Le Roman d’un spahi

VIII

Jean courut au quartier et jeta au premiervenu le pli qui lui était confié ; – puis il s’en alla, etcommença au hasard une course rapide et sans but ; – c’étaitsa manière à lui d’étouffer sa douleur.

Il passa le pont de Guet-n’dar et tourna ausud vers la pointe de Barbarie, comme la nuit où, quatre ansauparavant, il avait quitté en désespéré la maison de Cora…

Mais, cette fois, son désespoir était undésespoir d’homme, profond et suprême, – et sa vie étaitbrisée…

Il marcha longtemps vers le sud, perdant devue Saint-Louis et les villages noirs, – et s’assit exténué, aupied d’un monticule de sable qui dominait la mer…

Ses idées étaient sans suite. – Tout ce soleildu jour l’avait affolé…

Il s’aperçut qu’il n’était encore jamais venulà – et se mit à promener autour de lui des regards distraits…

Ce monticule était tout hérissé de grandspieux bizarres, qui portaient des inscriptions dans la langue desprêtres du Maghreb. – Des ossements blanchis gisaient pêle-mêle,déterrés jadis par les chacals. – Il y avait aussi quelquesbranches de verdure, comme perdues au milieu de l’ariditéabsolue ; – c’étaient des guirlandes de liserons d’une grandefraîcheur, qui couraient au milieu des vieux crânes, des vieuxbras, des vieilles jambes, ouvrant çà et là leurs larges calicesroses…

De loin en loin, d’autres monticulesfunéraires s’élevaient dans la plaine unie, avec des aspectslugubres.

Sur les plages se promenaient de grandestroupes de pélicans d’un blanc rosé, auxquels le miragecrépusculaire prêtait dans le lointain des formes régulières, desdimensions invraisemblables…

Le soir était arrivé, le soleil était descendudans l’océan, et un vent plus frais soufflait du large…

Jean prit la lettre de sa mère, et recommençaà la lire…

………………………

« …Maintenant, mon fils, il est venu hierà Peyral une idée qui nous fait peur : c’est que tu ne voudrasplus revenir au pays, et qu tu resteras en Afrique.

« Nous sommes bien vieux tous lesdeux ; mon bon Jean, mon cher fils, ta pauvre mère t’ensupplie à genoux, que cela ne t’empêche pas d’être sage et de nousrevenir bientôt comme nous t’attendions… Autrement, j’aimeraismieux mourir tout de suite, et Peyral aussi… »

………………………

Alors, le pauvre Jean sentit son cœur sebriser, – des sanglots soulevèrent sa poitrine, et toute sa révoltese fondit dans les larmes…

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