Fables

18 – Les deux persans

 

Cette pauvre raison dont l’homme est sijaloux

N’est qu’un pâle flambeau qui jette autour denous

Une triste et faible lumière ;

Par delà c’est la nuit : le morteltéméraire

Qui veut y pénétrer marche sans savoir où.

Mais ne point profiter de ce bienfaitsuprême,

Éteindre son esprit, et s’aveuglersoi-même,

C’est un autre excès non moins fou.

En Perse il fut jadis deux frères,

Adorant le soleil, suivant l’antique loi.

L’un d’eux, chancelant dans sa foi,

N’estimant rien que ses chimères,

Prétendait méditer, connaître, approfondir

De son dieu la sublime essence ;

Et du matin au soir, afin d’y parvenir,

L’œil toujours attaché sur l’astre qu’ilencense ;

Il voulait expliquer le secret de sesfeux.

Le pauvre philosophe y perdit les deuxyeux ;

Et dès lors du soleil il nia l’existence.

L’autre était crédule et bigot ;

Effrayé du sort de son frère,

Il y vit de l’esprit l’abus tropordinaire,

Et mit tous ses efforts à devenir un sot.

On vient à bout de tout ; le pauvresolitaire

Avait peu de chemin à faire,

Il fut content de lui bientôt.

Mais, de peur d’offenser l’astre qui nouséclaire

En portant jusqu’à lui des regardsindiscrets,

Il se fit un trou sous la terre,

Et condamna ses yeux à ne le voir jamais.

Humains, pauvres humains, jouissez desbienfaits

D’un dieu que vainement la raison veutcomprendre,

Mais que l’on voit partout, mais qui parle ànos cœurs.

Sans vouloir deviner ce qu’on ne peutapprendre,

Sans rejeter les dons que sa main saitrépandre,

Employons notre esprit à devenirmeilleurs.

Nos vertus au très-haut sont le plus dignehommage,

Et l’homme juste est le seul sage.

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