14 – Le philosophe et le chat-huant
Persécuté, proscrit, chassé de son asile,
Pour avoir appelé les choses par leur nom,
Un pauvre philosophe errait de ville enville,
Emportant avec lui tous ses biens, saraison.
Un jour qu’il méditait sur le fruit de sesveilles,
C’était dans un grand bois, il voit unchat-huant
Entouré de geais, de corneilles,
Qui le harcelaient en criant :
C’est un coquin, c’est un impie,
Un ennemi de la patrie ;
Il faut le plumer vif : oui, oui,plumons, plumons,
Ensuite nous le jugerons.
Et tous fondaient sur lui ; lamalheureuse bête,
Tournant et retournant sa bonne et grossetête,
Leur disait, mais en vain, d’excellentesraisons.
Touché de son malheur, car la philosophie
Nous rend plus doux et plus humains,
Notre sage fait fuir la cohorte ennemie,
Puis dit au chat-huant : pourquoi cesassassins
En voulaient-ils à votre vie ?
Que leur avez-vous fait ? L’oiseau luirépondit :
Rien du tout ; mon seul crime est d’yvoir clair la nuit.