13 – La balance de Minos
Minos, ne pouvant plus suffire
Au fatigant métier d’entendre et de juger
Chaque ombre descendue au ténébreuxempire,
Imagina, pour abréger,
De faire faire une balance
Où dans l’un des bassins il mettait à lafois
Cinq ou six morts, dans l’autre un certainpoids
Qui déterminait la sentence.
Si le poids s’élevait, alors plus à loisir
Minos examinait l’affaire ;
Si le poids baissait au contraire,
Sans scrupule il faisait punir.
La méthode était sûre, expéditive etclaire ;
Minos s’en trouvait bien. Un jour, en mêmetemps,
Au bord du Styx la mort rassemble
Deux rois, un grand ministre, un héros, troissavants.
Minos les fait peser ensemble.
Le poids s’élève, il en met deux,
Et puis trois, c’est en vain ; quatre nefont pas mieux.
Minos, un peu surpris, ôte de la balance
Ces inutiles poids, cherche un autremoyen ;
Et, près de là voyant un pauvre homme debien
Qui dans un coin obscur attendait ensilence,
Il le met seul en contrepoids :
Les six ombres alors s’élèvent à la fois.