Mon frère Yves

VII

Pourtant, une heure après, Jean Barradareparut encore, ayant l’air d’être venu ranger un de ces palansdont on se sert pour les canons.

Et, cette fois, Yves l’appela toutbas :

« Barrada, tu devrais bien me donner unpeu d’eau douce pour boire. »

Barrada alla vite chercher sa petite moque,qu’il portait pendue à sa ceinture le jour et qu’il serrait la nuitdans un canon ; il y mit de l’eau, qui était couleur derouille, ayant été rapportée de la Plata dans une caisse de fer, etun peu de vin volé à la cambuse et un peu de sucre volé à l’officedu commandant.

Et puis il souleva la tête d’Yves, toutdoucement avec bonté, et le fit boire.

« Et à présent, dit-il, veux-tu techanger ?

– Oui », répondit Yves d’une toutepetite voix, devenue presque enfantine, et qui était drôle parcontraste avec sa manière de tout à l’heure.

À deux, ils le déshabillèrent, lui se laissantcâliner comme un enfant. On essuya bien sa poitrine, ses épaules etses bras, on lui mit des vêtements secs et on le recoucha enplaçant sous sa tête un sac pour qu’il pût mieux dormir.

Quand il leur dit merci, un bon sourire, lepremier, vint changer toute sa figure. C’était la fin ; soncœur était amolli et redevenu lui-même. Aujourd’hui, cela n’avaitpas été bien long.

Il sentait un attendrissement infini ensongeant à sa mère, et une envie de pleurer ; quelque chosecomme une larme vint même dans ses yeux, qui étaient durs pourtantà cette faiblesse-là… Peut-être serait-on encore un peu indulgentpour lui à cause de sa bonne conduite à bord, de son courage à lapeine et de son rude travail dans les mauvais temps. – Si c’étaitpossible, – si on ne lui donnait pas une punition trop grave, ilest certain qu’il ne recommencerait plus et se ferait toutpardonner.

C’était une grande résolution, cette fois.Quand il avait bu seulement un verre d’eau-de-vie, après leslongues abstinences de la mer, tout de suite sa tête partait, etalors il lui en fallait d’autres, et d’autre encore. Mais, en necommençant pas du tout et en ne buvant jamais rien, il auraitencore un moyen sûr de rester sage.

Son repentir avait la sincérité d’un repentird’enfant, et il croyait beaucoup que, s’il pouvait échapper pourcette fois à ce conseil terrible qui mène les matelots enprison, ce serait sa dernière grande faute.

Il avait aussi espoir en moi, et puis,surtout, envie de me voir. Et il pria Barrada de monter mechercher.

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