8 – Le roi Alphonse
Certain roi qui régnait sur les rives duTage,
Et que l’on surnomma le sage,
Non parcequ’il était prudent,
Mais parcequ’il était savant,
Alphonse, fut surtout un habile astronome.
Il connaissait le ciel bien mieux que sonroyaume,
Et quittait souvent son conseil
Pour la lune ou pour le soleil.
Un soir qu’il retournait à sonobservatoire,
Entouré de ses courtisans,
Mes amis, disait-il, enfin j’ai lieu decroire
Qu’avec mes nouveaux instruments
Je verrai cette nuit des hommes dans lalune.
Votre majesté les verra,
Répondait-on ; la chose est même tropcommune,
Elle doit voir mieux que cela.
Pendant tous ces discours, un pauvre, dans larue,
S’approche, en demandant humblement, chapeaubas,
Quelques maravédis : le roi ne l’entendpas,
Et, sans le regarder, son chemin continue.
Le pauvre suit le roi, toujours tendant lamain,
Toujours renouvelant sa prièreimportune ;
Mais, les yeux vers le ciel, le roi, pour toutrefrain,
Répétait : je verrai des hommes dans lalune.
Enfin le pauvre le saisit
Par son manteau royal, et gravement luidit :
Ce n’est pas de là haut, c’est des lieux oùnous sommes
Que Dieu vous a fait souverain.
Regardez à vos pieds ; là vous verrez deshommes,
Et des hommes manquant de pain.