IV
Chaque soir, un homme en veste rouge, coiffédu fez musulman, un spahi, montait dans la maison de Samba-Hamet, àl’heure du coucher du soleil. Les deux marabouts de Couran’diaye leregardaient de loin venir ; depuis l’autre extrémité de laville morte, ils reconnaissaient son allure, son pas, les couleursvoyantes de son costume, et le laissaient entrer sans témoignerd’inquiétude, comme un personnage depuis longtemps connu.
C’était un homme de haute taille, portant latête droite et fière ; il était de pure race blanche, bien quele soleil d’Afrique eût déjà fortement basané son visage et sapoitrine. Ce spahi était extrêmement beau, d’une beauté mâle etgrave, avec de grands yeux clairs, allongés comme des yeuxd’Arabe ; son fez, rejeté en arrière, laissait échapper unemèche de cheveux bruns qui retombaient au hasard sur son largefront pur.
La veste rouge seyait admirablement à sataille cambrée ; il y avait dans toute sa tournure un mélangede souplesse et de force.
Il était d’ordinaire sérieux et pensif ;mais son sourire avait une grâce féline et découvrait des dentsd’une rare blancheur.