C’était écrit

Chapitre 50

 

Le sauvage lord désirait dire un mot à Iris,avant de lui remettre sa fameuse lettre ; sans périphrase, ilexposa la situation en ces termes :

« Voici les embarras qui surgissent, à lasuite de la réunion à laquelle je viens d’assister. Il s’agiraitd’arrêter les conditions d’un nouvel emprunt, rendu nécessaire pardes dépenses imprévues du Continental Herald. Après unelongue discussion, on a décidé qu’il incombait aux propriétaires defournir la somme nécessaire, d’où mes derniers billets de banquevont fondre comme beurre au soleil. L’espoir fondé sur lesdividendes est un leurre ! tous les comptes sont changés enmécomptes !

Désillusionné, il se voyait dans l’odieusedèche, s’il ne parvenait à se forger des ressources, enattendant les résultats gigantesques que le ContinentalHerald ne pouvait manquer de produire d’ici six mois enfin,aux misères excessives, les résolutions désespérées !

« Je me suis adressé à mon frère,dit-il.

– À votre frère ! répéta Iris d’unton découragé. Je me rappelle vous avoir entendu dire que vous luiaviez déjà écrit une lettre dithyrambique à ce sujet, lettre àlaquelle il vous a fait répondre de la façon la plus insolente parson homme d’affaires. Jugez un peu !

– Vos souvenirs ne vous trompent pas,Iris, mais cette fois-ci, le hasard semble nous servir et c’est debon augure. Mon frère est sur le point de se marier, sa fiancée,richissime héritière, est une adorable créature qu’il suffit devoir, dit-on pour admirer et pour aimer, cette heureusecirconstance ne saurait manquer de produire une influenceémolliente même sur le cœur le plus dur. Tenez, Iris, lisez ce quej’ai écrit et dites moi tout franchement votre manière devoir. »

Sur ce, lady Harry prit connaissance de laprose de son époux, l’impression qu’elle en éprouva mit un baumesur l’âme ulcérée de son mari.

L’épître en question fut jetée à la poste cemême jour.

Si la gaieté d’un convive suffit à le rendreagréable à ses hôtes, celle du docteur, ce jour-là, atteignitfacilement ce but, d’une galanterie exquise avec lady Harry, ilraconte anecdote sur anecdote, tout en faisant honneur au vin deChablis de son amphitryon et aux mets affriolants de la cuisinefrançaise. Il mit successivement la conversation sur les finances,le sport et la littérature, mais lord Harry, loin d’y mordre, setenait silencieux comme une carpe, au dessert, le convive entamaavec entrain une question d’horticulture avec lady Harry, mais ilémit une opinion si saugrenue au sujet d’une plantation à fairedans le jardin, que pour le confondre, Iris va chercher un manuelde jardinage. Dès que le docteur eut réussi à faire déguerpir lamaîtresse de maison, se retournant brusquement vers lord Harry, ildit d’un ton à la fois insolent et obséquieux :

« Eh bien ! avez-vous pris unedécision depuis notre entrevue au Luxembourg ? Êtes vous enfinrésolu à user du moyen que je vous ai proposé pour lester votrebourse et vous remplumer ?

– Non, certes, je le repousserai, aucontraire, ce moyen tant qu’il me restera un souffle de vie.

– Je m’en doutais ! fit le docteuravec un sourire de pitié. D’où je conclus, que vous avez un autretruc pour gonfler votre ballon dégonflé ? Et quel est-il, s’ilvous plaît ?

– Je vous demande de patienter jusqu’à lafin de la semaine.

– Alors vous me direz quel remède vousavez trouvé ?

– Je vous l’ai promis, docteur, et jen’ai qu’une parole. »

On entendit à cet instant la portes’ouvrir :

« Chut ! » s’écria lordHarry.

Iris rentre un livre à la main et met sous lesyeux du docteur le passage qui doit l’éclairer ; sur ce, ils’incline le plus galamment du monde et s’avoue vaincu.

Les jours se suivent avec lenteur etM. Vimpany continue à se montrer aussi facile à vivre quesouple et poli. Il décampe tous les matins et tous les matinsl’astucieuse Fanny suit sa piste comme un limier, celle d’unrenard. Après de longues courses faites dans Paris, il dirigeinvariablement ses pas vers l’un des hôpitaux de la capitale, où,sur une lettre qu’il présente, on le fait entrer.

Quel but poursuivait le docteur ?Mystérieux problème, secret insondable !

Le dernier jour de la semaine, au matin, l’onremit à lord Harry la lettre si impatiemment attendue. Pressée d’enconnaître le contenu, Iris arrive aussitôt chez son mari, mais déjàles fragments de la missive jonchent le sol ; à coup sûr,cette réponse est une fin de non-recevoir.

Iris, entourant de ses bras le cou de sonmari, lui dit de sa voix la plus caressante :

« Oh ! mon pauvre ami, qu’allez-vousfaire ?

– Rien.

– Quoi ! n’y a-t-il personne quivous puisse venir en aide ?

– Personne, si ce n’est vous, Iris,reprit-il en lui passant la main sur le front.

– Alors, dites-moi vite, de grâce, enquoi et comment ?

– Écrivez à Montjoie et demandez-lui deme faire un prêt d’argent. Iris eut un haut-le-corps. Quellehonte ! quelle dégradation. Surprise, indignée, outrée, elles’éloigne de son mari et pousse un cri de dégoût !

– Vous refusez ? » fit-il.

D’un air égaré et les larmes étouffant savoix, Iris reprit :

« Me feriez-vous l’insulte d’endouter ! »

Sur ce, le sauvage lord tire la sonnette avecfurie et disparaît ; sa femme l’entend s’informer dans levestibule où est le docteur.

« Mylord, le docteur est aujardin », répondit Fanny.

M. Vimpany, en effet, savourait à la foisle bon air de Passy et un excellent cigare. Lord Harry s’avance àpas de géant dans la direction de son ami et l’aborde en articulantun juron.

« Tout beau ! s’écrie le docteurd’un air folâtre, à quoi bon vous emballer pareillement.Est-ce oui,… est-ce non ?

– C’est oui ! Infernale canaille,répond son interlocuteur.

– Tous mes compliments, fit le docteurd’un air gouailleur.

– Vos compliments, de quoi ? ripostelord Harry d’un ton d’humeur rancunière.

– Parbleu ! d’être un aussi vilgredin que moi ! » s’écria le docteur d’une voixrogue.

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