9 – L’avare et son fils
Par je ne sais quelle aventure,
Un avare, un beau jour, voulant se bientraiter,
Au marché courut acheter
Des pommes pour sa nourriture.
Dans son armoire il les porta,
Les compta, rangea, recompta,
Ferma les doubles tours de sa doubleserrure,
Et chaque jour les visita.
Ce malheureux, dans sa folie,
Les bonnes pommes ménageait ;
Mais lorsqu’il en trouvait quelqu’une depourrie,
En soupirant il la mangeait.
Son fils, jeune écolier, faisant fort maigrechère,
Découvrit à la fin les pommes de son père.
Il attrape les clefs, et va dans ceréduit,
Suivi de deux amis d’excellent appétit.
Or vous pouvez juger le dégât qu’ils yfirent,
Et combien de pommes périrent.
L’avare arrive en ce moment,
De douleur, d’effroi palpitant.
Mes pommes ! Criait-il : coquins, ilfaut les rendre,
Ou je vais tous vous faire pendre.
Mon père, dit le fils, calmez-vous, s’il vousplaît ;
Nous sommes d’honnêtes personnes :
Et quel tort vous avons-nous fait ?
Nous n’avons mangé que les bonnes.