Mon frère Yves

LXIX

En mer, le lendemain, 1er avril. –Route sur Saint-Nazaire. – Voilure du grand largue ; fortebrise du nord-ouest ; mauvais temps ; on ne voit plus lesfeux. – Entré dans le bassin au petit jour ; cassé lebossoir ; craqué le petit mât de hune.

Le 2, c’est jour de paye. Des hommes ivrestombent la nuit dans la cale et se fendent la tête.

Une petite permission de deux jours,inattendue. En route avec Yves pour Trémeulé en Toulven. CetteSèvre est un bon bateau, qui ne nous éloigne jamais bienlongtemps.

À dix heures du soir, au clair de lune, nousvenons frapper à la porte des vieux Keremenen et de Marie, qui nenous attendent pas.

On lève petit Pierre pour nous faire honneur,et on l’assied sur nos genoux. Tout surpris dans son premiersommeil, il nous dit bonjour tout bas, en souriant, et puis il nefait plus grand cas de notre visite. Ses yeux se ferment malgré luiet sa petite tête s’en va de tous les côtés.

Et Yves, très inquiet, le voyant baisser latête et regarder en dessous, les cheveux dans les yeux :

« Moi, je trouve qu’il a un air… qu’il aun air… sournois ! »

Et il me regarde anxieux de savoir ce que j’enpense, concevant déjà une préoccupation grave pour l’avenir.

Il n’y a au monde que mon cher Yves pour avoirdes frayeurs aussi drôles. Je fais sauter petit Pierre, qui alorsse réveille pour tout de bon et éclate de rire, ses beaux grandsyeux bien ouverts entre leurs longs cils. Yves se rassure et trouvequ’en effet il n’a plus la mine du tout sournoise.

Quand sa mère le met tout nu, il ressemble auxbébés classiques, aux statues grecques de l’amour.

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