16 – Le danseur de corde et lebalancier
Sur la corde tendue un jeune voltigeur
Apprenait à danser ; et déjà sonadresse,
Ses tours de force, de souplesse,
Faisaient venir maint spectateur.
Sur son étroit chemin on le voit quis’avance,
Le balancier en main, l’air libre, le corpsdroit,
Hardi, léger autant qu’adroit ;
Il s’élève, descend, va, vient, plus hauts’élance,
Retombe, remonte en cadence,
Et, semblable à certains oiseaux
Qui rasent en volant la surface des eaux,
Son pied touche, sans qu’on le voie,
À la corde qui plie et dans l’air lerenvoie.
Notre jeune danseur, tout fier de sontalent,
Dit un jour : à quoi bon ce balancierpesant
Qui me fatigue et m’embarrasse ?
Si je dansais sans lui, j’aurais bien plus degrâce,
De force et de légèreté.
Aussitôt fait que dit. Le balancier jeté,
Notre étourdi chancelle, étend les bras, ettombe.
Il se cassa le nez, et tout le monde enrit.
Jeunes gens, jeunes gens, ne vous a-t-on pasdit
Que sans règle et sans frein tôt ou tard onsuccombe ?
La vertu, la raison, les lois, l’autorité,
Dans vos désirs fougueux vous causent quelquepeine ;
C’est le balancier qui vous gêne,
Mais qui fait votre sûreté.