Mon frère Yves

XVI

Le lendemain matin, j’ouvris les yeux dans lachambre immense de dame Le Pendreff. Le soleil breton filtraitdiscrètement par les fenêtres. Il devait faire très beau.

Après ces quelques minutes qui sont toujoursemployées par moi à me demander dans quel coin du monde jem’éveille, je retrouvai l’image d’Yves et j’entendis dehors lepiétinement d’une foule en sabots. Il y avait grande foire àPaimpol ce jour-là, et je fis une toilette de frère de lacôte pour ne pas effaroucher tous les amis nouveaux auxquelsj’allais être présenté comme un marin du midi. C’était entendu avecYves, cette mise en scène et cette histoire.

Je descendis sur le perron de l’hôtel, où lesoleil donnait. La place était pleine de monde : des marins,des paysans, des pêcheurs. Yves était là, lui aussi ; revenuau petit jour pour cette foire avec tous ses parents de Plouherzel,il m’attendait en bas pour me conduire à sa mère.

Une très vieille femme, se tenant droite et unpeu fière dans son costume de paysanne, c’était la mère d’Yves.Elle avait un peu ses yeux, mais son regard était dur. Je m’étonnaiaussi de la trouver si âgée : elle semblait plus queseptuagénaire. Il est vrai, à la campagne, on vieillit plus vite,surtout quand la fatigue s’en est mêlée, avec des chagrins.

Elle n’entendait pas un seul mot degalleuc (de français) et me regardait à peine.

Mais il y avait un très grand nombre decousins et d’amis qui tous avaient l’accueil avenant et l’air debelle humeur. Ils étaient venus de loin, de leurs petiteschaumières moussues, éparpillées dans la campagne sauvage, pourassister à cette grande fête de la ville. Et avec ceux-là ilfallait boire : du cidre, du vin ; c’était à n’en plusfinir.

Le bruit allait croissant, et des marchands decomplaintes à la voix rauque chantaient, en breton, sous desparapluies rouges, des choses à faire peur.

Arriva un personnage duquel Yves m’avaitentretenu souvent, son ami d’enfance, Jean ; un voisin dechaumière, qu’il avait ensuite retrouvé au service, matelot commelui. C’était un garçon de notre âge, avec une jolie figure ouverteet intelligente. Il embrassa Yves tendrement, et nous présentaJeannie, qui, depuis quinze jours, était sa femme.

Yves comblait sa vieille mère d’attentions etde caresses ; ils se racontaient beaucoup de choses en bretonet parlaient tous les deux à la fois. Lui s’en excusait bien unpeu, mais cela faisait du bien de les voir et de les entendre. Ellen’avait plus du tout l’air dur, quand elle le regardait…

Les bonnes gens de la campagne ont toujoursdes affaires à n’en plus finir chez le notaire ; je leslaissai tous se rendant chez celui de Paimpol pour un très longpartage.

D’ailleurs, j’avais décidé de ne m’établirchez eux que demain, pour ne pas les gêner pendant cette premièrejournée, et je m’en allai seul, me promener très loin.

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