Le Roman d’un spahi

XXI

Quand le spahi fut couché sous sa tente, il semit à bâtir dans sa tête une foule de plans nouveaux.

Certes il allait retourner d’abord voir sesvieux parents ; rien ne lui ferait différer ce départ.

Mais, après, il lui faudrait bien revenir enAfrique, à présent qu’il y avait un fils… Il sentait bien qu’ill’aimait déjà de tout son cœur, ce petit enfant, et que pour rienau monde il ne pourrait se décider à l’abandonner…

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Au dehors, dans le camp des Bambaras, onentendait, à intervalles réguliers, la voix des griots quichantaient, sur trois notes lamentables, le cri de guerreconsacré. Ils jetaient ce chant de hibou sur les tentes endormies,et berçaient le premier sommeil des guerriers noirs en leurrecommandant d’être braves et de mettre dans leurs carabinesplusieurs balles à la fois quand viendrait le jour du combat… Onsentait que ce jour approchait, et que Boubakar-Ségou n’était pasloin.

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Que faire à Saint-Louis, quand il y viendraitretrouver son petit enfant, après son congé terminé ?… Serengagerait-il ou bien tenterait-il la fortune par quelque procédéaventureux ?…

Traitant du fleuve peut-être ? – Maisnon, il se sentait un éloignement invincible pour tout autre métierque celui des champs ou celui des armes.

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Tous les bruits de la vie s’étaient éteintsmaintenant dans le village de Dialdé, et le campement, lui aussi,était silencieux. On entendait au loin la voix du lion, – et, parinstants, le cri le plus lugubre qu’il y ait au monde leglapissement du chacal. C’était comme un accompagnement funèbre auxrêves du pauvre spahi !…

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C’est égal, la présence de ce petit enfantchangeait bien tous ses projets, – et compliquait beaucoup pour luitoutes les difficultés de l’avenir…

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– Tjean !… entre dans laronde !…

Jean dormait à demi, fatigué par ses longuescourses du jour, – et tout en songeant à son avenir, – en rêve ilvoyait encore tournoyer lentement autour de lui, la ronde desBambaras. Ils passaient et repassaient avec des gestes mous, desattitudes mourantes, – au son d’une musique indécise qui n’étaitplus de la Terre.

– Tjean !… entre dans laronde !…

Leurs têtes, qui se penchaient pour saluerJean, semblaient fléchir sous le poids de leurs hautes coiffures defête… Maintenant, c’étaient même des figures grimaçantes, desfigures mortes qui s’inclinaient avec des airs de connaissance, etdisaient tout bas, avec des sourires de fantômes :« Tjean !… entre dans la ronde !… »

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Et puis, la fatigue vint peu à peu acheverd’engourdir la tête de Jean, – et il s’endormit d’un profondsommeil sans rêves, – avant d’avoir rien décidé…

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