L’Illustre Maurin

Chapitre 32Une chasse qui n’est pas provençale et que les braconniers Maurinet Pastouré se refusent à faire.

« Un taureau échappé ! Un taureauéchappé ! »

Les arènes restaient à peu près vides. Tout lemonde voulait voir comment se comporterait au-dehors la bêteévadée.

Le taureau en liberté – échauffé par lemouvement, la colère et l’âpre désir de rester libre – çà et làchargeait les groupes qui vivement s’abritaient derrière les largestroncs des pins. En un clin d’œil, sept, huit, quinze hommes – quiétaient-ils ? d’où venaient-ils ? – se trouvèrent armésde fusils et de revolvers et se mirent à la poursuite dutaureau…

Et ce fut, à travers les sables, une coursefolle ; puis, traqué par quelques cavaliers, l’animal revintvers le cirque.

Maurin et Pastouré suivaient des yeux, commetout le monde, cette chasse lamentable…

« Prends ton cheval, bravadeur ! etcours à la bête ! lui cria quelqu’un.

– Pour quoi faire ? dit Maurinhaussant les épaules, je souhaite beaucoup qu’elle se sauve pour debon ! »

Arrivée près du cirque, la malheureuse bêtereconnut le lieu de son martyre, et épuisée, haletante, du sangdans les yeux et dans les naseaux, du sang sur les flancs, du sangpartout, s’arrêta stupéfaite et résignée.

À ce moment on entendit une détonation. Deloin, un vaillant imbécile lui avait tiré un coup de revolver. Lafine balle inutile érafla l’échine de l’animal. Il eut un frissoncomme au toucher d’un taon importun ; on vit luire un nouveaufilet de sang qui coula sur sa robe noire. Ce fut tout.

Un second coup retentit, un coup de fusilcette fois, toute une charge de plombs, préparée pour les canardsdu golfe, cribla le mufle frémissant qui, troué en écumoire, se mità pleurer du sang. Le taureau frissonna encore, mais restaimmobile, muet ; victime lamentable de la brutalitéhumaine.

Maurin et Pastouré regardaient cela, d’un airstupide, comme s’ils eussent partagé l’étonnement dédaigneux de lapauvre bête.

« Pas moins, dit Maurin, c’est dessauvages ! mais qu’y pouvons-nous ? Il y a dans la loged’honneur des maires et des sous-préfets chargés de faire respecterla loi ! je ne peux pourtant pas faire toute leur besogne àmoi tout seul !… Et puis, à qui, en ce moment, pourrions-nousbien nous en prendre !… »

Les bourreaux du pauvre Empereur n’avaient niballes ni chevrotines, et voilà que, tour à tour, huit ou dixfusils chargés de menus plombs prirent pour cible, tous à la fois,le taureau martyr. Maintenant un de ses yeux crevés pendait hors del’orbite. Sa langue sortait de sa bouche baveuse… un coup de feu laperça de trente trous… Il la rentra, mais elle ressortit de sabouche avec des ruisselets de sang.

De nouveau le taureau, fatigué des hommes,tomba sur ses genoux, puis il chavira et il s’allongea sur le solen haletant.

Alors, svelte, élégant dans sa veste depourpre et d’or, un pseudo-Espagnol accourut, s’assit sur la croupedu monstre soi-disant terrible, et, du coup de dague classique,l’acheva. Un frémissement dernier agita cette lourde loque de chairqui avait été une créature, et le taureau expira.

Le public, commentant diversement lesincidents de cette chasse hideuse, rentra dans le cirque.

Dignes, les autorités n’avaient pas quitté laloge césarienne.

Tonia non plus n’avait pas abandonné saplace.

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