Mon frère Yves

LV

Petit Pierre dormait toujours dans sonberceau, pour rattraper son pauvre petit sommeil perdu d’avantjour. – Et, ce matin-là, sa mère aussi s’était assoupie près de luidans sa chaise, accablée qu’elle était de fatigue et de veille.

Le grand jour pâle était tout à fait levéquand elle se réveilla, les membres engourdis, ayant froid. Enreprenant ses idées, vite elle retrouva son angoisse. Pourquoiavait-elle quitté Toulven ? Pourquoi s’était-ellemariée ? Pauvre fille de la campagne, que faisait-elle dans ceBrest, où on regardait son costume de paysanne ? Pourquoiétait-elle venue traîner dans les rues de la ville sa grandecollerette blanche, souvent trempée de pluie, que, pardésespérance, par dégoût de tout, elle laissait maintenant pendretoute fripée et sans apprêt sur ses épaules ?

Elle avait épuisé tous les moyens pour ramenerYves. Il était encore si doux, si bon, il aimait tant son petitPierre dans ses moments raisonnables, que souvent elle s’étaitreprise à espérer ! Il avait des repentirs très sincères, quiduraient plusieurs jours ; et c’étaient des jours debonheur.

« Il faut me pardonner, disait-il, tuvois bien que ce n’était plus moi ! »

Et elle pardonnait ; alors on ne sequittait plus ; quand par hasard il faisait un peu beau temps,on habillait petit Pierre dans ses habits neufs, et on allait sepromener, tous les trois, dans Brest.

… Et puis, un beau soir, Yves ne rentrait pas,et c’était à recommencer, il fallait retomber dans cedésespoir.

Cela allait de mal en pis ; le séjour àBrest exerçait sur lui cette même influence qu’il a d’ordinaire surtous les marins. Maintenant c’était presque chaque semaine ;cela devenait une habitude. À quoi bon espérer ?

Il n’y avait plus d’argent dans leur tiroir.Comment faire ? En emprunter à ces femmes, les voisines, quide temps en temps buvaient aussi, et qu’elle dédaignait deconnaître ; elle en aurait trop honte ! Pourtant elleétait à bout de moyens pour cacher sa détresse à ses parents, quine savaient rien, eux, et qui s’étaient mis à aimer Yves comme leurvrai fils.

Eh bien, elle le leur dirait, qu’il n’en étaitpas digne. Une révolte se faisait en elle. Elle le laisserait, cethomme ; c’était trop à la fin, et il n’avait pas de cœur…

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