XXXI
On se mariait beaucoup, à ce printemps. –Souvent, le soir, pendant ces nuits énervantes de juin, Jeanrencontrait de ces cortèges de noces, qui s’en allaient défilantsur le sable en longues processions fantastiques ; – tout cemonde, chantait, et le concert de toutes ces voix de faussetsimiesques était accompagné à contretemps par des battements demains et des coups de tam-tam. – Ces chants, cette gaîté nègreavaient quelque chose de lourdement voluptueux et de bestialementsensuel.
Jean visitait souvent à Guet-n’dar son amiNyaor, – et ces scènes d’intérieur yolof, de vie en commun, letroublaient aussi… Comme il se sentait seul, lui, isolé de sessemblables sur cette terre maudite !… Il songeait à cellequ’il aimait d’un chaste amour d’enfance, à Jeanne Méry…Hélas ! – six mois seulement qu’il était en Afrique !…Attendre encore plus de quatre années avant de la revoir !… Ilcommençait à se dire que le courage lui manquerait peut-être pourcontinuer de vivre seul, que bientôt à toutes forces il luifaudrait quelqu’un pour l’aider à passer son temps d’exil… Maisqui ?…
Fatou-gaye peut-être ?… Allonsdonc !… Quelle profanation de lui-même !… Et puisressembler à ses camarades, les clients de la vieilleVirginie !… Violer comme eux des petites filles noires !– Il avait une sorte de dignité, de pudeur instinctive, lui, quil’avait préservé jusque-là de ces entraînements de sensualitépervertie ; – jamais il ne pourrait descendre aussi bas.