Mon frère Yves

XXXV

Huit jours après, c’était fini de notrefrégate : désarmée au fond de l’arsenal, son équipagedispersé, autant dire un navire mort.

Je m’en allais, et Yves venait m’accompagnerau chemin de fer. La gare était encombrée de matelots : tousceux de la Médée, qui partaient aussi ; d’autresencore, en bordée, venus pour les reconduire.

Parmi eux, beaucoup d’anciennes connaissancesà nous, des protégés, des amis d’Yves. Et tous ces braves gens, unpeu gris, mettaient bas leur bonnet, nous faisant leurs adieux aveceffusion. C’étaient les scènes habituelles de tous lesdésarmements : un bateau qui finit, c’est quelque chose àpart ; c’est l’explosion de toutes les reconnaissances et detoutes les rancunes, de toutes les haines et de toutes lessympathies.

… À l’entrée des salles d’attente, en serrantles mains d’Yves, je lui disais :

« M’écriras-tu au moins ? »

Et lui répondait :

« Je vais vous expliquer (et il hésitaittoujours, avec un sourire doux et intimidé). Eh bien, voilà, jevais vous expliquer : c’est que je ne sais pas comment vousmettre au commencement. »

En effet, les appellations decapitaine, cher capitaine, et autres du mêmegenre, ne pourraient plus nous aller. Alors, quoi ? Jerépondis :

« Eh bien, mais c’est très simple… »(Et je cherche longtemps cette chose simple, ne trouvant pas dutout.) « C’est très simple, tu mettras… Tu mettras : monfrère ; ce sera vrai d’abord et, en style épistolaire, ce seratrès convenable. »

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