Mon frère Yves

LXVII

« Jean-marie, dépêche-toi d’aller dire àYves que je l’attends là, en bas, à terre, sur lequai ! »

C’était dix minutes après. Il fallait bien sevoir, après s’être écrit, pour que la réconciliation fûtcomplète.

Quand Yves arriva, il avait sa figure changée,et son bon sourire, que je n’avais plus vu depuis bien longtemps.Je pris sa main, sa pauvre main de gabier dans les miennes ;il fallait la serrer très fort pour qu’elle sentît la pression, carle travail l’avait beaucoup durcie.

« Aussi, pourquoi m’avez-vous faitcela ? Ce n’était pas bien, allez ! »

Et ce fut tout ce qu’il trouva à me dire, enmanière de reproche.

Nous n’étions pas astreints à la garde de nuitsur cette Sèvre.

« Sais-tu, Yves, nous allons passer cettesoirée de premier de l’an ensemble à terre, dans Brest, et tudîneras en face de moi, à la bourse. Cela ne nous estjamais arrivé, et cela nous amusera. Vite, va faire épousseter tondos (il s’était tout sali dans la cale aux fers), etallons-nous-en.

– Oh ! Mais dépêchons-nous, alors.Plutôt, je m’époussetterai chez vous, dans votre chambre de terre.Le canon va tirer, nous n’aurons jamais le temps desortir. »

Nous étions justement tout au fond du port,très loin des portes et nous voilà partis courant presque.

Allons, bien ! Le coup de canon, à moitiéroute et nous sommes pris !

Obligés de rentrer à bord de cetteSèvre, où il fait froid et où il fait noir.

Au carré, il y a un méchant fanal,allumé dans une cage grillée par le pompier de ronde, et pas defeu. – C’est là que nous passons notre soirée de premier de l’an,privés de dîner par notre faute, mais contents tout de même de nousêtre retrouvés et d’avoir fait la paix.

Pourtant quelque chose encore préoccupaitYves.

« Je n’ai pas pensé à vous dire cela plustôt : vous auriez peut-être mieux fait de me remettre aux fersjusqu’à demain matin, à cause des autres, voyez-vous, qui n’aurontpas trop compris… »

Mais, sur sa conduite à venir, il n’avait plusd’inquiétude et se sentait ce soir très fort de lui-même :

« D’abord, disait-il, j’ai trouvé unemanière sûre : je ne descendrai plus jamais à terre qu’avecvous, quand vous m’emmènerez. – Ainsi, comme ça, vous comprenezbien… »

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