Le Roman d’un spahi

XXVII

A l’entrée de Saint-Louis, Fatou-gaye étaitpostée depuis le matin, pour ne pas manquer l’arrivée de lacolonne.

Quand elle vit Jean passer, elle le salua d’un« kéou » discret, accompagné d’une petite révérence trèscomme il faut. Elle ne voulut pas l’inquiéter davantage dans lesrangs et eut le bon goût d’attendre deux grandes heures pour venirlui présenter ses compliments au quartier.

Fatou avait beaucoup changé. En trois mois,elle avait grandi et s’était développée tout d’un coup, comme fontles plantes de son pays.

Elle ne demandait plus de sous. Elle avaitmême acquis une certaine grâce de timidité qui sentait la jeunefille.

Un boubou de mousseline blanchecouvrait maintenant sa poitrine arrondie, comme cela est d’usagepour les petites filles qui deviennent nubiles. Elle sentait trèsbon le musc et le soumaré.

Plus de petites queues raides sur latête ; elle laissait pousser ses cheveux, qui allaient dansquelque temps être livrés aux mains habilés des coiffeuses pourdevenir l’échafaudage compliqué qui doit surmonter la tête d’unefemme africaine.

Pour le moment, trop courts encore, ilss’épanouissaient en masses ébouriffées et crépues, et celachangeait absolument sa physionomie, qui, de gentille et comique,était devenue gracieuse et originale, presque charmante.

Mélange de jeune fille, d’enfant et dediablotin noir, très bizarre petite personne !

– Elle est jolie, la petite, sais-tu,Peyral ! disaient en souriant les spahis.

Jean s’en était bien aperçu qu’elle étaitjolie ; mais, pour le moment, cela lui était à peu prèségal.

Il essaya de reprendre tranquillement sontrain de vie d’autrefois, ses promenades à la plage et ses longuescourses dans la campagne.

Ces mois de calme et de rêverie qu’il venaitde passer au campement lui avaient fait du bien. Il avait à peuprès retrouvé son équilibre moral ; l’image de ses vieuxparents, de sa toute jeune fiancée l’attendant, confiante, auvillage, avait repris sur lui tout leur charme honnête, tout leurempire. Il avait bien fini ses enfantillages et ses bravades, et, àprésent, il ne s’expliquait plus comment dame Virginie avait pu lecompter parmi ses clients. Non seulement il s’était juré de ne plusboire d’absinthe, mais aussi de rester maintenant fidèle à safiancée, jusqu’au bienheureux jour de leur mariage.

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