12 – Le phénix
Le phénix, venant d’Arabie,
Dans nos bois parut un beau jour :
Grand bruit chez les oiseaux ; leurtroupe réunie
Vole pour lui faire sa cour.
Chacun l’observe, l’examine ;
Son plumage, sa voix, son chant mélodieux,
Tout est beauté, grâce divine,
Tout charme l’oreille et les yeux.
Pour la première fois on vit céder l’envie
Au besoin de louer et d’aimer sonvainqueur.
Le rossignol disait : jamais tant dedouceur
N’enchanta mon âme ravie.
Jamais, disait le paon, de plus bellescouleurs
N’ont eu cet éclat que j’admire ;
Il éblouit mes yeux et toujours lesattire.
Les autres répétaient ces élogesflatteurs,
Vantaient le privilège unique
De ce roi des oiseaux, de cet enfant duciel,
Qui, vieux, sur un bûcher de cèdrearomatique,
Se consume lui-même, et renaît immortel.
Pendant tous ces discours la seuletourterelle
Sans rien dire fit un soupir.
Son époux, la poussant de l’aile,
Lui demande d’où peut venir
Sa rêverie et sa tristesse :
De cet heureux oiseau désires-tu lesort ?
– Moi ! Mon ami, je le plainsfort ;
Il est le seul de son espèce.