De la Baronne Vizen
Chère Comtesse,
Il n’est qu’une heure, et vous êtes déjàsortie ! J’étais venue pour vous raconter une nouvelle trèsintéressante ; l’aîné des Névieroff épouse NadenkaKrivobokaia. Ce fut décidé hier à la folle journée. Il fallaitabsolument qu’il se mariât cette année : sinon, sa mère neconsentait pas à lui donner le domaine de Koursk. Il paraît que cevieux renard de Nicodime a trempé dans cette affaire. Ce n’est paspour rien que la princesse Krivobokaia allait chez lui tous lesdimanches. Excusez mon griffonnage : j’écris chez vous, dansla loge du concierge, sur un petit bout de papier et je me hâte,ayant encore une masse de courses à faire. Bien à vous.
CATHERINE VIZEN.
P.-S. – Après son hiver triomphal, NinaKarskaïa part demain pour l’étranger, mais elle cache cettenouvelle à tout le monde pour éviter les questions : Où ?Pourquoi ? etc. Il est encore arrivé une chose bien curieuse àAnna Mikhailovna : ces jours derniers, elle a écrit au princeBoris Ivanovitch pour lui demander de présenter son gendre Varaxineau camer-junker, et au lieu de « camer-junker », elle aécrit « camer-page ». Le prince, qu’elle ennuiemortellement, lui a répondu qu’elle devait adresser cette demandeau corps des Gardes. Vous voyez d’ici sa fureur !