Mon frère Yves

XXXII

Quand je revins dans ma chambre lui dire qu’onallait le mettre aux fers, je le trouvai assis sur mon lit, lespoings fermés, les dents serrées de rage. Sa mauvaise tête deBreton avait pris le dessus.

En frappant du pied, il déclara qu’il n’iraitpas, – c’était trop injuste ! – à moins qu’on ne l’y portât deforce, et encore il démolirait les premiers qui viendraient pour leprendre.

Alors, pour tout de bon, je le vis perdu, etl’angoisse commença à m’étreindre le cœur. Que faire ? Leshommes de garde étaient là, derrière ma porte, attendant pourl’emmener, et je n’osais pas ouvrir ; les secondes et lesinstants s’envolaient, et ce que je faisais n’avait plus denom.

Une idée me vint, tout à coup : je lepriai très doucement, au nom de sa mère, lui rappelant mon serment,et, pour la seconde fois de ma vie, l’appelant mon frère.

Yves pleura. C’était fini ; il étaitvaincu et docile.

Je jetai de l’eau sur son front, je rajustaiun peu sa chemise et j’ouvris ma porte. Tout cela n’avait pas durétrois minutes.

Les hommes de garde parurent. Lui se leva etles suivit, doux comme un enfant. Il se retourna pour me sourire,alla répondre avec calme à l’interrogatoire du commandant, et serendit tranquillement à la cale pour se faire mettre aux fers.

… Vers minuit, quand ce quart pénible futterminé, j’allai me coucher, envoyant à Yves une couverture et monmanteau. (Il faisait déjà très froid cette nuit-là.) C’était, dansmon impuissance, tout ce que je pouvais encore pour lui.

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