5 – Le paysan et la rivière
Je veux me corriger, je veux changer devie,
Me disait un ami : dans des lienshonteux
Mon âme s’est trop avilie ;
J’ai cherché le plaisir, guidé par lafolie,
Et mon cœur n’a trouvé que le remordsaffreux.
C’en est fait, je renonce à l’indignemaîtresse
Que j’adorai toujours sans jamaisl’estimer ;
Tu connais pour le jeu ma coupablefaiblesse,
Eh bien ! Je vais la réprimer ;
Je vais me retirer du monde,
Et, calme désormais, libre de tous soucis,
Dans une retraite profonde,
Vivre pour la sagesse et pour mes seulsamis.
Que de fois vous l’avez promis !
Toujours en vain, lui répondis-je.
Çà, quand commencez-vous ? – dans huitjours, sûrement.
– Pourquoi pas aujourd’hui ? Ce longretard m’afflige.
– Oh ! Je ne puis dans un moment
Briser une si forte chaîne ;
Il me faut un prétexte : il viendra, j’enréponds.
Causant ainsi, nous arrivons
Jusques sur les bords de la Seine,
Et j’aperçois un paysan
Assis sur une large pierre
Regardant l’eau couler d’un air impatient.
– L’ami, que fais-tu là ? – monsieur,pour une affaire
Au village prochain je suis contraintd’aller ;
Je ne vois point de pont pour passer larivière,
Et j’attends que cette eau cesse enfin decouler.
Mon ami, vous voilà, cet homme est votreimage ;
Vous perdez en projets les plus beaux de vosjours :
Si vous voulez passer, jetez-vous à lanage ;
Car cette eau coulera toujours.