Fables

Livre 3

1 – Les singes et le léopard

 

Des singes dans un bois jouaient à la mainchaude ;

Certaine guenon moricaude,

Assise gravement, tenait sur ses genoux

La tête de celui qui, courbant son échine,

Sur sa main recevait les coups.

On frappait fort, et puis devine !

Il ne devinait point ; c’était alors desris,

Des sauts, des gambades, des cris.

Attiré par le bruit du fond de sa tanière,

Un jeune léopard, prince assez débonnaire,

Se présente au milieu de nos singesjoyeux.

Tout tremble à son aspect. Continuez vosjeux,

Leur dit le léopard, je n’en veux àpersonne :

Rassurez-vous, j’ai l’âme bonne ;

Et je viens même ici, comme particulier,

À vos plaisirs m’associer.

Jouons, je suis de la partie.

Ah ! Monseigneur, quelle bonté !

Quoi ! Votre altesse veut, quittant sadignité,

Descendre jusqu’à nous ! – oui, c’est mafantaisie.

Mon altesse eut toujours de laphilosophie,

Et sait que tous les animaux

Sont égaux.

Jouons donc, mes amis ; jouons, je vousen prie.

Les singes enchantés crurent à cediscours,

Comme l’on y croira toujours.

Toute la troupe joviale

Se remet à jouer : l’un d’entre eux tendla main,

Le léopard frappe, et soudain

On voit couler du sang sous la grifferoyale.

Le singe cette fois devina quifrappait ;

Mais il s’en alla sans le dire.

Ses compagnons faisaient semblant de rire,

Et le léopard seul riait.

Bientôt chacun s’excuse et s’échappe à lahâte

En se disant entre leurs dents :

Ne jouons point avec les grands,

Le plus doux a toujours des griffes à lapatte.

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