La Vie ambiguë

3 janvier.

La maison de Maria Pétrovna est tout à faitméconnaissable. Auparavant, c’était un abri calme ;maintenant, grâce à la présence de Lydia, c’est un bazar mondain.Il y a toujours les trois princesses Kozielsky : Sonia, Véraet Nadia ; Sonia (deuxième) Zebkina ; Sonia (troisième)…j’ai oublié son nom ; la cousine Katia, la cousine Lise, etencore des demoiselles « dont Dieu seul sait les noms »,des pages, des lycéens, de jeunes officiers ; tout ce monderemplit de vacarme l’hospitalière maison de Serguevskaïa.

À la tête de toute cette jeunesse est MichelKozielsky, évidemment amoureux de Lydia et qu’on appelle sonadjudant.

Maria Pétrovna a définitivement cessé depenser que chez elle tout le monde s’ennuie, et une fois même ellea dit sans y prendre garde : « Mais il paraît que cettejeunesse s’amuse chez moi ! »

Lydia est très charmante avec moi, et trèscharmante en général. J’ai commandé quelques livres de fondantsroses, je les ai fait mettre dans une boîte rose en forme de bonnetet je les lui ai apportés pour le nouvel an.

Au premier moment, elle a été ravie du cadeau,qu’elle courut montrer à miss Take ; mais elle est revenuel’air presque attristé :

– Je vous ai cru si bon et je vois àprésent que vous êtes très moqueur. Vous m’avez apporté cettebonbonnière pour me rappeler ma sottise à l’arbre de Noël ;n’est-ce pas ?

– C’est vrai, mais cependant je n’ai pasdu tout voulu vous fâcher ; plaisanterie pour plaisanterie,voilà tout, et si j’ai pu vous fâcher, Lydia Lvovna,pardonnez-moi.

– Mais je ne suis pas fâchée ; jesaurai seulement que vous êtes malicieux. Peut-on vous appelerPavlik ?

– Sans doute, et moi je vous appelleraiLydia.

– Je veux bien. Maintenant voulez-vousfaire un tour de valse avec moi ?

– Qu’as-tu, Lydia, interrompit MariaPétrovna, comment peut-on danser sur le tapis et sansmusique ?

– Cela ne fait rien, tante. Pavlik danseadmirablement.

– Non non, c’est bête ; d’ailleurs,en général, tu te permets bien des choses… Paul n’est pas un gaminpour faire tes caprices.

Hélas ! bien que je ne sois pas un gamin,je déposais déjà mon chapeau, déjà j’étais debout, et j’eussesatisfait au caprice de Lydia, si, à ce moment, n’étaient accourusau salon Sonia Zebkina, la cousine Katia, deux gouvernantes ettrois officiers. Toute cette foule, nous saluant à la hâte,disparut au salon.

– Quelle bonne et charmante enfant !dit Maria Pétrovna ; mais, Paul, vous la gâtez trop, et il yen a tant qui la gâtent.

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