La Vie ambiguë

17 mars.

Je suis resté quelques jours au lit. Lepremier jour, Maria Pétrovna a fait prendre de mes nouvelles, cequi prouve son extrême bonté, car, après mon incartade, elle eûtpu, non seulement ne pas me témoigner de sollicitude, mais encoreme consigner sa porte. Le second jour, j’ai reçu un billet deLydia. Je l’ai relu tant de fois que je le transcris par cœur.

« C’est à tort que vous en voulez àMichel : c’est une gouvernante des Zebkine qui vous a appeléMelchissédec ; Sonia nous l’a répété, et cela nous a sembléamusant. Mais, puisque cela vous fâche, désormais personne ne ledira plus. Vous ne sauriez croire combien je suis peinée de voussavoir malade et combien je désire vous voir au plus vite.

« Votre amie,

« LYDIA. »

Ce billet m’a tout à fait calmé, et j’ai passéau lit une heureuse journée : j’oubliais ma maladie et tout cequi m’entourait ; je ne voyais devant moi que Lydia, et jerécitais sans me lasser « le Dernier Amour » une poésiede Tutchev que j’adore :

Oh ! comme à la limite de l’âge,

Notre amour est plus tendre, plus superstitieux

Oui, superstitieux ; on ne pouvaitimaginer d’épithète plus juste.

J’ai examiné attentivement l’écritureindécise, presque enfantine de Lydia : dans la forme deslettres, je cherchais à lire son caractère, mon avenir. Si j’étaisjeune, je désirerais ardemment son portrait, mais je n’en ai pasbesoin pour la voir. Elle écrit la lettre K avec une boucle petiteen haut ; je crois deviner son regard dans cette boucle.

Ô toi, mon dernier amour.

Tu es le bonheur et le désespoir !

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