2 – L’écureuil, le chien et lerenard
Un gentil écureuil était le camarade,
Le tendre ami d’un beau danois.
Un jour qu’ils voyageaient comme Oreste etPylade,
La nuit les surprit dans un bois.
En ce lieu point d’auberge ; ils eurentde la peine
À trouver où se bien coucher.
Enfin le chien se mit dans le creux d’un vieuxchêne,
Et l’écureuil plus haut grimpa pour senicher.
Vers minuit, c’est l’heure des crimes,
Longtemps après que nos amis
En se disant bon soir se furent endormis,
Voici qu’un vieux renard affamé devictimes
Arrive au pied de l’arbre, et, levant lemuseau,
Voit l’écureuil sur un rameau.
Il le mange des yeux, humecte de sa langue
Ses lèvres qui de sang brûlent des’abreuver ;
Mais jusqu’à l’écureuil il ne peutarriver :
Il faut donc par une harangue
L’engager à descendre ; et voici sondiscours :
Ami, pardonnez, je vous prie,
Si de votre sommeil j’ose troubler lecours :
Mais le pieux transport dont mon âme estremplie
Ne peut se contenir ; je suis votrecousin
Germain :
Votre mère était sœur de feu mon dignepère.
Cet honnête homme, hélas ! à son heuredernière,
M’a tant recommandé de chercher son neveu
Pour lui donner moitié du peu
Qu’il m’a laissé de bien ! Venez donc,mon cher frère,
Venez, par un embrassement,
Combler le doux plaisir que mon âmeressent.
Si je pouvais monter jusqu’aux lieux où vousêtes,
Oh ! J’y serais déjà, soyez-en biencertain.
Les écureuils ne sont pas bêtes,
Et le mien était fort malin ;
Il reconnaît le patelin,
Et répond d’un ton doux : je meursd’impatience
De vous embrasser, mon cousin ;
Je descends : mais, pour mieux lier laconnaissance,
Je veux vous présenter mon plus fidèleami,
Un parent qui prit soin de nourrir monenfance ;
Il dort dans ce trou-là : frappez unpeu ; je pense
Que vous serez charmé de le connaîtreaussi.
Aussitôt maître renard frappe,
Croyant en manger deux : mais le fidèlechien
S’élance de l’arbre, le happe,
Et vous l’étrangle bel et bien.
Ceci prouve deux points : d’abord, qu’ilest utile
Dans la douce amitié de placer sonbonheur ;
Puis, qu’avec de l’esprit il est souventfacile
Au piège qu’il nous tend de surprendre untrompeur.