La Vie ambiguë

XVI – De la Princesse Krivobokaia

(Reçue 1er juin.)

Chère Comtesse,

Malheureusement, il m’est impossible de vousattendre, je pars à la campagne. Chez vous, à Peterhoff, viendra uncertain Ivan Ivanovitch Optine, mon ancien gérant, que j’ai faitsecrétaire de notre Société. Il n’y a aucune cérémonie à faire aveclui : je lui offre un siège, mais ne lui tends pas la main. Ilvous donnera tous les papiers et vous racontera ce qu’il faut.Jusqu’à mon retour, vous serez la Présidente, mais vous n’aurez pastrop de soucis, car il n’y aura pas d’assemblée générale pendantl’été, et, à la fin d’août, je serai déjà de retour à Pétersbourgparce qu’Olga doit accoucher. Ainsi voyez, chère Comtesse, quellecroix je porte pour mes filles ! quitter la campagne dans lameilleure saison ! et pourquoi ! il semble que ce n’estpas une grave affaire d’accoucher, et ça ne peut se passer sansmoi ; mais ce ne serait rien si seulement Naditchka se mariaitplus vite ; elle a reçu, en effet, une éducation supérieure,mais son caractère est insupportable ; ainsi, maintenant, ilfaut faire les malles, et elle bourdonne autour de moi. Écrivez-moià Znamenskoié, chère Comtesse ; avec personne autant qu’avecvous je n’aime parler : je soulage mon âme.

Votre dévouée : E. KRIVOBOKAIA.

Hier, j’ai reçu une heureuse nouvelle ;mon ancien confesseur et ami, l’archevêque Nicodime, est appelé auSynode et passera l’hiver à Pétersbourg. C’est un homme de tantd’esprit et d’une vie si sainte qu’il vous faut absolument faire saconnaissance ; sous sa direction, notre Société irabien : je ne ferai rien sans sa bénédiction.

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