15 – Les enfants et les perdreaux
Deux enfants d’un fermier, gentils, espiègles,beaux,
Mais un peu gâtés par leur père,
Cherchant des nids dans leur enclos,
Trouvèrent de petits perdreaux
Qui voletaient après leur mère.
Vous jugez de la joie, et comment mesbambins
À la troupe qui s’éparpille
Vont partout couper les chemins,
Et n’ont pas assez de leurs mains
Pour prendre la pauvre famille !
La perdrix, traînant l’aile, appelant sespetits,
Tourne en vain, voltige, s’approche ;
Déjà mes jeunes étourdis
Ont toute sa couvée en poche.
Ils veulent partager comme de bonsamis ;
Chacun en garde six, il en reste untreizième :
L’aîné le veut, l’autre le veut aussi.
– Tirons au doigt mouillé. – parbleu non. –parbleu si.
– Cède, ou bien tu verras. – mais tu verrastoi-même.
De propos en propos, l’aîné, peu patient,
Jette à la tête de son frère
Le perdreau disputé. Le cadet en colère
D’un des siens riposte à l’instant.
L’aîné recommence d’autant ;
Et ce jeu qui leur plaît couvre autour d’euxla terre
De pauvres perdreaux palpitants.
Le fermier, qui passait en revenant deschamps,
Voit ce spectacle sanguinaire,
Accourt, et dit à ses enfants :
Comment donc ! Petits rois, vos discordescruelles
Font que tant d’innocents expirent par voscoups !
De quel droit, s’il vous plaît, dans vostristes querelles,
Faut-il que l’on meure pour vous ?