7 – Le bœuf, le cheval et l’âne
Un bœuf, un baudet, un cheval,
Se disputaient la préséance.
Un baudet ! Direz-vous, tant d’orgueillui sied mal.
À qui l’orgueil sied-il ? Et qui de nousne pense
Valoir ceux que le rang, les talents, lanaissance,
Élèvent au-dessus de nous ?
Le bœuf, d’un ton modeste et doux,
Alléguait ses nombreux services,
Sa force, sa docilité ;
Le coursier sa valeur, ses noblesexercices ;
Et l’âne son utilité.
Prenons, dit le cheval, les hommes pourarbitres :
En voici venir trois, exposons-leur nostitres.
Si deux sont d’un avis, le procès estjugé.
Les trois hommes venus, notre bœuf estchargé
D’être le rapporteur ; il expliquel’affaire,
Et demande le jugement.
Un des juges choisis, maquignonbas-normand,
Crie aussitôt : la chose est claire,
Le cheval a gagné. Non pas, mon cherconfrère,
Dit le second jugeur, c’était un grosmeunier,
L’âne doit marcher le premier ;
Tout autre avis serait d’une injusticeextrême.
Oh que nenni, dit le troisième,
Fermier de sa paroisse et richelaboureur ;
Au bœuf appartient cet honneur.
Quoi ! Reprend le coursier écumant decolère ;
Votre avis n’est dicté que par votreintérêt !
Eh mais ! Dit le normand, par qui donc,s’il vous plaît ?
N’est-ce pas le code ordinaire ?