Livre 2
1 – La mère l’enfant et les sarigues
À Madame De La Briche.
Vous, de qui les attraits, la modestedouceur,
Savent tout obtenir et n’osent rienprétendre,
Vous que l’on ne peut voir sans devenir plustendre,
Et qu’on ne peut aimer sans devenirmeilleur,
Je vous respecte trop pour parler de voscharmes,
De vos talents, de votre esprit…
Vous aviez déjà peur ; bannissez vosalarmes,
C’est de vos vertus qu’il s’agit.
Je veux peindre en mes vers des mères lemodèle,
Le sarigue, animal peu connu parmi nous,
Mais dont les soins touchants et doux,
Dont la tendresse maternelle,
Seront de quelque prix pour vous.
Le fond du conte est véritable :
Buffon m’en est garant ; qui pourrait endouter ?
D’ailleurs tout dans ce genre a droit d’êtrecroyable,
Lorsque c’est devant vous qu’on peut leraconter.
Maman, disait un jour à la plus tendremère
Un enfant péruvien sur ses genoux assis,
Quel est cet animal qui, dans cettebruyère,
Se promène avec ses petits ?
Il ressemble au renard. Mon fils,répondit-elle,
Du sarigue c’est la femelle ;
Nulle mère pour ses enfants
N’eut jamais plus d’amour, plus de soinsvigilants.
La nature a voulu seconder sa tendresse,
Et lui fit près de l’estomac
Une poche profonde, une espèce de sac,
Où ses petits, quand un danger les presse,
Vont mettre à couvert leur faiblesse.
Fais du bruit, tu verras ce qu’ils vontdevenir.
L’enfant frappe des mains ; la sarigueattentive
Se dresse, et, d’une voix plaintive,
Jette un cri ; les petits aussitôtd’accourir,
Et de s’élancer vers la mère,
En cherchant dans son sein leur retraiteordinaire.
La poche s’ouvre, les petits
En un moment y sont blottis,
Ils disparaissent tous ; la mère avecvitesse
S’enfuit emportant sa richesse.
La péruvienne alors dit à l’enfantsurpris :
Si jamais le sort t’est contraire,
Souviens-toi du sarigue, imite-le, monfils :
L’asile le plus sûr est le sein d’unemère.