Le Roman d’un spahi

X

L’habitation de Cora était une immense maisonde briques, ayant cet aspect un peu égyptien des vieux quartiers deSaint-Louis, et blanche comme un caravansérail arabe.

En bas, de grandes cours, où venaients’accroupir dans le sable les chameaux et les Maures du désert, oùgrouillait un bizarre mélange de bétail, de chiens, d’autruches etd’esclaves noirs.

En haut, d’interminables vérandas, soutenuespar de massives colonnes carrées, comme les terrasses deBabylone.

On montait aux appartements par des escaliersextérieurs en pierre blanche, d’un aspect monumental.

Tout cela, délabré, triste comme tout ce quiest à Saint-Louis, ville qui a déjà son passé, colonie d’autrefoisqui se meurt.

Le salon avait un certain air de grandeur,avec ses dimensions seigneuriales et son ameublement du siècledernier.

Les lézards bleus le hantaient ; leschats, les perruches, les gazelles privées s’y poursuivaient surles fines nattes de Guinée ; les servantes négresses, qui letraversaient d’un pas dolent en traînant leurs sandales, ylaissaient d’âcres senteurs de soumaré et d’amulettes musquées.Tout cela respirait je ne sais quelle mélancolie d’exil et desolitude ; tout cela était triste, le soir surtout, quand lesbruits de la vie se taisaient pour faire place à la plainteéternelle des brisants d’Afrique.

Dans la chambre de Cora, tout était plus riantet plus moderne. Les meubles et les tentures, récemment arrivés deParis, y étalaient une élégance fraîche et confortable ; on ysentait des odeurs d’essences très fashionables, achetées chez lesparfumeurs du boulevard.

C’était là que Jean passait ses heuresd’ivresse. Cette chambre lui faisait l’effet d’un palais enchanté,dépassant tout ce que son imagination avait pu rêver de plusluxueux et de plus charmant.

Cette femme était devenue sa vie, tout sonbonheur. Par un raffinement de créature blasée sur le plaisir, elleavait désiré posséder l’âme de Jean en même temps que soncorps ; avec une chatterie de créole, elle avait joué, pourcet amant plus jeune qu’elle, une irrésistible comédie d’ingénuitéet d’amour. Elle avait réussi : il lui appartenait bien toutentier.

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