LVII
Petit Pierre n’aimait pas du tout Brest,lui ; il trouvait que c’était vilain et que c’était noir.
Il y demeurait seulement depuis quatre mois,et déjà ses joues rondes avaient un peu pâli sous leur teintebrune. Avant, elles étaient pareilles à ces brugnons très mûrs despays du Midi, qui sont d’une couleur chaude et dorée, d’un rougetaché de soleil.
Ses yeux étaient noirs et brillaient d’unéclat de jais, comme ceux de sa mère, entre de très longs cilscharmants. Dans ses petits sourcils, il y avait déjà quelque chosede grave, qui était d’Yves.
Il était beau à peindre, avec son expressionréfléchie, et ce petit air mâle et décidé qu’il prenait déjà commeun grand garçon.
De temps en temps, il avait bien encore desmoments de gaieté très bruyante ; il sautait, sautait toutautour de la chambre triste, en faisant beaucoup de tapage. Maiscela ne lui venait plus aussi souvent qu’à Toulven.
Il regrettait, dans son petit souvenir encorevague, il regrettait les petits camarades du sentier de hêtres, etles cajoleries de ses grands-parents, et les chansons de sa vieillegrand-mère. Là-bas, tout le monde s’occupait de lui, tandis qu’iciil était presque toujours tout seul.
Non, il n’aimait pas la ville. Et puis ilavait toujours froid, dans cette chambre nue et dans ces vieuxescaliers de pierre.