Histoires incroyables

XXV

« L’ivresse peut-elle être utilementappliquée à une question de recherches : voici ce que j’eustout d’abord à déterminer. Si l’homme, à l’état sain, peut, grâce àune longue étude, concentrer sur un seul point toutes ses facultés,lui est-il possible de surexciter ces mêmes facultés de telle sorteque leur acuité se décuple, de donner au mécanisme intellectuel unetelle force, une telle rapidité de mouvement qu’un travailextraordinaire soit accompli ?

« Mon but était celui-ci : tandisque certains hommes boivent pour s’étourdir, pour oublier, jevoulais, moi, boire pour me mieux souvenir, pour mieux diriger mapensée sur le fait qui m’intéressait. Il s’agissait donc nonseulement de résister à l’engourdissement qui s’empare de l’hommeivre, mais encore de transformer cet engourdissement en exaltation.Ici encore était un écueil à éviter. L’exaltation de l’ivresse estinconsciente ; le plus souvent, l’homme, en état d’ébriété,oublie qui il est, ce qu’il veut, ce qu’il fait. Son intelligence,noyée dans la fumée de l’alcool, n’est plus maîtresse d’elle-même.La bête, selon l’expression d’un Français, Xavier deMaistre, domine absolument le moi. Et des actes de la bête le moin’est plus responsable, parce qu’il en a perdu la direction. Iln’en est pas moins vrai que chez l’homme, exalté par l’ivresse, sedéploie une force inconnue à lui-même, que ses muscles, que sesnerfs acquièrent une vigueur bien supérieure à celle qu’ilspossédaient à l’état normal. Tel homme ivre brisera une barre defer sur laquelle, au repos, il n’eût même pas osé porter la main.Il y a donc là preuve évidente que, par l’absorption de l’alcool,le corps humain se trouve momentanément doué d’un ressort plusénergique, que la détente des forces se fait plus violente. Etc’était de cette énergie, de cette violence artificielle que je meproposais de tirer parti.

« Mais non pas au hasard. Non pas enpermettant à mon âme d’abandonner, ne fût-ce qu’un instant, ladirection de ces efforts. Au contraire, je voulais que cetteplénitude de forces exerçât son action principale sur le cerveau,que sous l’action de l’alcool les fibres pensantes acquissent cettevigueur et cette énergie dont je devinais le développement, etqu’alors la pensée, appliquée uniquement au sujet auquel j’avaisvoué ma vie, s’élançât plus vive et plus ardente sur la route quim’était tracée. J’avais étudié la vengeance, il me restait à larêver.

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