Le Roman d’un spahi

XVIII

Midi ! L’hôpital est silencieux comme unegrande maison de la mort.

Midi !… La sauterelle crie. La femmenubienne chante de sa voix grêle la chanson somnolente et vague.Sur toute l’étendue des plaines désertes du Sénégal le soleil darded’aplomb la lumière torride, les grands horizons miroitent ettremblent.

………………………

Midi !… L’hôpital est silencieux commeune grande maison de la mort. Les longues galeries blanches, leslongs couloirs sont vides. Au milieu de la haute muraille nue,teinte de chaux éblouissante, l’horloge marque midi de ses deuxlentes aiguilles de fer ; autour du cadran, pâlit au soleil latriste inscription grise : Vitae fugaces exhibethoras. Les douze coups sonnent péniblement, de ce timbreaffaibli, connu des mourants, de ce timbre que tous ceux qui sontvenus là mourir entendaient dans leurs insomnies fébriles, comme unglas qui tinterais dans un air trop chaud pour conduire dessons.

Midi !… L’heure morne, où les maladesmeurent. On respire dans cet hôpital des lourdeurs de fièvre, commed’indéfinissables effluves de mort.

………………………

En haut, dans une salle ouverte, des voix quichuchotent tout bas, des bruits légers à peine perceptibles, despas discrets de bonne sœur, marchant avec précaution sur desnattes. Elle va et vient d’un air agité, la sœur Pacôme, pâle etjaunie sous sa grande cornette.

Il y a là aussi un médecin et un prêtre assisauprès d’un lit qu’entoure une moustiquaire blanche.

Au dehors, par les fenêtres ouvertes, dusoleil et du sable, du sable et du soleil, de lointaines lignesbleues et des étincellements de lumière.

Passera-t-il, le spahi ?… Est-ce lemoment où l’âme de Jean va s’envoler, là, dans l’air accablant demidi ?… Si loin du foyer, où ira-t-elle se poser dans cesplaines désertes ?… où ira-t-elle s’évanouir ?…

………………………

Mais non. Le médecin, qui est resté làlongtemps à attendre ce départ suprême, vient de se retirerdoucement.

L’heure plus fraîche du soir est venue, et levent du large apporte aux mourants son apaisement. Ce sera pourdemain peut-être. Mais Jean est plus calme et sa tête est moinsbrûlante.

En bas, dans la rue, devant la porte, il yavait une petite négresse accroupie sur le sable, qui jouait auxosselets avec des cailloux blancs, pour se donner une contenancequand quelqu’un passait. Elle était là depuis le matin, cherchant àne pas attirer l’attention, se dissimulant, de peur d’être chassée.Elle n’osait rien demander à personne ; mais elle savait bienque, si le spahi mourait, il passerait par cette porte pour allerau cimetière de Sorr.

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