Chapitre 8Cette fable doit vous apprendre que, etc…
Deux jours après, madame Piédefer était en grande conférenceavec le curé de la paroisse. Après avoir écouté les lamentations decette vieille mère au désespoir, le curé lui dit gravement: « Touterégénération morale qui n’est pas appuyée d’un grand sentimentreligieux et poursuivie au sein de l’Eglise, repose sur desfondements de sable… Toutes les pratiques, si minutieuses et si peucomprises, que le catholicisme ordonne, sont autant de diguesnécessaires à contenir les tempêtes du mauvais esprit. Obtenez doncde madame votre fille qu’elle accomplisse tous ses devoirsreligieux et nous la sauverons… »
Dix jours après cette conférence, l’hôtel de La Baudraye étaitfermé. La comtesse et ses enfants, sa mère, enfin toute sa maison,qu’elle avait augmentée d’un précepteur, était partie pour leSancerrois où Dinah voulait passer la belle saison. Elle futcharmante, dit-on, pour le comte. Ainsi, la Muse de Sancerrerevenait tout bonnement à la Famille et au Mariage; mais selonquelques médisants, elle était forcée d’y revenir, car les désirsdu petit pair de France seraient sans doute accomplis, il attendaitune fille!… Enfin Gatien et monsieur Gravier entouraient la bellecomtesse de soins et d’attentions serviles.
Le fils du président qui, pendant la longue absence de madame deLa Baudraye, était allé prendre des leçons de lionnerie à Paris,avait, disait-on à la Société littéraire, des chances de plaire àcette femme supérieure désillusionnée. D’autres pariaient pour leprécepteur, et madame Piédefer plaidait pour la religion.
En 1844, vers la mi-juin, le comte de La Baudraye, se promenaitsur le mail de Sancerre accompagné de ses deux beaux enfants, ilrencontra monsieur Milaud, le procureur général venu pour affairesà Sancerre, et il lui dit: – Mon cousin; voici mes enfants!…
– Ah! voilà nos enfants, répéta le malicieux procureurgénéral.
Paris, juin 1843 – août 1844.