8 – Le léopard et l’écureuil
Un écureuil sautant, gambadant sur unchêne,
Manqua sa branche, et vint, par un tristehasard,
Tomber sur un vieux léopard
Qui faisait sa méridienne.
Vous jugez s’il eut peur ! En sursauts’éveillant,
L’animal irrité se dresse ;
Et l’écureuil s’agenouillant
Tremble et se fait petit aux pieds de sonaltesse.
Après l’avoir considéré,
Le léopard lui dit : je te donne lavie,
Mais à condition que de toi je saurai
Pourquoi cette gaîté, ce bonheur quej’envie,
Embellissent tes jours, ne te quittentjamais,
Tandis que moi, roi des forêts,
Je suis si triste et je m’ennuie.
Sire, lui répond l’écureuil,
Je dois à votre bon accueil
La vérité : mais, pour la dire,
Sur cet arbre un peu haut je voudrais êtreassis.
– Soit, j’y consens, monte. – j’y suis.
À présent je peux vous instruire.
Mon grand secret pour être heureux,
C’est de vivre dans l’innocence ;
L’ignorance du mal fait toute mascience ;
Mon cœur est toujours pur, cela rend bienjoyeux.
Vous ne connaissez pas la volupté suprême
De dormir sans remords : vous mangez leschevreuils,
Tandis que je partage à tous les écureuils
Mes feuilles et mes fruits ; voushaïssez, et j’aime :
Tout est dans ces deux mots. Soyez bienconvaincu
De cette vérité que je tiens de monpère :
Lorsque notre bonheur nous vient de lavertu,
La gaîté vient bientôt de notre caractère.