C’était écrit

Chapitre 6

 

« Que Dieu me confonde ! s’écria sirGiles. Comment, Iris mon manteau jeté sur l’épaule ! monchapeau à la main ! Sergent, vous avez été le jouet d’unefatale erreur. C’est ma filleule…, miss Henley.

– Nous l’avons trouvée à la bornemilliaire, monsieur, mais personne autre. »

Sir Giles, s’adressant alors personnellement àIris, dit :

« Parlez ! Que celasignifie-t-il ? »

Au lieu de répondre, la jeune fille dirige sesregards vers le sergent, lequel ayant conscience de laresponsabilité qui lui incombait, tenait ses yeux braqués sur lebanquier. Du reste, sa physionomie, où perçait une pointe deraillerie, prouvait que la réputation de gens indisciplinablesfaite aux Irlandais, était justifiée, en ce qui le concernait, maisen même temps il ne montrait aucune intention de lâcher pied.S’avisant que Iris, elle aussi, était déterminée à ne fourniraucune explication en présence de l’agent de police, sir Gilesdit :

« Inutile d’attendre ici plus longtemps,sergent, veuillez vous retirer.

– Que dois-je faire du prisonnier, s’ilvous plaît, monsieur ? »

Le banquier éluda cette question superflue,d’un geste de la main, il sentait que sa responsabilité étaittriplement engagée : 1° comme chevalier ;2° comme banquier ; 3° comme magistrat.

« C’est moi, dit-il, qui me chargerai demener miss Henley devant le magistrat si sa présence est requise.Bonsoir. »

Une fois sa responsabilité à couvert, lesergent fit le salut militaire, après avoir, toutefois, salué lajeune fille avec une galanterie mêlée de respect ; puis il sedirigea vers la porte.

« Maintenant, reprit sir Giles, puis-jeespérer recevoir de vous l’explication de votre conduite et savoirpourquoi vous êtes venue à la borne milliaire ; que signifiece manque de convenance et quel était votre dessein ?

– Sauver la vie de celui qui vous avaitdonné rendez-vous, répondit Iris d’une voix très ferme. Pourpréserver votre neveu des dangers dont il était menacé, cet hommen’a pas craint, sachez-le, de risquer ses jours. Ah ! sirGiles, vous avez fait une bien mauvaise action en lui refusantvotre confiance ! »

Au lieu d’excuses faites d’un ton humble etconfus, excuses auxquelles sir Giles s’attendait, sa nièce luijetait des reproches d’un ton indigné, la rougeur au front et leslarmes aux yeux. Sir Giles, du haut de son orgueil blessé, levantla voix, s’écria :

« À quel individu faites-vous allusion,mademoiselle, et quelle est votre excuse, s’il vous plaît, pourvous être transportée à la borne milliaire dans cet accoutrementgrotesque ?

– De grâce, mon parrain, ne perdons pasde temps en questions oiseuses ; il vous appartient de pouvoirréparer encore le mal que vous avez fait, en vous rendantimmédiatement à la ferme de votre neveu. C’est, notez bien ceci,poursuivit-elle d’une voix émue, votre seul moyen de lesauver. »

En ce moment, sir Giles affecta, en parlant àsa filleule, un ton de modération et d’obséquiosité ironiques.

« Puis-je me permettre, dit-iltimidement, de hasarder une observation ? daignerez-vousm’écouter, Iris ?

– Sachez que je ne veux entendre à rien,répondit-elle. Il faut que vous partiez tout de suite.

– Voyons, ne savez-vous donc pas que ledernier train a filé depuis plus de deux heures ?

– Qu’importe ! poursuivit Iris enjetant à son parrain un regard indigné. Vous êtes assez riche pourpayer un train spécial. »

Bref, fatigué de jouer cette comédie, sirGiles se détermina à reprendre son ton habituel. Tirant unvigoureux coup de sonnette, il dit à Denis Howmore :

« Veuillez prendre la peine d’accompagnermiss Henley à la maison », puis se tournant du côté d’Iris, ilajouta : « Je sens que la nuit porte conseil ; jecompte sur vos excuses demain matin. »

Or, quelle ne fut pas sa déception, lelendemain, quand, à neuf heures, il se trouva seul àtable !

À l’heure du déjeuner, la servante touteffarée vint raconter qu’étant montée chez miss Henley, elle avaitconstaté qu’elle était partie, accompagnée de sa femme de chambre.Néanmoins, les lits étaient défaits ; sur les bagages, onlisait ces mots : « Remettre ces malles au porteur quidoit venir les chercher de l’hôtel ». C’était là tout l’adieuformulé par Iris. On alla à l’hôtel et d’après l’interrogatoire quel’on fit subir au maître de l’établissement et à ses gens, ilrésultait que miss Henley et sa camériste avaient fait uneapparition dans la matinée, qu’elles portaient des sacs de voyage àla main et que miss Henley avait confié au directeur del’établissement, la garde de ses bagages jusqu’à son retour. Quantà savoir la direction qu’elles avaient prise, personne ne laconnaissait.

Si sir Giles eût été moins en colère, il sefût rappelé ce que sa filleule lui avait dit la veille et il auraitsu le motif de son départ. « Que diantre ! se dit-il, sonpère s’en est débarrassé ; ma foi ! j’ai bien le droitd’en faire autant. » Sur ce, il donna l’ordre à ses gens derefuser sa porte à miss Henley, si son audace l’entraînait àvouloir en franchir le seuil.

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