Histoires incroyables

XXXII

C’est fait.

J’ai frappé, oh ! d’une main sûre, allez.Il n’a pas poussé un soupir. Là, juste entre les deux yeux… la lamea pénétré de plus d’un pouce. Et c’est remarquablement dur, laboîte osseuse du cerveau. Je crois qu’il est mort… Oui, mais la viepersiste encore dans l’immobilité, précurseur de l’anéantissementdéfinitif. Je retire la lame, le trou est béant, quelques gouttesd’un sang noirâtre… oh ! presque rien… En vérité, j’aurais cruqu’il eût plus saigné que cela… L’ouverture est faite, c’est par làque je regarderai…

Enfin ! enfin ! par l’enfer, jevois, je lis dans ce cerveau ! Ah ! je ne m’étais pastrompé ! L’histoire n’est pas longue, allez ! À toutproblème, la solution tient en un chiffre… Dans ces fibrespalpitantes, dans les dernières convulsions de ce cerveau qui sedésorganise, qui se désagrège, je découvre le mystère. Ma peine n’apoint été perdue. Et pour vous le prouver, tenez, je vais vous direce que c’était…

Golding est un empoisonneur ! Oh !comme je vois bien le mot poison écrit sur les parois decet organe convulsé !… il y a là quelque chose de bienétrange… Golding n’a pas commis le crime seul… lorsqu’il aempoisonné Richardson (vous vous rappelez qui est ce Richardson,l’ancien propriétaire de Black-Castle), il avait deux complices,Pfoster et Trabler… S’ils ont commis le crime, c’est qu’ils étaientles amis de Richardson… et ses légataires. Parbleu !… Maisquand ils se sont trouvés en face du cadavre, lorsque le mort a étédescendu dans la chapelle blanche… vous savez, là-bas, au bout del’allée du parc, ils ont eu peur les uns des autres… et… oh !je lis tout cela dans la tête de Golding comme dans un registreouvert… ils ont été saisis par la folie du remords…

Non qu’ils regrettassent ce qu’ils avaientfait… mais ils étaient envahis par une indicible terreur… ilssentaient qu’un jour pourrait venir où l’un dénoncerait l’autre… etils se surveillaient, et à partir de six heures… heure à laquellela victime avait rendu le dernier soupir… ils ne se quittaientplus. Leur crime les étreignait et les liait dans les chaînes d’unecomplicité défiante.

Ah ! je ne déchiffre plus qu’avecdifficulté. En vain mon couteau fouille avec rage ce cerveau quegagne l’inertie de la mort. Rien !… rien !… plusrien !

 

« Hier, lit-on dans le New-YorkAdvertiser, un crime horrible a été commis dans la LunaticAsylum du docteur Gresham. L’honorable M. Golding a étéassassiné par son voisin de cellule, M. X., dans un accès defolie furieuse. L’insensé l’a tué à coups de couteau dans le crâne.Quant à M. X., il est mort presque immédiatement dans desconvulsions tétaniques. Le coroner a rendu un verdict de doubledécès par suite d’actes inconscients résultant d’aliénationmentale. »

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