Le Roman d’un spahi

VII

Chaque soir, à Saint-Louis, c’était le trainde vie monotone des petites villes coloniales. La belle saisonramenait un peu d’animation dans ces rues de nécropole ; aprèsle coucher du soleil, quelques femmes que la fièvre avait épargnéespromenaient des toilettes européennes sur la place du Gouvernementou dans l’allée des palmiers jaunes de Guet-n’dar ; celajetait une impression d’Europe dans ce pays d’exil.

Sur cette grande place du Gouvernement, bordéede symétriques constructions blanches, on eût pu se croire dansquelque ville européenne du Midi, à part cet immense horizon desable, cette platitude infinie, qui dessinait au loin sa ligneimplacable.

Les rares promeneurs se connaissaient et sedévisageaient entre eux. Jean regardait ce monde, et ce monde aussile regardait. Ce beau spahi qui se promenait seul, avec un air sigrave et si sévère, intriguait les gens de Saint-Louis, quisupposaient dans sa vie quelque aventure de roman.

Une femme surtout regardait Jean, une femmequi était plus élégante que les autres et plus jolie.

C’était une mulâtresse, disait-on, mais siblanche, si blanche, qu’on eût dit une Parisienne.

Blanche et pâle, d’une pâleur espagnole, avecdes cheveux d’un blond roux, – le blond des mulâtres, – et degrands yeux cerclés de bleu, qui se fermaient à demi, quitournaient lentement, avec une langueur créole.

C’était la femme d’un riche traitant dufleuve. Mais, à Saint-Louis, on la désignait par son prénom, commeune fille de couleur, on l’appelait dédaigneusement Cora.

Elle revenait de Paris, les autres femmespouvaient le voir à ses toilettes. Jean, lui n’était pas encorecapable de définir cela, mais il s’apercevait bien que ses robestraînantes, même lorsqu’elles étaient simples, avaient quelquechose de particulier, une grâce que les autres n’avaient pas.

Il voyait surtout qu’elle était très belle,et, comme elle l’enveloppait toujours de son regard, il éprouvaitune espèce de frisson quand il la rencontrait.

– Elle t’aime, Peyral, avait déclaré le beauMuller, avec son air entendu d’homme à bonnes fortunes et decoureur d’aventures.

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