C’était écrit

Chapitre 36

 

Informée de la démarche du docteur par unelettre de Hugues, Mme Vimpany comprit que lasituation empirait ; mais, à vrai dire, elle ne voyait pas lanécessité pour lui de traverser le détroit.

« Restez à Londres, écrivait-elle àHugues ; au cas qu’Iris ne m’écrive pas ces jours-ci, FannyMire me tiendra au courant de ce qui se passe et je vousretournerai aussitôt sa lettre. »

Le samedi de la même semaine, la femme dudocteur faisait son entrée chez Hugues Montjoie, une lettre deFanny à la main.

« Madame, disait-elle, comme j’ai prisl’engagement de vous instruire de la situation lorsqu’elleoffrirait des dangers, le moment est venu de tenir ma promesse.M. Vimpany est ici, depuis hier ; lady Harry n’écrit, nine parle ; alors, je me suis décidée à vous écrire ces lignes.Votre humble servante. F. »

Cette lettre, pour laconique qu’elle fût, nelaissa pas de causer à Hugues de vives anxiétés.

« Pourquoi Iris ne vous a-t-elle pasécrit elle-même ? disait-il àMme Vimpany ; c’est d’autant plusincompréhensible que, jusqu’ici, elle s’est expliquée avec unegrande franchise sur le compte du docteur.

– C’est juste, mais c’est dissimulationde sa part, répondit Mme Vimpany d’un tongrave.

– Vous figurez-vous pourquoi ?demanda Hugues curieusement.

– Je crains que oui, riposta soninterlocutrice. Iris se fait une loi de complaire à son seigneur etmaître ; en outre, elle lui donne tout l’argent qu’il veut.J’entrevois que plus son mari prendra d’influence sur elle, moinselle s’épanchera avec moi.

– Le moment de me rendre près d’elleest-il arrivé ? dit Montjoie.

– Assurément, répondit vivementMme Vimpany, vous n’avez pas de temps à perdre.Pourvu, toutefois, que vous conserviez une pleine et entièrepossession de vous-même.

– Ah ! s’écria Hugues, quand ils’agit d’Iris, je suis capable de tous les héroïsmes. »

Le lendemain de son arrivée à Paris, il sedemande s’il ne devrait pas écrire à Iris, pour prendre unrendez-vous à Paris, ou aller tout simplement chez elle, à Passy.Persuadé que cette dernière combinaison était celle qui lui offraitle plus de chance de prendre lord Harry et le docteur par surprise,il s’arrêta à ce parti.

Hugues se rendit donc à Passy. Le chalet avaitce je ne sais quoi de français, de coquet, de riant, d’où se dégagela gaieté : rideaux relevés par des rubans roses ;jalousies peintes en vert ; jardin tout en fleurs ;Montjoie sonne ; Fanny Mire lui ouvre la porte. En lereconnaissant, elle semble pétrifiée !

« Êtes-vous attendu ? dit-elle.

– Quelle idée ! répond Hugues du tonle plus naturel du monde. Lord et lady Harry sont-ils chezeux ? demande-t-il à voix basse.

– On vient de finir de déjeuner.

– Vous rappelez-vous mon nom ? ditMontjoie.

– Oui, monsieur.

– Alors, annoncez-moi. »

Sur ce, elle ouvre une porte durez-de-chaussée. Puis, comme si elle faisait effort pour parler,elle dit : « Monsieur Montjoie ! »

Lord Harry et son commensal fumaient à lafenêtre ; Iris était occupée à arroser des pots defleurs ; à l’arrivée de l’intrus, elle leva des yeuxd’angoisse vers son mari ; la physionomie épanouie decelui-ci, témoignait de sa belle humeur.

« Quelle agréable surprise ! fit-il,en serrant la main de Montjoie. »

Rassurée par la cordialité de cette réception,Iris se sentit renaître ; son sang reflua à ses joues et unsourire effleura ses lèvres. Or à cet instant, une vive contrariétéempourpra le visage de M. Vimpany ; il semblaitdécontenancé. Iris s’en aperçut et en parut désagréablementimpressionnée. Quant à lord Harry, il partit d’un grand éclat derire et dit à Iris :

« Ah ! ah ! ah ! regardezdonc un peu la bonne tête du docteur. Le diable m’emporte, c’estbien la première fois de sa vie que ce blagueur-là estintimidé. »

La bonne humeur du maître de céans étaitirrésistible ; le rire argentin d’Iris fit écho au sien.

Au même instant, M. Vimpany émergea ducoin où il était bloqué et s’adressant à Hugues Montjoie, il ditd’un ton paterne :

« Je regrette, monsieur, ce qui s’estpassé entre nous, lors de notre dernière entrevue ; vous nem’en voulez pas, dites ? Allons, une poignée demain ! »

Subissant l’entrain invincible de son mari,Iris se mit à singer le docteur avec espièglerie. Lord Harry, sefrottant les mains, s’écria en riant :

« Ah ! vous voyez, monsieurMontjoie, que le mariage ne l’a rendue ni plus triste, ni plussérieuse. Peut-on vous offrir à déjeuner ? le couvert estencore mis…

– Je vous garantis, riposta le docteur,que votre estomac s’en trouvera bien. »

Se rappelant les recommandations deMme Vimpany, Hugues refusa.

Lord Harry avait un rendez-vous d’affaires,mais, avant de s’y rendre, il tient à demander au nouvel arrivants’il connaissait le Continental Herald.

« Il tire déjà à 40 000 ! Moncher, votre serviteur est l’un des principaux propriétaires de cejournal ; allons, Vimpany, venez. Au fait, je dois prendre letemps de vous raconter que le gousset de notre ami commun ledocteur présente un cas de consomption très caractérisé… ou plutôtd’inanition, en sorte que je l’ai attaché à la rédaction du nouveaujournal ; il devra nous fournir un éreintement de la médecineet des médecins, en bonne et due forme, moyennant finance, bienentendu…, et il s’y entend !

« Iris, tâchez de retenirM. Montjoie jusqu’à notre retour ; à tout àl’heure ! » fit-il avec un shake handà toutcasser.

Mme Vimpany avaitraison : lord Harry était irrésistible ; mais la matinéeréservait à Montjoie bien d’autres surprises encore !

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer