Fables

16 – Le hérisson et les lapins

 

Il est certains esprits d’un naturelhargneux

Qui toujours ont besoin de guerre ;

Ils aiment à piquer, se plaisent àdéplaire,

Et montrent pour cela des talentsmerveilleux.

Quant à moi, je les fuis sans cesse,

Eussent-ils tous les dons et tous lesattributs :

J’y veux de l’indulgence ou de lapolitesse ;

C’est la parure des vertus.

Un hérisson, qu’une tracasserie

Avait forcé de quitter sa patrie,

Dans un grand terrier de lapins

Vint porter sa misanthropie.

Il leur conta ses longs chagrins,

Contre ses ennemis exhala bien sa bile,

Et finit par prier les hôtes souterrains

De vouloir lui donner asile.

Volontiers, lui dit le doyen :

Nous sommes bonnes gens, nous vivons commefrères,

Et nous ne connaissons ni le tien ni lemien ;

Tout est commun ici : nos plus grandesaffaires

Sont d’aller, dès l’aube du jour,

Brouter le serpolet, jouer sur l’herbetendre :

Chacun, pendant ce temps, sentinelle à sontour,

Veille sur le chasseur qui voudrait noussurprendre ;

S’il l’aperçoit, il frappe, et nous voilàblottis.

Avec nos femmes, nos petits,

Dans la gaîté, dans la concorde,

Nous passons les instants que le ciel nousaccorde.

Souvent ils sont prompts à finir ;

Les panneaux, les furets, abrègent notrevie,

Raison de plus pour en jouir.

Du moins par l’amitié, l’amour et leplaisir,

Autant qu’elle a duré nous l’avonsembellie :

Telle est notre philosophie.

Si cela vous convient, demeurez avec nous,

Et soyez de la colonie ;

Sinon, faites l’honneur à notre compagnie

D’accepter à dîner, puis retournez chezvous.

À ce discours plein de sagesse,

Le hérisson repart qu’il sera trop heureux

De passer ses jours avec eux.

Alors chaque lapin s’empresse

D’imiter l’honnête doyen

Et de lui faire politesse.

Jusques au soir tout alla bien.

Mais lorsqu’après souper la troupe réunie

Se mit à deviser des affaires du temps,

Le hérisson de ses piquants

Blesse un jeune lapin. Doucement, je vousprie,

Lui dit le père de l’enfant.

Le hérisson, se retournant,

En pique deux, puis trois, et puis unquatrième.

On murmure, on se fâche, on l’entoure engrondant.

Messieurs, s’écria-t-il, mon regret estextrême ;

Il faut me le passer, je suis ainsi bâti,

Et je ne puis pas me refondre.

Ma foi, dit le doyen, en ce cas, mon ami,

Tu peux aller te faire tondre.

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