Fables

2 – Les deux lions

 

Sur les bords africains, aux lieuxinhabités

Où le char du soleil roule en brûlant laterre,

Deux énormes lions, de la soif tourmentés,

Arrivèrent au pied d’un rocher solitaire.

Un filet d’eau coulait, faible et derniereffort

De quelque naïade expirante.

Les deux lions courent d’abord

Au bruit de cette eau murmurante.

Ils pouvaient boire ensemble ; et lafraternité,

Le besoin, leur donnaient ce conseilsalutaire :

Mais l’orgueil disait le contraire,

Et l’orgueil fut seul écouté.

Chacun veut boire seul : d’un œil pleinde colère

L’un l’autre ils vont se mesurant,

Hérissent de leur cou l’ondoyantecrinière ;

De leur terrible queue ils se frappent lesflancs,

Et s’attaquent avec de tels rugissements,

Qu’à ce bruit dans le fond de leur sombretanière

Les tigres d’alentour vont se cachertremblants.

Égaux en vigueur, en courage,

Ce combat fut plus long qu’aucun de cescombats

Qui d’Achille ou d’Hector signalèrent larage,

Car les dieux ne s’en mêlaient pas.

Après une heure ou deux d’efforts et demorsures,

Nos héros, fatigués, déchirés, haletants,

S’arrêtèrent en même temps.

Couverts de sang et de blessures,

N’en pouvant plus, morts à demi,

Se traînant sur le sable, à la source ils vontboire :

Mais, pendant le combat, la source avaittari ;

Ils expirent auprès.

Vous lisez votre histoire,

Malheureux insensés, dont les divisions,

L’orgueil, les fureurs, la folie,

Consument en douleurs le moment de lavie :

Hommes, vous êtes ces lions ;

Vos jours, c’est l’eau qui s’est tarie.

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