Mon frère Yves

LXI

Enrade de Brest, 23 décembre 1880.

Une nuit de décembre, claire et froide ;– un grand calme sur la mer, un grand silence à bord.

Dans une très petite chambre de navire, quiest peinte en blanc et qui a des murs de ter, Yves est assis prèsde moi sur des malles, des caisses ouvertes. C’est encore ledésarroi de l’arrivée ; il faudra s’installer et se faire unchez-soi dans ce réduit qui va bientôt nous promener au milieu deslames ou des houles de l’hiver.

Tous ces embarquements prévus, ces longuescampagnes projetées, n’ont pas abouti. Et je me trouve toutsimplement sur cette Sèvre qui ne quittera pas les côtesbretonnes. Depuis ce matin, Yves est de l’équipage, et nous voilàensemble encore, à vue humaine, pour un an. Étant donné notremétier, c’est là un bonheur qui nous arrive ; nous pouvionsd’un moment à l’autre nous quitter pour toujours. Et Yves a donnéjoyeusement cent francs de sa bourse au marin qui a consenti à luicéder sa place.

Va pour cette Sèvre, puisque le sortnous y a jetés. Cela nous rappellera le temps déjà lointain où nousnaviguions tous deux sur la mer brumeuse protégée par leclocher à jour.

Mais j’aurais mieux aimé être envoyé ailleurs,quelque part au soleil ; pour Yves surtout, j’aurais voulul’emmener plus loin de Brest, plus loin des mauvais amis et destavernes de la côte.

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